Il y avait beaucoup d'émotion et de révolte dans la manifestation organisée par le collectif des familles de disparus. La révolte d'abord. A plus de 80 ans, le leader historique du FFS continue de se battre, et avec beaucoup de fougue. « Je serai au milieu des manifestants à Alger s'il est établi que l'armée ne tirera pas sur la foule. Bouteflika est responsable de cette guerre. Cet événement devient grotesque, c'est un tsunami totalitaire avec un président qui réquisitionne les fonctionnaires et tous les moyens de l'Etat. Au lendemain du 29 septembre, les familles des disparus ont obligation de se taire », s'indigne Aït Ahmed. La manifestation s'est transformée en tribunal de la politique du président algérien. « Nous sommes là pour donner du cœur aux hommes », lance une sœur d'un disparu. Les familles des disparus montent sur la scène improvisée et exhibent les photographies des personnes disparues. « A un meeting, le président algérien avait dit aux mères disparus : ils ne sont pas dans mes poches. Nous lui disons que le dossier des disparus ne sera jamais fermé. Non à l'impunité, non à l'oubli », lance Nacéra Dutour, présidente de l'association SOS-Disparus. Montrant une photo d'un adolescent souriant, l'une des mères dira qu'elle exige une commission vérité et justice : « Je veux la vérité, je n'aime pas l'argent. Qu'on me dise où est mon fils, mort ou vivant ». Les familles insistent sur l'impossibilité de faire le deuil sans le corps de leur enfant, s'il est avéré qu'il est décédé. « Dans le projet, il y a une menace pour les victimes qui seraient instrumentalisées. Je suis juriste, je ne suis pas instrumentalisé. L'exemple argentin nous a appris que la réconciliation passe par la vérité. Dans le chapitre 4 du projet, il est spécifié que l'Etat prend en charge le sort des personnes disparues. Cela suppose une enquête et donc des responsables. Or, on interdit les enquêtes », s'exaspère Louis Jouannet, ancien rapporteur de la commission des droits de l'homme à l'ONU. Mireille Mendès-France (fille de Frantz Fanon), Mohammed Harbi, Michel Tubiana, Patrick Baudoin et des représentants des associations des droits de l'homme se succéderont à la tribune pour réclamer la justice avant la réconciliation. Ils prendront presque tous l'exemple des anciennes dictatures sud-américaines, notamment argentine, pour dire que ce projet sera un échec, même s'il est voté, car le dossier des disparus ne sera pas refermé pour autant.