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Entre la confessionnalité de l'Etat et la laïcisation du droit (3e partie et fin)
Du statut des libertés en Algérie A- L'émergence d'un droit laïque
Publié dans El Watan le 24 - 08 - 2005

Le droit musulman se confine, on l'a vu, dans le cadre précis des rapports de statut personnel, en dépit des affirmations d'ordre constitutionnel et du discours officiel et partisan qui rejette toute insinuation à l'idée de laïcité. Autrement dit, il se cantonne dans la sphère des rapports matrimoniaux et des successions, où il trouve une application certaine. Le principe de « l'Islam, religion de l'Etat » perd de fait sa teneur et son contenu au profit du principe de la laïcité. Mais déjà, à l'indépendance, la première Constitution adopta le principe de la confessionnalité de l'Etat et annonça, en même temps, dans son article 11, l'adhésion de la République à la déclaration universelle des droits de l'homme, et, dans son article 4 la garantie à chacun du respect de ses opinions et de ses croyances ainsi que le libre exercice des cultes (au pluriel). Outre l'inconciliabilité, au niveau des principes de ces différentes énonciations, il est à noter qu'un Etat de confessionnalité islamique ne peut se réclamer officiellement, pour des raisons politiques évidentes et des impératifs de relations internationales, de la « théorie islamique » des droits de l'homme qui considère que ceux-ci sont attribués par la Puissance divine, frappés du sceau de la sacralité et soumis, par conséquent, à la règle de l'immutabilité. Un droit laïcisé voit donc le jour dans les Etats musulmans, défiant leur nature et leur conférant une hybridité certaine. Sous l'effet des réalités et des pressions internationales, mais aussi à cause de l'inefficacité de certaines énonciations du droit musulman et leur incapacité à s'adapter, un système juridique national se met en place au lieu de la loi islamique qui aurait dû s'imposer aux yeux des traditionalistes. La réalité de cette laïcisation n'est plus à démontrer, notamment au sein des sociétés méditerranéennes. Néanmoins, « des réserves subsistent quant au droit familial et aux mœurs politiques, mais la rationalisation et la sécularisation de facto ne prêtent plus à aucune équivoque » (27). Mais pourquoi l'Etat algérien adopte-t-il « une attitude de totalement incohérente » (28) en se donnant l'Islam pour religion et, à la fois, en adhérant aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, à leur garantie et à leur promotion ? « Est-ce une attitude démagogique ? Ou la peur des intégristes ? Ou le flou idéologique ? » (29). Il est aisé de dire, au vu des réalités des droits de l'homme et du mode de gestion du pouvoir, que c'est tout cela à la fois. A l'inverse de l'Algérie, du Maroc et de quelques Etat arabes qui se sont plus ou moins modernisés, la position des autres Etats islamiques semble plus logique, assez cohérente. En effet, les régimes intégristes (comme le Soudan ou l'Iran) ou traditionalistes (comme la plupart des pays du Golfe) n'ont pas adhéré officiellement aux instruments internationaux, puisqu'ils appliquent la charia. Ils ont adhéré, par contre, à la Déclaration du Caire sur les droits de l'homme en Islam (30). Son préambule énonce en toute logique que celle-ci a comme source la philosophie islamique et s'en inspire. Elle reconnaît certains droits « dans le cadre de lacharia » (Art.12), mais ils doivent être exercés par « les moyens charaïques » (Art.15) et selon des « méthodes compatibles avec les règles charaïques » (Art.16)(31). En vertu de l'article 24, « tous les droits et libertés décidés par la présente Déclaration sont liés par les dispositions de la charia islamique ». Celle-ci constitue la règle, et la Déclaration l'exception. Autrement dit, si ces droits et libertés ne sont pas reconnus par la charia ou sont contraires à ses principes, ils ne s'imposent pas à l'Etat ni à ses représentants ou institutions. Le recours à l'interprétation par les ouléma, pour confirmer ou non cette contradiction, s'avère donc souvent nécessaire. D'où la précarité et l'incertitude dans la reconnaissance même de certains droits et libertés qui pourraient être déclarés incompatibles avec le droit musulman, donc inopérants. De la sorte, le