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Nos journalistes disparus...
ils nous ont quittés à la fleur de l'âge
Publié dans El Watan le 07 - 10 - 2010

Abdelhaï Beliardouh : Une belle plume «suicidée» par la mafia
Se remémorer la mort d'un collègue et ami est toujours dur et douloureux. Le souvenir des circonstances dans lesquelles il est mort, peut être plus douloureux encore. Nous parlions de Abdelhaï Beliardouh, Azza pour les intimes et autres proches, qui s'en est allé dans de terribles circonstances. Voilà un bon vivant comme il n'y en a pas deux, un garçon perclus d'énergie et d'humour ; à le voir rire et croquer la vie à pleines goulées, jamais on ne pouvait penser qu'il irait jusqu'au hara-kiri (sous d'autres cieux, ce n'est pas un suicide, c'est un exemple), il avait juste la quarantaine bien tassée.
Il est parti tel un météorite. Plutôt, on l'a fait partir de ce monde. Une belle plume brisée dans son élan irradiant de sincérité, « suicidée» par la mafia locale. A Tébessa, dans la soirée du samedi 20 juillet 2002, il a été kidnappé par le président de la Chambre de commerce et d'industrie Nemmemchas, Saâd Garboussi et trois autres hommes. Il a été battu et humilié dans la rue, devant plusieurs témoins ; il a été embarqué dans une voiture Daewoo, et dirigé vers la cave ou les entrepôts de friperie de Saâd Garboussi, où il sera séquestré. Les agresseurs voulaient la source d'information ayant servi à la confection de l'article qui, paru le 20 juillet 2002 en page régionale, fait état (au conditionnel) de l'arrestation de Saâd Garboussi pour soutien au terrorisme.
Passant outre la loi, s'en souciant comme d'une guigne, ce dernier et ses acolytes ont usé de violence et d'intimidation ; le journaliste avait été l'objet de ce qui s'apparente à une tentative de lynchage ou d'assassinat. Comble de l'humiliation, on lui avait fait triomphalement subir la «tournée d'honneur» dans la ville. Alertée, la police n'avait rien fait sur le coup. La lâcheté a été totale, et avait fait fuir les prétendus hommes. Le communiqué d'El Watan parlait alors «d'expédition punitive menée par un chef d'une mafia locale, (de) passivité, voire (de) complicité des services de sécurité et des élus locaux». Enfin, le 22 juillet au matin, la police enregistrera la plainte déposée par Abdelhai Beliardouh contre son agresseur. Cette grave «atteinte à la dignité humaine» a fait couler beaucoup d'encre et réagir plusieurs milieux, la presse, des organisations et des partis. Tous ont condamné cet «acte ignoble», dénoncé avec force le comportement des agresseurs, et interpellé les autorités judiciaires à Tébessa pour que les auteurs répondent de leur forfait.
Le 29 juillet, Saâd Garboussi est mis sous contrôle judiciaire par le juge d'instruction près le tribunal de Tébessa. Alors que Abdelhai Beliardouh était au parquet pour la plainte, une bombe de près de 1 kg de TNT a été déposée au bas de l'escalier de l'immeuble où réside son avocat Me Boualleg Dhakir. La bombe ayant été par bonheur découverte par un locataire, les services de police l'ont fait exploser quelques heures après. A ce jour, on n'en saura rien. Qu'il y ait un lien entre le premier fait et le second, cela n'est rien moins qu'une tautologie. Imposer la loi du silence, n'est-ce pas un fait de la mafia ? A partir de ce moment-là, un déchirement a, pour ainsi dire, disloqué, l'âme du journaliste. Ce qu'il a vécu n'a pas de nom, après le supplice physique, celui moral l'a achevé.
