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œuvre vivante
Djamel Bencheikh, la merveilleuse aventure d'un homme juste
Publié dans El Watan le 29 - 09 - 2005

Les mots trahissent l'esprit », disait Barthes, pourtant c'est à travers les mots que ce dernier respirait la modernité et le renouveau, et qu'un homme comme Djamel Bencheikh a bâti son empire impérissable.
Un demi-siècle a suffi à Bencheikh pour dire l'indicible dans la culture arabe en mettant en exergue sa force, sa richesse, son imaginaire foisonnant, sa narration étonnante, mais aussi les fissures invisibles et les handicaps qui freinent son évolution et son rayonnement. Il ne s'est jamais engouffré dans le passé, puisque celui-ci n'était pour lui qu'un support pour comprendre cette ligne courbée qui va de la période médiévale à nos jours : comment une culture qui a émerveillé le monde peut-elle devenir le premier ennemi de sa propre richesse ? Il fallait trouver la réponse et mettre à jour les codes dans un monde de clichés, formaté et trop injuste ; ne prêtant que rarement l'oreille à la différence et à la recherche calme et raisonnée. C'est dans son travail monumental Le voyage nocturne de Mahomet suivi de l'aventure de la parole (imprimerie nationale 1988) de traduction, de commentaire mais aussi de comparaison, puisque Bencheikh nous donne un texte complet du voyage nocturne (al-Israa wa l'mi'rag) en confrontant les versions arabes et perses, et en mettant en exergue la force d'un imaginaire atypique et d'une narration sans limite et sans contours classiques. La Poétique arabe (Gallimard 1989) est un moment très fort dans son travail d'investigation et d'exploration d'un imaginaire raffiné et d'une technique construite sur un grand savoir-faire qui fait appel à tous les ingrédients culturels de l'époque. La poésie arabe classique, mal connue et mal reconnue, demeure un champs magnétique d'une grande force que seuls les hommes les mieux armés ont le droit d'y pénétrer. C'est avec les mêmes mots et les mêmes soucis du présent et du passé que Bencheikh a ressuscité la grande âme de Shéhérazade dans Les Mille et Une nuits ou la parole prisonnière (Gallimard 1988) et dans sa nouvelle version des Mille et une Nuits (choix de romans et de contes réalisé avec André Miquel en trois tomes de 1991-1996-folio Gallimard). Shéhérazade ne raconte pas seulement sa peine, mais celle d'une culture très codée. Une symbolique d'une grande richesse d'esprit mais aussi d'un grand gâchis mal assumé. Bencheikh savait très bien que seule la symbolique avait la capacité de stopper toutes les dérives et les violences. L'imaginaire bâti pendant des siècles de production n'en est qu'un moyen. Tout son travail, combien si important en ces temps de surenchères politiques et identitaires, repose sur cette évidence imposante. Mais c'est aussi dans la poésie que Djamel Bencheikh a creusé une autre voie dans le monde parallèle, féerique, impérissable et libre surtout, des mots : Le silence s'est déjà tu (1981), L'Homme poème (1983), Etats de l'aube (1986), Les mémoires du sang (1988), Transparence à vif (1991), Alchimiques (1991), Déserts d'où je fus (1994), Lambeaux (1995), Parole montante (1997), Cantate pour le pays des îles (1997). De la mémoire intime (poésie) à la mémoire collective, Bencheikh n'a délaissé aucun genre. Dans son unique roman, Rose noire sans parfum (Stock 1998), Bencheikh a continué son travail d'explorateur de l'imaginaire, enfoui sous les décombres des guerres fratricides, mais aussi les batailles pour la liberté qui n'ont malheureusement jamais abouti. Il revisite, dans ce roman, une période très turbulente, celle du IXe siècle de notre ère, où l'on découvre un Orient face à sa destinée, mais très semblable dans son idéal de liberté, à un Occident déjà métamorphosé par l'histoire et l'effort des hommes. La « révolution » des Zings, était-elle vraie