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Les obsession et les questionnements ontologiques
L'Amérique des belles lettres (II)
Publié dans El Watan le 17 - 11 - 2005

Par sa géographie d'abord, New York, cette « Big Apple » (grosse pomme), cité idyllique, ne peut s'offrir à son visiteur qu'en partie ; jamais entièrement, comme tous les amours impossibles et non assouvis, qui nous laissent perplexe et sur notre faim.
Une ville morcelée en cinq fragments rattachés par de fines fragilités et des lignes de métro qui paraissent sur les plans de la ville comme des vaisseaux sanguins : Manhattan, Bronx, Queens, Staten Island beaucoup plus proche du New Jersey que de New York par son économie et sa culture, et enfin Brooklyn. Pour rejoindre cette dernière à partir de Manhattan Centre, c'est à dire du Theater District par exemple, ou de Midtown, il suffit juste de traverser le couloir de lumière : le Bowery avenue ou le mythique Broadway pour se retrouver dans le magnifique pont des amoureux Brooklyn Bridge, qui traverse tout l'East River sans grandes difficultés et s'évanouir dans les hauteurs de Brooklyn. Brooklyn est une énorme ville à elle toute seule avec ses 2,5 millions d'habitants. C'est la banlieue la plus peuplée des Boroughs de New York. Son rattachement au grand New York ne date que de 1898. C'était une colonie hollandaise au XVIIe siècle. D'ailleurs, le nom Brooklyn vient de « Breukkelen » ou la terre brisée. L'achèvement du pont de Brooklyn en 1883 changea totalement les relations et la ville. Il est le seul de tout New York qui ne soit pas métallique avec ses arches de 2005 m et ses piliers de granit de 90 m de haut. En 1905, Brooklyn est rattachéé davantage par des lignes de métro traversant la rivière. Aux pieds des ponts de Brooklyn, d'anciens quartiers industriels se reconvertissent en cités d'artistes. C'est dans Brooklyn Heights, où d'anciens entrepôts ont été transformés en belles habitations ou en magnifiques lofts. C'est là que s'est installé depuis quelques années le grand écrivain américain Paul Auster (né en 1947 dans le New Jersey) ; connu essentiellement par sa trilogie newyorkaise : Cité de verre, Revenants, La chambre dérobée, dans laquelle il décrit une ville en pleine déperdition face à l'arbitraire qui est devenue maître des lieux, à l'aléatoire et au hasard déterminant. Un univers illogique et sans lendemain à travers Surfe Quinn, personnage central de toute la trilogie, jusqu'à perdre son identité. On retrouve les odeurs et l'ambiance des quartiers de Brooklyn dans Smoke, Brooklyn Boogie. Paul Auster revient sur ses thèmes préférés l'amour, l'angoisse, le hasard, le déterminisme de la vie. Dans ses deux deniers romans : La Nuit de l'oracle, il décrit les tourments d'un écrivain, Sidney, vivant à Brooklyn avec sa femme Grace. En quittant l'hôpital, après une longue maladie, Sidney se retrouve devant une angoisse qu'il doit gérer, une peur invisible qui traverse toute la littérature américaine. La longue maladie l'avait fragilisé et rendu vulnérable. Il a surtout peur de perdre le goût de l'écriture et l'inspiration. Lors d'une tournée dans son quartier, il est attiré par un carnet bleu qu'il acheta tout de suite sans savoir pourquoi, et dans lequel il laissa tramer une histoire dont il était maître du commencement mais dont la fin lui échappait. « Il me fallut encore 5 mn pour dénicher tout ce dont j'avais besoin, après quoi, je revins vers l'entrée de la boutique et posait mes trouvailles sur le comptoir. L'homme m'adressa un autre de ses sourires polis et se mit à enfoncer les touches de sa caisse pour enregistrer les prix des différents articles. En arrivant au carnet bleu, il s'arrêta un instant, le tint en l'air et en caressa légèrement la couverture du bout des doigts. C'était un geste d'appréciation, presque une caresse. » (Nuit de l'oracle, P 15).Toujours avec les même obsessions austériennes, comme si l'imaginaire n'était rien d'autre que le déroulement du temps avant la mort, ou peut- être son origine. Tout finit dans l'obscurité et le néant : « Je ne lui soufflerai jamais un mot de l'histoire que je viens d'écrire dans le carnet bleu. Je ne sais pas s'il s'agit de réalité ou de fiction, mais en définitive ça m'est égal. Du moment que Grace veut de moi, le passé est sans importance. C'est là que je m'arrêtais... Je retournais dans mon bureau, armé d'un petit sac-poubelle en plastique. L'une après l'autre, j'arrachais les pages du carnet bleu et les déchirais en petits morceaux... Je laissais tomber le sac dans un conteneur à ordures où il disparut sous un bouquet de roses fanées et les pages de bandes dessinées du Daily news. » (La Nuit de l'oracle P 216-217). Dans son dernier roman Brooklyn Follies, fraîchement sorti à New York et Paris, Paul Auster revient à la même thématique de l'écriture et l'obsession de la maladie. Nathan Glass avec un cancer en rémission et une solitude grandissante après un divorce et une retraite après 30 années de travail sans relâche dans une compagnie d'assurance, doit trouver les ressources qui lui permettraient de gérer