Abdelhaï Beliardouh a ingurgité samedi 19 octobre 2002 de l'acide pur. Transféré en urgence à l'hôpital Mustapha Bacha à Alger, il y décédera dans la nuit de mardi 19 novembre à mercredi 20 novembre 2002. Un autre martyr de la liberté d'expression. El Watan s'étant constitué partie civile, les audiences du procès en correctionnelle s'étaleront sur deux années ; bien qu'il y ait eu des moments de flottements, où toutes les entourloupettes emberlificotées et tentées par les agresseurs ont failli acheter les rouages de la justice, mais celle-ci a quand même bien fonctionné, elle a triomphé grâce à certains magistrats épris d'équité et de liberté d'expression.
Me Zoubeir Soudani, avocat de la partie civile, donne les précisions suivantes : «La cour de Tébessa avait confirmé l'incompétence du tribunal correctionnel du fait que l'affaire est de nature criminelle et de la compétence du tribunal criminel. Saâd Garboussi et les trois autres prévenus avaient alors introduit un pourvoi en cassation devant la Cour suprême. Celle-ci l'a rejeté le 31 décembre 2008. A présent, l'affaire a été renvoyée devant la chambre d'accusation de Tébessa, qui décidera de son renvoi devant le tribunal criminel, où Garboussi et ses co-accusés doivent répondre de leurs actes». Actes ou chefs d'inculpations suivants : «enlèvement et séquestration».
Le tribunal criminel, nous en sommes convaincus, fera pareil. En attendant, grâce à des responsables serviles et corrompus, et malgré les antécédents qu'on lui connaît puisqu'ils ont été révélés et relevés publiquement et à plusieurs reprises lors du procès en correctionnelle, et outre le fait qu'il doit être renvoyé incessamment devant le tribunal criminel, Saâd Garboussi a pu se hisser à la tête de la même structure étatique, la Chambre de commerce et d'industrie pour un deuxième mandat. Aussi, l'on se demande toujours comment il a pu présenter un casier judiciaire B2 vierge. Mais la justice triomphera une deuxième fois. Tant il est vrai que la vérité finit toujours par éclater.

Rachid Hamdad : Un avant-gardiste pluriel
Tragique destin que celui de Rachid Hamdad qui avait fui Tizi Ouzou en 1996 tant il était ciblé par les terroristes, mais pour trouver la mort à Tiaret en 2001 en maniant son arme. Il s'était installé avec son épouse dans cette ville des Hauts-Plateaux de l'ouest où il dirigeait le bureau d'El Watan quelques semaines après l'assassinat de son ami et camarade de combat, le journaliste Moh Achour Belghezli. Journaliste au parcours singulier, Rachid Hamdad était un homme pluriel ; militant politique (à l'ex-PAGS), enseignant (dans plusieurs lycées), journaliste (dans différentes publications), homme de théâtre (metteur en scène) et romancier (La mort de Hamama). Durant les six ans passés à Tiaret, il témoignait sur le quotidien de ses compatriotes avec son style incisif et son verbe tranchant, signant ses articles avec le pseudonyme Achour Bel, en hommage à Achour Belghezli et en défiance aux semeurs de la mort, les terroristes.
Ce qui caractérise Rachid Hamdad, c'est son immense culture générale, son admiration pour les auteurs iconoclastes et son admiration pour les philosophes des siècles derniers qui l'ont profondément influencé dans sa conception de la vie et construit aussi sa vision de l'au-delà. D'ailleurs, dans son unique roman, La mort de Hamama, publié à titre posthume l'année dernière avec le concours du quotidien El Watan, l'on découvre des traits de caractère puisés dans ses lectures. Le roman qui a connu un succès en librairie, est élaboré avec un style littéraire violent. Une histoire bouleversante. Il tourne autour du suicide, de Hamama, une femme brimée, mais battante.
