Paru aux éditions Gaïa en 2016, Mémoires d'un militant de l'OS est un ouvrage autobiographique, signé par le militant Ramdane Asselah. A la faveur d'une vente-dédicace de son livre, organisée, dernièrement, à la librairie Nadji MEGA Bookstore, à Alger, le militant – âgé aujourd'hui de 95 ans – revient sur son parcours et sur le pan glorieux de l'histoire de l'Algérie. Propos recueillis Par Nacima Chabani -Vous avez publié en 2016 un ouvrage autobiographique sur l'Organisation Secrète, objet de vos mémoires. Aujourd'hui, vous remettez au parfum du jour votre combat en tant que militant de l'OS... J'ai toujours voulu écrire sur mon parcours en tant que militant de l'Organisation spéciale (OS). Je voulais, à ma retraite, écrire un livre à la fois autobiographique avec un contexte historique. Dans ce livre, je dirais que j'ai raconté ma propre vie, depuis l'enfance, les différentes aventures que j'ai eues en qualité de militant contre le clan des Français. J'étais dans le PPA-MTLD. J'évoque également dans mon livre les conditions de vie des Algériens sous l'occupation française, opprimés et exploités à la fois. Ces derniers étaient exclus de tous les droits et ils étaient traités comme des esclaves. En réaction à toutes les injustices, les Algériens ont commencé à s'organiser et à lutter contre l'occupant. D'abord en France au sein de l'Etoile nord-africaine, créée en 1926, puis dans le PPA (Parti du peuple algérien) à partir de 1937. J'ai tenu à laisser pour la postérité des traces de mon parcours. -Vous avez commencé à militer contre l'occupant français dès 1943, et ce, dès l'âge de 17 ans. Pourriez-vous revenir sur votre parcours de combattant et de résistant bien avant la période coloniale ? Je me suis impliqué dans le parti de l'opposition à la France dès l'âge de 17 ans. J'avais commencé à chercher à comprendre ce qui se passait avec la création du PPA. C'est l'un des mes cousins, une des figures de proue du Mouvement national, Asselah Hocine, qui a commencé à m'enrôler dans le mouvement et qui m'initia au militantisme. A ce moment-là, je travaillais en qualité d'auxiliaire à Ighil Imoula, à la poste de Boghni, en Kabylie. Rappelons qu'Ighil Imoula est le lieu d'impression de la proclamation du 1er Novembre 1954. J'étais militant du PPA et du mouvement Des Amis du Manifeste et de la Liberté (AML). En Kabylie, la Seconde Guerre mondiale avait créé une grande misère parmi la population indigène, déjà appauvrie dans le passé, après la confiscation de ses meilleures terres par les colons. J'ai adhéré ainsi au PPA dès 1943/1944, à l'âge de 18 ans, alors que je travaillais comme axillaire à la poste de Boghni. J'étais à la tête d'une cellule du parti composée de cinq éléments. Nous activions clandestinement étant donné que le parti était dissous par les autorités françaises. Suite aux événements de Sétif en 1945, j'ai dû m'enfuir de Kabylie pour échapper aux gendarmes français. Ces derniers ont fini par être au courant de mes opinions. Un caïd est venu m'avertir qu'on était à ma recherche et qu'il fallait que je parte impérativement. Dans la nuit même, je me suis enfui avec mon frère. Nous sommes partis à pied de notre village d'Ighil Imoula à Draâ Ben Khedda pour prendre le train afin de rejoindre Alger. Je me suis, donc, installé à Alger chez des parents où j'ai continué à militer au sein du PPA. Je fus intégré à l'OS (Organisation spéciale) dès sa création fin 1947. J'y ai dirigé la section transmission jusqu'à mon arrestation puis mon internement à la prison de Blida en avril 1954. Justement, pourriez-vous revenir sur le démantèlement de l'OS par les services de sécurité français suite à des fuites ayant occasionné, en mars et avril 1950, une vague d'arrestations dont votre incarcération à la villa Susini à Alger puis à la prison de Blida ? J'ai été arrêté deux fois. J'ai été envoyé dans la région des Oudhias, à Tizi Ouzou, pour sensibiliser les militants du PPDA. Certains voulaient se présenter aux élections. En allant à Berrouaghia, Médéa, j'ai été signalé. Ils m'ont arrêté et m'ont interrogé pendant toute la soirée. Je leur ai dit que j'étais venu pour voir un parent. Ils m'ont relâché. Ils ont vu que j'étais fonctionnaire, donc ils m'ont cru sur parole après une nuit passée chez eux. Je suis passé chez les gendarmes, ensuite au commissariat. Ils ont même téléphoné à mon employeur à Maison-Carrée pour vérifier mon identité. Ils m'ont, par la suite, relâché. Autre arrestation importante dans ma vie : en 1950, il y a eu une fuite dans le Constantinois qui a fait que la police française a fini par connaître ceux qui ont milité dans l'OS. On est venu m'arrêter le 25 avril 1950 à Alger. Lorsqu'ils sont arrivés, ils ont cassé une cheminée, croyant qu'ils trouveraient des documents qui leur