problème de leur exercice ou de leur effectivité ne se poserait même pas. Cette déclaration ne reconnaît pas tous les droits fondamentaux énoncés par les différents instruments à caractère universel ou régional. L'égalité entre l'homme et la femme, et entre le musulman et le non musulman n'y ont pas droit de cité. De même que, si la liberté de conscience est reconnue par l'article 10, celui-ci est « conçu de façon telle qu'il n'affirme pratiquement que la liberté d'être musulman » (32). Le projet de la Charte arabe des droits de l'homme, préparé en 1985 par les représentants de 21 gouvernements dans le cadre de la ligue arabe, mais qui est resté à ce jour au stade du projet, opère dans le même sens. Il n'a pas pu s'empêcher, lui aussi, de faire référence à la charia. Son préambule affirme, en effet, que « dans le cadre de la concrétisation des principes éternels posés par la charia islamique... en matière de fraternité et d'égalité entre les êtres humains (...), les Etats arabes partis à cette Charte s'engagent à garantir à tout être humain qui se trouve sur leurs territoires ses droits et ses libertés fondamentales ». Ces droits et libertés ne sont donc perçus et reconnus que dans le cadre de la charia et dans le seul but de concrétiser les principes de celle-ci. Mais en dépit de ces projets, restés en l'état, c'est la théorie moderne des droits de l'homme, née de l'humanisme de la Renaissance, de la conception des droits naturels issue de la pensée de Grotius et Hobbes, poursuivie par Locke et Rousseau, qui s'imposa avec force : « L'homme est né avec des droits qu'il tient de sa nature. » Les droits de l'homme sont des prérogatives attachées à la nature même de l'homme. Ils sont donc antérieurs à l'Etat et au droit qui ne peuvent que les constater et les consolider. D'où la nécessité absolue et incontournable de laïciser le droit relatif aux droits de l'homme en terre d'Islam, selon les tenants du courant moderniste.
B- Opposition des textes laïques à la constitution
Depuis l'indépendance, l'Algérie a procédé à la ratification de la quasi-totalité des conventions et pactes internationaux et est partie à un grand nombre d'instruments internationaux relatifs à la protection et à la défense des droits de l'homme. Elle adhéra à la déclaration universelle des droits de l'homme en vertu de l'article 11 de la Constitution de 1963, et, en 1989, au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels(33) et à la Déclaration relative à l'article 41 concernant la compétence du Comité des droits de l'homme pour recevoir et examiner des communications d'un Etat-partie, ainsi qu'au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (34) et au Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle ratifia plusieurs conventions internationales, dont la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (35), la Convention relative aux droits de l'enfant, la Convention relative à l'esclavage de 1926 amendée par le Protocole du 7 décembre 1953 et la Convention supplémentaire relative à l'abolition de l'esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues, la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui, la Convention relative au statut des réfugiés, la Convention relative au statut des apatrides, etc. Y a-t-il opposition ou contradiction entre le contenu de ces instruments, ainsi ratifiés et ayant donc force de droit positif interne, et la Constitution qui affirme que l'Islam est la religion de l'Etat, en sachant que « le droit musulman est fondé sur trois inégalités fondamentales : la supériorité de l'homme sur la femme, du musulman sur le non musulman et de la personne libre sur l'esclavage » (36) ? L'analyse, même superficielle, confirmerait une telle opposition. En effet, et à titre d'exemple, l'Algérie a adhéré, en vertu du décret no 89-67 du 16 mai 1989, au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (37). L'article 18 de ce Pacte dispose que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement ». Par l'adhésion de l'Algérie à ce Pacte, celui-ci se trouve intégré dan le droit interne, et il est même du droit des justiciables de s'en prévaloir devant les juridictions en vertu de l'article 132 de la Constitution. Mieux encore, un traité ratifié est classé, dans la hiérarchie