Elle a fini par se donner la mort en se jetant du cinquième étage d'un immeuble, et l'on comprend que par son acte, le personnage se délivre de l'oppression sociale qui a eu finalement raison de sa résistance. Avec la disparition de Hamama, c'est une colombe qui meurt, c'est la paix qui fuit l'Algérie. Le roman est bâti sur des faits réels qui ont secoué le pays. L'auteur présente plusieurs tableaux ; il décrit la mort qui sévit à la moindre ruelle, les réunions des partis politiques, la mort du président (Boudiaf), mais aussi, une fiction qui narre les complexités sociales où la femme subit toutes sortes de brimades. Bien qu'inachevé, le roman est d'une consistance littéraire remarquable, d'une densité d'écriture singulière.
Rachid Hamdad était un homme modeste, discret. Il ne parlait pas de qu'il faisait. Du roman, il n'en parlait que rarement à son épouse. Rachid avait toutes les bonnes qualités tétées aux mamelles de sa Kabylie natale. Né à Boudjellil, où il repose sous un immense olivier, a commencé à se construire au lycée de Larbaâ Nath Irathen, à s'affermir à l'université et à s'imposer dans les luttes politiques et syndicales dans ses trantaines. Journaliste talentueux, Rachid Hamdad est parti à 39 ans, laissant un immense vide parmi sa famille, ses amis, ses confrères, mais également au sein du monde littéraire, dont La mort de Hamama l'a plongé dans postérité.

-Hommage à Ali Hadj Ali : Un expert averti,un pédagogue éclairé
Il y a presque deux ans, notre collègue, ami et aîné, Ali Hadj Ali, nous a quittés à jamais, laissant derrière lui un vide difficile à combler. Expert-comptable, commissaire aux comptes et expert fiscal judiciaire, Ali Hadj Ali faisait partie de la petite équipe rédactionnelle qui a pris sur elle de relever le défi de lancer une publication économique hebdomadaire, El Watan Economie, en l'occurrence. Il y apportait à la fois son savoir-faire, sa longue expérience dans le domaine de la comptabilité, mais aussi son sens de la pédagogie et son approche pertinente de l'actualité économique et financière.
A travers ses écrits, il veillait à répondre au mieux aux attentes du monde de l'économie et de la finance en matière d'information et d'éclairages. Militant de la cause nationale durant la période coloniale, ancien membre des Scouts musulmans d'Algérie (SMA), Ali Hadj Ali s'est voué après l'indépendance aux métiers de la finance et de la comptabilité, domaine dans lequel il s'est forgé une réputation de pionnier et d'expert des plus reconnus en Algérie. Considéré par ses pairs comme l'un des doyens de la profession, il a été porté à la tête de l'Ordre des experts-comptables durant les années 1990, lui qui fut l'unique expert-comptable algérien à être certifié aux normes comptables internationales par des institutions officielles.
Au sein du quotidien El Watan, il a d'abord exercé en qualité de commissaire aux comptes durant trois mandats, fonction qui lui a ouvert la voie à l'écriture journalistique, dont il a fait rapidement une passion qu'il cultivait assidûment, même durant la période où la maladie l'obligeait à garder son lit d'hôpital. Au supplément El Watan Economie, sa rubrique «Questions&Réponses», qu'il a lui-même conçue et proposée, est devenue rapidement un espace incontournable, tant les lecteurs la réclamaient régulièrement, adressant à son auteur diverses réactions et moult sollicitations.
Ali Hadj Ali, à la fois passionné et exigeant quant à la publication de ses chroniques et la mise en page de sa rubrique, nous adressait souvent des piques amicales mais néanmoins porteuses de suggestions pertinentes sur la manière d'appréhender les faits de l'actualité économique et financière. Expert averti, il nous apportait ainsi, à nous et nos lecteurs du Supplément Economie, à la fois ses éclairages de fin connaisseur de la comptabilité et de la finance moderne et sa rigueur intellectuelle indissociable de ses écrits. Au sein du supplément El Watan Economie, Ali Hadj Ali était à la fois analyste, expert et pédagogue. Ses chroniques et ses contributions permettaient à tout lecteur d'appréhender plus aisément les thèmes de la finance et de la comptabilité. L'homme est parti, ses écrits restent…

-Mohamed Meceffeuk : Le martyr du Dahra
Ce mercredi matin, la petite bourgade de Dahra, au nord de Boukadir, là où les alignements de vignoble épousent langoureusement la montagne,tenait son marché hebdomadaire.Parti le matin de Mostaganem, Mohamed Meceffeuk, correspondant d'El Watan, se glissait nonchalamment à travers les paquets de fellah venus faire quelques emplettes. La région était devenue un sanctuaire pour les hordes terroristes. Lui qui n'a jamais ménagé les idées obscurantistes dans ses écrits, le savait. Pourtant, comme à son habitude, il allait à la rencontre de cette population à laquelle il ne s'est jamais senti étranger.
