L'association des familles des disparus enlevés par les groupes terroristes, Somoud, n'adhère pas au projet de loi portant amnistie générale, une idée floue du Président Abdelaziz Bouteflika. Dans une conférence de presse animée hier au siège de l'association RAJ, à Alger, Ali Merabet, président de Somoud, et maître Adnane Bouchaïb, son secrétaire général, ont dénoncé ce projet qui a eu le soutien « des parasites et des pollueurs de la scène politique nationale ». Pour maître Bouchaïb, ce sont ces « gens » qui ont évacué du débat national la question de l'amnistie générale en se pressant de la soutenir. S'affichant clairement pour une réconciliation nationale qui consacrera « une paix durable et définitive », les responsables de Somoud souligneront que la « véritable » réconciliation se fait par « étapes », citant au passage le cas de l'Afrique du Sud et de la Bosnie. Plus explicite, maître Bouchaïb a indiqué qu'il faut d'abord « connaître la vérité » et « rendre justice », avant d'arriver à l'étape où « la victime pourrait pardonner, si elle le veut ». Sans cela, a ajouté maître Bouchaïb, « la violence reviendra en Algérie et les frustrations finiront pas animer un esprit de vengeance chez les victimes ». Ainsi, il voit que « le passage direct à l'amnistie générale est dangereux », tout en refusant « l'impunité ». Condamnant le fait qu'après la loi sur la concorde civile, l'Etat « n'a pas désarmé les terroristes », maître Bouchaïb dira que « ces terroristes pourraient remonter à tout moment au maquis et commettre d'autres massacres ». Tout en rejetant le mot « repenti », car, pour lui, « un repenti est celui qui dépose les armes en regrettant ces actes ; ce qui n'est pas leur cas ». M. Merabet a précisé que seules les familles des victimes du terrorisme sont « aptes » à pardonner, après l'aveu du « bourreau » et « sa demande du pardon ». Maître Bouchaïb lui a emboîté le pas en attestant que les terroristes « doivent demander le pardon » à leurs victimes. Sinon, a-t-il enchaîné, « de quel droit que d'autres personnes pardonnent à la place des victimes ? ». Revenant sur l'attitude du Président Bouteflika par rapport à leur dossier, le président de Somoud n'a pas hésité de la qualifier de « mépris », en considérant que le Président s'emploie à un « double langage ». Pour étayer ses propos, M. Merabet s'est demandé pourquoi le Président a toujours assisté aux commémorations internationales sur les attentats terroristes, dont la dernière en date est celle organisée le 11 mars dernier à Madrid (Espagne), et il ne s'est jamais recueilli sur la mémoire des victimes des massacres, tels ceux de Raïs et de Bentalha. « Comment peut-on expliquer cela ? », s'est-il encore interrogé. Dans le même registre, maître Bouchaïb s'est demandé que « veut faire réellement le Président ? ». « Un jour, il avait déclaré qu'il ne peut pas faire de référendum tant que les plaies restent béantes. Un autre jour, il affirmera l'organisation prochaine d'un référendum sur l'amnistie générale tout en s'interrogeant sur qui pardonnera à qui ? », a-t-il ajouté. Sur un autre chapitre, les deux responsables de Somoud ont dénoncé l'exclusion de cette catégorie de disparus par maître Farouk Ksentini. « Il avait déclaré que les disparus enlevés par les groupes terroristes ne sont pas concernés par le rapport qu'il avait remis le 31 mars dernier au Président Bouteflika en me mettant en cause. Car j'avais refusé de lui donner la liste des 313 cas sur lesquels l'association a des dossiers complets. Pourquoi ? Parce qu'il ne voulait que décorer son rapport par cette liste qu'il pouvait pourtant avoir auprès des services de sécurité », a indiqué M. Merabet, avant d'annoncer le chiffre de près de « 10 000 disparus » qui ont été enlevés par les terroristes. « Leurs bourreaux sont connus des services de sécurité », a-t-il attesté tout en évoquant, au passage, l'existence des ossements de « 103 cadavres » à Châteauneuf, dans la capitale. Il a ainsi déploré le fait que les autorités n'ont pas utilisé la technique de l'ADN pour identifier ces ossements et permettre à leurs familles et proches de « faire leur deuil ». Aux yeux de maître Bouchaïb, cette situation de « mépris » est due au fait que « les pressions internationales se sont axées seulement sur la catégorie des disparus enlevés par les forces de sécurité ». Ainsi, à l'occasion de la présence, ces jours-ci, en Algérie d'Amnesty International, l'association Somoud compte informer, dans le détail, la délégation de cette ONG pour qu'elle mette la pression sur les autorités algériennes.