serviraient de pièces à conviction. Bien évidemment, ils n'ont rien trouvé. J'avais suivi à la lettre les instructions de l'Organisation qui avait recommandé à ses militants de ne détenir aucun document compromettant. On m'a emmené à la villa Sisuni les yeux bandés où on m'a torturé comme beaucoup de militants. On m'a soumis à la torture, notamment à la baignoire, à l'électricité et aux coups, pour, justement, dénoncer des militants. J'ai pu tenir, fort heureusement. De la villa Sisini, on m'a transféré à Tizi Ouzou pour passer une nuit, et le lendemain, on m'a acheminé à la prison de Blida où j'ai passé six mois. J'ai pu bénéficier d'une liberté provisoire de 21 mois. J'ai été suspendu de ma fonction aux PTT, mais à l'époque, la loi française versait la moitié du traitement. Une fois sorti de prison, j'ai pu reprendre ma place au niveau des PTT. Il faut savoir qu'après l'amnistie générale, mon employeur m'a donné le choix de reprendre mon poste à Boghni ou être muté ailleurs. Je ne vous cacherai pas que je rêvais d'aller à Alger, car c'est dans les grandes villes qu'on peut s'épanouir. C'est là que j'ai pu reprendre mes études en cours du soir à l'université. J'ai passé le BEPC ensuite la première et la deuxième partie du bac à l'âge de 26 ans. Après l'indépendance, je me suis inscrit à l'université pour une licence en sciences politiques. J'ai tenu à avoir un niveau d'instruction appréciable en tant que responsable des PTT. J'ai assumé la fonction de directeur central dans les régions d'Alger, El Asnam, Tizi Ouzou puis à Médéa. Il faut avouer que la volonté ne m'a jamais manqué. Dès mon jeune âge, j'ai compris que l'instruction était le moyen de promotion sociale. J'ai tout le temps étudié. En 1966, j'ai été nommé sous-directeur central des PTT. Pourriez-vous revenir sur la période 1954 à 1962. En quoi a consisté votre militantisme puisque vous dites que vous livrez des détails inédits ? De 1954 à 1962, en tant qu'ancien militant, j'ai continué à militer clandestinement. J'étais dans l'OS qui était composée de gens triés sur le volet. Pour pouvoir rentrer dans l'OS, il fallait répondre à certains critères. Il fallait que se soit des gens aguerris, sincères et disciplinés à la fois. On faisait passer des tests aux intéressés avant d'entrer à l'OS. Justement, comment avez-vous été recruté au sein de l'Organisation spéciale ? J'ai d'abord passé un entretien, ensuite on m'a posé un revolver sur la table et on m'a dit de m'en servir contre un officier français qui avait l'habitude de passer par la montée de Gué de Constantine. On m'avait donné les renseignements suivants : la voiture était noire et le colonel était assis à la droite du chauffeur. Etant sur place à l'heure fixe, où le colonel passait, la nuit tombée, je devais faire vite et quitter les lieux. La voiture est arrivée et j'ai tiré. J'ai su, par la suite, que l'arme n'était pas chargée. Il s'agissait, en fait, d'un test qui m'a valu mon enrôlement dans la lutte armée. Il est important de le rappeler que c'est l'Organisation secrète qui a préparé le déclenchement du 1er Novembre. Cette date n'est pas tombée du ciel. Il nous a fallu en quelque sorte sept ans de préparation. C'est l'OS qui était chargée du soulèvement de 1954. De 1947 à 1954, j'étais chef de groupe. Quand je travaillais au PTT, j'étais versé dans les transmissions. A cette époque, l'Organisation spéciale prenait des gens dans les transmissions et les artifices. Sinon, quels sont les grands résistants que vous avez côtoyés durant votre militantisme ? Avant de parler de mes compagnons, je pense qu'il faut revenir sur les éléments fondateurs de l'OS. Citons entre autres les noms d'Ahmed Ben Bella, Mohamed Boudiaf, Krim Belkacem, Larbi Ben M'hidi et Aït Ahmed. L'histoire retient qu'après la mort du militant Mohamed Belouizdad, c'est Aït Ahmed qui a été nommé chef de cette organisation. Mais en 1949, il a été écarté et Ben Bella est passé à la tête de l'Organisation. Il faut dire que l'OS était bien structurée. Il n'était pas aisé de connaître les noms des chefs. Sinon, j'ai connu de grands résistants, à l'image de Youcef Benkhedda, maître Kiwane, Si Ali Abdelhamid et Driss. Un dernier mot... Je tenais à raconter mon parcours afin qu'il puisse servir aux jeunes. Ces derniers doivent savoir ce que leurs aînés ont subi pour parvenir à l'indépendance de l'Algérie. Une indépendance difficile à arracher. Nous étions en quelque sorte presque des esclaves. Mais fort heureusement que l'indépendance nous a apporté la dignité, la souveraineté et la reconnaissance à l'international. Je me réjouis d'avoir eu la patience d'écrire ce livre en l'espace de deux ans. J'espère qu'il sera une référence aussi bien pour la jeunesse que pour les historiens et les universitaires. N. C. Advertisements