Il était dans son milieu et discutait avec acharnement avec les gens qui l'entourait. Grace à un irrésistible regard juvénile, il parvenait facilement à capter l'attention de ceux qui l'entourait. Puis soudain, comme sorti de nulle part, un groupe de terroristes fit feu sur lui l'atteignant à mort. En ce mercredi 13 avril 1994, Mohamed Meceffeuk tombait sous les balles intégristes. Il était le 17e journaliste à irriguer de sons sang cette terre d'Algérie. Il venait alors de boucler 50 ans. Je l'ai connu en 1971, je venais de rentrer à l'ITA de Mostaganem et lui y travaillait déjà. Très porté sur l'activité sportive, c'est lui qui nous fera découvrir le stade de Sayada, son village natal. Les matches de foot entre groupes d'étudiants lui permettaient de parfaire son talent d'arbitre.
A l'époque, il était déjà membre très actif à la Ligue de football de Mostaganem. Rigoureux à l'extrême, il ne tolérait aucune contestation ni remarque. Cette rigueur l'accompagnera durant toute sa vie. Enseignant puis directeur d'école, il fera des passages successifs à l'Onama puis à l'Onaco tout en continuant à se parfaire dans l'arbitrage, où il se fera très vite une réputation de juge impassible et honnête. Il trouvait encore du temps pour activer dans le caritatif. Venir en aide à son voisin et repousser l'injustice ne l'a jamais rebuté. Véritable force de la nature, il enchainait activités sportives et professionnelles sans relâche. C'est ainsi qu'il se fera très vite une réputation d'homme affable, intègre et engagé. Dès l'ouverture du champ politique, il rejoindra le MDA de Ben Bella. Sitôt l'apparition de la presse privée, Mohamed s'y engouffrera avec fracas. Ses débuts, il les fera dans le périodique Détective où il fera étalage d'un véritable talent d'investigateur de premier ordre. Il est vrai qu'il est titulaire d'un brevet du second degré en sciences de l'observation. Délivré le 30 juillet 1960 par le recteur de l'académie de Paris !
Excusez du peu !
Arcbouté sur sa mobylette, il ne reculait devant aucun obstacle pour aller chercher l'information à la source. Il ne se contentait jamais des procès, ni encore moins des comptes-rendus de greffier. Très vite, sa notoriété fera le tour de la ville puis de la région. Il se faisait un point d'honneur à dactylographier ses papiers avec minutie, grâce à une vieille machine qu'il avait achetée sur ses propres deniers. Puis très rapidement, il rejoindra la presse quotidienne, travaillant simultanément pour la Nouvelle République, Liberté, Le Matin puis El Watan. Dans son magasin de la rue Med Bouras, il trouvait toujours du temps pour réparer postes de radio, magnétophones et téléviseurs. Il aurait pu faire fortune, comme nombre de ses collègues. Il n'en sera rien, lui sa passion, c'était de se rendre utile. Combien de clients reprenaient leurs appareils en s'acquittant seulement du prix de la pièce défecteuse ? C'est pour cela que cette activité qu'il pratiquait avec compétence et engagement, il finira par s'en éloigner.