ou juste une rose noire sans parfum ? Une fausse guerre qui n'a abouti qu'aux pillages et aux désastres ? El Moubarka, poète abbaside très connu, se raconte librement dans ce roman, même si le profil retracé par Tabari de lui ne reflète jamais sa vraie richesse et son grand courage. C'est de l'inactuel que Bencheikh fait son espace de travail et de reconstitution des fragments perdus de notre mémoire collective, et c'est dans le passé miné de l'intérieur qu'il installe tous ses outils modernes de création et revoit les infimes détails glissés par les historiens du sérail. L'émergence du phénomène intégriste avec une barbarie innommable a fini par donner raison à ses travaux sur l'imaginaire et la mémoire : la pensée en face de l'indicible. Comme Dib, il n'a jamais mâché ses mots, traîné jusque la tombe cette douleur qui ne faisait que le rapprocher de cette terre si chère à lui : une terre sans censure, faite de soleil et de liberté et qui bannit les grandes dérives identitaires et ses explosions meurtrières. Un provocateur, dites-vous ? Oui Bencheikh l'était quand il s'agit de défendre l'idéal de liberté et de modernité. « Poète, traducteur, critique inscrit dans la double référence prétendument irréconciliable, homme de passion et de raison, de convictions et d'inquiétudes », il nous met en face de notre destin peu reluisant mais nous invite à l'assumer pleinement. Le grand mérite des peuples, c'est aussi de savoir intégrer toute cette dimension sanglante dans la mémoire fertile en la symbolisant. Le cas de Bencheikh est très rare dans notre culture. Un homme bien installé dans une double culture qui a fait de lui un homme vraiment atypique. Malheureusement, il est le dernier d'une génération qui s'est éteinte, dans un monde où le monolinguisme fait des ravages et des exclusions bâties sur le vide. Entre deux exils, celui de l'université d'Alger qu'il quitta après avoir laissé sa grande trace et fondé les Cahiers algériens créés par lui à la faculté des lettres en 1966, et celui de Paris-Sorbonne qu'il ne quitta qu'après sa retraite et, dans laquelle, il a réalisé tous ses travaux de renommée en déstabilisant les assurances et les idées préconçues sur la culture arabe. Bencheikh a su rester d'abord et avant tout un homme juste. Certes, il donne une fausse apparence. Il a toujours évité la mauvaise rhétorique et le mensonge. Ceux qui le connaissent bien voient en lui un homme qui refuse de grandir. Durant la période dure des années 1990, il était là, présent en grand ami. Il m'invita généreusement afin d'animer une conférence au Collège de France sur les Mille et Une Nuits et sur mon roman : La Mille septième nuit qu'il avait commencé à traduire et dont il publia une partie (La Nuit des longs couteaux) dans la revue Gallimard NRF (n° 521-juin 1996). C'était une très grande modestie de sa part. On s'est vu, juste après, chez lui avec Claudine, sa femme, dans leur maison de compagne à Charnizié (la grange des loups) où j'ai passé une quinzaine de jours en compagnie de ma femme et de mes deux enfants. Quinze jours à écouter cette grande mémoire tendre, fertile et très humaniste. L'après-midi, avant la ballade dans les champs de tournesol, il n'oubliait jamais de jouer une partie de criquet avec les enfants. Il s'énervait comme un enfant quand Bassem ou Rym qui n'avaient que 9 et 12 ans commettaient des fautes d'ajustement. Il leur faisait la tête. A la fin de la partie, il les prenait à bras ouverts, avec une grande fraîcheur en leur racontant des histoires ou des blagues et en leur montrant les erreurs commises. Mais, en l'espace de quinze jours, il a réussi à faire des mes deux enfants, de bons pratiquants d'un jeu qu'ils n'avaient vu jusque là qu'à la télévision et très rarement. Djameldine Bencheikh, c'est aussi ça : une grande âme, franche et généreuse.

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