des normes, en second rang après la Constitution, en vertu du même article. Le Conseil constitutionnel a eu à confirmer cette suprématie des conventions ratifiées par rapport à la loi interne, et ce, dans sa décision n°1-89 du 20 août 1989 (38), dans les termes suivants : « Considérant qu'après sa ratification et dès sa publication, toute convention s'intègre dans le droit national et, en application de l'article 123 de la Constitution, acquiert une autorité supérieure à celle des lois, autorisant tout citoyen algérien de s'en prévaloir devant les juridictions, tel est le cas notamment des pactes des Nations unies de 1966, approuvés par la loi n° 89-08 du 25 avril 1989, et auxquels l'Algérie a adhéré par décret présidentiel n°89-67 du 16 mai 1989, ainsi que la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ratifiée par décret n° 87-37 du 3 février 1987, ces instruments interdisant solennellement les discriminations de tout ordre. » Le pacte susvisé devient ainsi partie intégrante du droit national. Il a une valeur supérieure à la loi, et s'impose, en principe, aux institutions de l'Etat. Toutefois, il a une valeur moindre que celle de la Constitution qui, elle, affirme l'islamité de l'Etat, et donc l'inexistence, dans les faits et en droit, de toute liberté religieuse, de toute égalité entre l'homme et la femme et entre le musulman et le non musulman. Donc, au-delà de la question concernant l'effectivité de ce Pacte dans la vie pratique, la question primordiale est d'abord de savoir quelle est la valeur juridique réelle d'un tel pacte en terre d'Islam, en face d'une telle Constitution ? Est-il anticonstitutionnel ? Par ailleurs, si l'Algérie a effectivement ratifié avec réserve la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, sa législation interne s'inscrit en faux et viole concrètement cet engagement solennel, censé faire partie intégrante du droit national. En effet, le code de la famille constitue la négation même du principe de l'égalité entre l'homme et la femme. En vertu des diverses dispositions de ce texte majeur, la femme algérienne est maintenue continuellement dans un état de minorité, et ce, quels que soient son âge, sa situation et son rang social. L'inégalité, attentatoire aux principes des droits de l'homme, se trouve ainsi institutionnalisée, légalisée. Si pour les uns, ce code ne peut faire l'objet d'aucune contestation pour être une juste et saine application de la charia, donc une simple reproduction, dans la législation, de la parole de Dieu en matière de relations du statut personnel, pour d'autres, il en constitue, au contraire, l'antithèse : « A ceux qui disent que le Code de la famille est basé sur la charia, je leur dis non, ce n'est pas le cas ! Moi, je voudrais baser le nouveau code sur la charia, la vraie. Celle qui a eu le courage de poser les problèmes de la dignité humaine, il y a déjà quatorze siècles. »(39) Dans tous les cas, en droit algérien, le code de la famille s'apparente à « une sorte de réceptacle où se réunissent les plus grandes inégalités et les plus manifestes discriminations subies par la femme » (40).
L'auteur est (*) Docteur en droit Chercheur au Centre d'études et de recherches juridiques sur les espaces méditerranéen et africain francophones (Cerjemaf) - Université de Perpignan
Notes de renvoi :
(27) M. E. Hermassi, op. cit. p 39
(28) M. Charfi, op. cit., p 99
(29) Ibid.
(30) Adoptée, en 1990, par l'Organisation de la Conférence islamique, lors de la 19e session des ministres des Affaires étrangères, elle contient 25 articles.
(31) M. Charfi, op. cit., p 98
(32) Ibid.
(33) Avec déclarations interprétatives sur les articles 1, 8, 13 et 23.
(34) Avec déclarations interprétatives sur les articles 1, 22 et 23.
(35) Avec des réserves importantes.
(36) M. Charfi, op. cit. p. 121.
(37) Le PIDCP n'a été publié qu'en 1997, au JORA du 26 février 1997.
(38) Publiée au JORA n° 36 du 30 août 1989, p. 871.
(39) B. Cheriet, ministre déléguée chargée de la Famille et de la Condition féminine « Un code de la famille conforme à la charia ». Quotidien Liberté du 29 avril 2003, p. 2.
(40) N-E. « Lazzar, la femme et les droits de l'homme en droit algérien », le Quotidien d'Oran du 13 mars 2003, p.11.


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