Ses engagements journalistiques finiront par lui accaparer tout son temps. Rapidement, la collaboration avec El Watan lui imposera un rythme soutenu. La notoriété du journal qui s'affirmait de jour en jour l'incitait à plus d'efforts. Il ne rechignait devant aucun sujet ni aucune difficulté. L'avènement des partis intégristes lui permettra de choisir son camp de manière radicale. Le sportif, l'éducateur, l'homme d'action avait dès le début dénoncé les dérives islamistes. Les scandales de détournements et de dilapidation des deniers publics, il en faisait sa spécialité. Entre deux papiers culturels et sportifs, il glissait toujours un reportage parfaitement documenté sur la corruption et les passe-droits.
Très vite, il deviendra la cible de nombreux clans et lobbys locaux. Il recevait des menaces de toutes parts mais ne se démontais jamais. Il était devenu un véritable incorruptible, avec comme seules armes un stylo acéré, un appareil photo et un dictaphone qu'il arborait ostentatoirement. Sa popularité de justicier sans peur et sans reproche, il s'en servait pour aller toujours de l'avant. Le jour de sa mort, les regards se tourneront vers ceux qu'il n'aura cessé de dénoncer. Il laissera derrière lui une veuve éplorée, des orphelins inconsolables, des collègues amoindris, une population désemparée et un pays meurtri.
Depuis ce triste jour du 13 avril 1994, la faucheuse intégriste emportera encore 87 journalistes – dont 2 disparus - portant le tribut payé à la liberté d'expression à 104 victimes, dont 3 étrangers. Mohamed Meceffeuk d'El Watan était la 17e victime de la barbarie intégriste ! Sa veuve, affaiblie et diabétique, se fera écraser par une voiture à deux pas du siège de la wilaya de Mostaganem où elle venait quémander –sans suites- ses droits de victime du terrorisme ! Elle sera enterrée à proximité de son mari au cimetière de Sidi Ahtmane. Grâce aux patriotes sincères, une stèle a été érigée à sa mémoire là où il tombé en martyr du devoir.

Salim Mesbah : La voix des humbles
« …Ces délinquants, insérés dans un cadre minimum de salubrité, ne sont pas les jeunes barbares qu'une société mangeuse d'espérances imagine, plongée elle-même dans la pathologie qu'elle déverse, souvent avec haine, sur les jeunes égarés. » Ainsi écrivait Salim Mesbah, un cœur et une plume au service des pauvres, des marginalisés et autres laissés-pour-compte. Il abordait tous les sujets, sans discrimination, pour en faire des pièces d'anthologie, palpitantes, prises sur le vif. Un de ses papiers sportifs disait : « Il est des grands stades comme des grands hommes, ils ne meurent jamais. A condition que la mémoire et le respect leur soient dus. »
En le lisant, on réalise, avec une certaine amertume, que c'était l'un des derniers de cette génération mûrie très tôt, profondément consciente de l'enjeu de cette nouvelle Algérie, celle de l'après-indépendance, pour laquelle il était impératif de s'investir, corps et âme. Dans tous ses écrits, s'inscrivait en filigrane, sa rébellion contre ce qu'il appelait «le conformisme intellectuel, qui a tant fait mal à la société algérienne», ou encore, «…partout l'intelligence est traquée, le courage réprimé et l'intégrité assaillie ».
Neuf ans après que son cœur l'eut lâché, ses paroles retentissent encore, avec toute la puissance de celui qui ne s'était hélas pas trompé. On entre dans ses textes comme dans un jardin de lumière. Au-delà de l'érudition, c'était sa grandeur d'âme, sa générosité, sa compassion pour ses semblables, son humanisme, qui nous interpellent, nous lecteurs un peu tardifs. Son verbe, exempt de cynisme, mettait du baume au cœur de ceux que l'adversité n'épargnait pas.
Assurément, il était à l'image de ce qu'il écrivait : spontané et généreux. Il égrenait ses mots comme un chapelet : avec la ferveur que lui donnait son amour pour tous les déshérités. « C'était un écorché vif », disait de lui un de ses amis. Chacune de ses phrases était une magistrale leçon de journalisme, le vrai, l'authentique, celui qui se met au service des humbles de tous bords, inconditionnellement.

Nabil Lalmi : Le porte-parole des laissés-pour-compte
Condenser en quelques lignes les dossiers traités par le défunt Nabil Lalmi ayant laissé ses empreintes au bureau d'El Watan de Sétif, est un exercice extrêmement difficile. D'autant plus que l'intellectuel (le mot n'est pas fort) qu'il était, faisait des souffrances des handicapés, des malades chroniques, des sourds-muets et des personnes âgées, ses sujets préférés.
Tout comme les désagréments causés aux élèves des zones enclavées, des usagers du transport en commun et des assurés sociaux soumis encore et toujours au diktat de bureaucrates.
Ne pouvant rester insensible face au désarroi des SDF, des aléatoires couvertures sanitaires des patients des localités déshéritées, Nabil qui a adhéré à la ligne éditorial du journal, ne supportait pas la complaisance et la complicité des uns et des autres. Il couvrait avec un immense plaisir le Festival de Djemila où il a côtoyé les grandes vedettes de chanson arabe, telle Warda El Djazairia. La couverture des séminaires et colloques scientifiques d'un certain rang était la tasse de thé du défunt ayant à travers les pages hebdomadaires «Sétif-info» pointé du doigt à plusieurs reprises, les pollueurs –responsables dans une certaine mesure de la décrépitude de Sétif, belle et propre de façade uniquement.
Le terrorisme de la route qui a endeuillé, un dimanche 8 fevrier 2008, à 18 heures exactement, la famille Lalmi et El Watan ayant perdu l'un un père attentionné et l'autre une plume avérée, n'a pas échappé à l'appréciation de cet atypique échotier qui personnifiait le journalisme de proximité. Nabil qui honnissait la médiocrité et le travail bâclé a fait beaucoup pour les enfants des hautes plaines obligés d'attendre des mois durant pour un utopique rendez-vous pour un virtuel implant cochléaire, quitte ce bas monde sans pouvoir exaucer le vœu de son petit enfant Akram parti avec lui et ceux des autres enfants de la région dans l'attente d'un implant, passé sous silence, depuis la tragique disparition de notre collègue, ami et porte parole des laissés-pour-compte. Nabil, nous ne t'oublierons jamais.

Mère Courage et tous les autres
De tous ceux aujourd'hui disparus et qui ont pris part à « l'aventure intellectuelle » d'El Watan jusqu'à ce que la « Grande Faucheuse », vienne mettre un terme prématurément à leur expérience, comment oublier le visage de Fatma Zohra Mammeri, toujours penché sur son clavier ou le sourire triste de Fouad Diaf, prêt à toutes les missions au volant de son véhicule de service pour accompagner les journalistes sur le terrain.
A elle seule cette mère de famille disparue à 51 ans, symbolisait le courage de la femme algérienne dans les épreuves difficiles.
Entrée à El Watan en 1991 quelques mois après le lancement du premier numéro, elle fût la première à braver toutes les peurs y compris les siennes, le jour de l'attentat contre la Maison de la Presse et le Soir d'Algérie et à rejoindre son poste de travail les yeux en larmes pour les confrères victimes de l'horreur intégriste, et s'atteler à la confection du journal du lendemain. Sa présence a suffit à redonner du courage et à nous convaincre de ne pas céder au désespoir. Fouad a intégré l'équipe des chauffeurs du journal la même année que Fatma Zohra était tout aussi présent dans les couloirs du journal jusqu'au « « bouclage », prêt à conduire les journalistes là où les nécessités du travail les appellent.
Un sourire triste dans une barbe fournie, une disponibilité constante dans le travail c'est sans doute comme cela que l'on pourrait dépeindre Fouad disparu à 31 ans en 1998 laissant derrière et une et deux fillettes.


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