le reste de sa vie le mieux possible. Pendant ses randonnées interminables dans les cafés de Brooklyn, Nathan Glass tombe sous le charme d'une serveuse, il décide alors d'écrire un livre dans lequel il retrace ses souvenirs, ses lapsus et ses faiblesses de langage, ses histoires mais aussi celles des autres qu'il a rencontrées. Il lui donne comme titre : Le livre de la folie humaine. Seulement voilà, le livre s'ouvre de nouveau. La rencontre de son neveu Tom Wood, perdu de vue depuis longtemps, va tout bouleverser et donner un autre souffle à la trame romanesque ouverte constamment sur l'inconnu. Brooklyn Follies se termine sur une touche très chère à Paul Auster, celle de l'abîme et de l'attente : « Il était 8 h quand je mis les pieds dans la rue, 8 h du 11 septembre 2001, exactement 45 mn avant que le premier avion ne s'écrase contre la tour Nord du World Trade Center. Deux heures plus tard, la fumée de 3000 corps carbonisés dériverait au-dessous de Brooklyn et viendrait pleuvoir sur nous en un nuage blanc de cendre de mort. » (Brooklyn Follies, P 364). Avec une écriture ciselée et sans déchets métaphoriques, Paul Auster s'impose comme écrivain incontournable de la génération des années 1970. Il obtient en 1993, le prix Médicis pour son roman Léviathan. Toute l'œuvre romanesque de Paul Auster, qui compte aujourd'hui plus d'une vingtaine de romans, est entièrement traduite en langue française chez Actes Sud. Pour mesurer l'importance de la ville de Brooklyn et sa place artistique dans New York d'aujourd'hui, il suffit de rappeler que c'est la ville d'enfance d'Henry Miller, qui d'ailleurs l'a décrite dans Tropique du Capricorne. Le grand poète Walt Whitman (1819-1892), né dans le petit village de le Long Island a la majeure partie de sa vie à Brooklyn Heights, travaillant inlassablement sur son seul et unique recueil de poésie Feuilles d'herbe. Une nouvelle Génération d'écrivains américain émerge aujourd'hui par la qualité de son écriture et la variation de ses thèmes. William T. Vollmann, (né à Los Angeles en 1959) avec une vingtaine de romans dont Nuits du papillon. W.T.V est un grand aventurier. Il s'est rendu dans les endroits les plus risqués de la planète, de Mogadiscio à Sarajevo, en passant par le triangle de la mort avec ses bordels et ses barons de la drogue. Il a échappé à la mort à plusieurs reprises. Depuis quelques années, il a entrepris l'écriture de ce qu'il a appelé l'histoire symbolique des USA. Le Seven Dreams (les sept rêves) est une grande fresque à travers laquelle il raconte les souvenirs des rêves et des carnages qui se sont répétés à travers les âges aux USA. La famille royale est le livre le plus abouti de William T. Vollmann. Dans les 940 pages, il raconte l'histoire mythique de la Reine des putes. Un récit croisé de deux frères et de deux mondes qui s'affrontent, celui du jour et celui de la nuit ; celui des grands pouvoir et celui de la rue et du désespoir. La touche d'Henry Miller est facilement identifiable dans ce roman fleuve nu et amère. Etonnamment, ce livre n'a pas été censuré, « peut-être parce que personne ne l'a lu en entier », dit-il. Rick Moody, (né en 1962 à New York) est une autre voix, plus chaude et plus revendicative. Il est traduit en France, dans les éditions de l'Olivier et Rivage. Il a notamment publié Tempête de glace, Purple América, A la recherche du voile noir, l'Etrange horloge du désastre. Il dresse dans ses romans, mais dans ses nouvelles aussi, une cartographie de la déchéance humaine, qui, progressivement, s'étend à l'ensemble des espaces, même les plus enfouis en nous. Le désespoir y plane sur le tête de tous. Il évoque le mal newyorkais et le désir de construire une identité individuelle qui fait sortir les gens de leur état dépressif. En usant des moyens techniques du récit autobiographique et des confessions comiques, il décrit la déchéance avec rage. On peut citer aussi Sherman Alexie (né en 1967 dans une réserve indienne) avec Dix petits indiens, L'Effacement, Phœnix, Arizona et La vie aux trousses. Ses personnages incarnent cette indianité perdue et son héritage, loin des passions simplistes et plates. Tawni O'Dell (journaliste et écrivain née en Pennsylvanie), une voix féminine d'une très grande tendresse. Après son grand succès pour son roman Le temps de la colère, Le retour à Coal Run (La ligne de charbon) la consacra définitivement. Un roman simple mais qui résonne fort. C'est le changement de la destinée d'un footballeur qui se retrouve shérif adjoint dans sa ville d'enfance, mêlé à des affaires qui le dépassent. Un roman en quête de héros dans un monde de l'éphémère qui n'en produit plus. Il y a aussi Steewart O'Nan. Son écriture s'intéresse plus aux situations les plus délicates comme il l'a déjà fait Le nom des morts, Un monde ailleurs, qui retracent les guerres du Vietnam et du Pacifique. Dans Un mal qui répond la terreur, on est toujours dans le registre de la terreur et de la peur qui enveloppe toute la littérature américaine d'une fêlure blanche, à peine visible. L'épidémie dévaste tout sur sa route et dont Jacob, l'homme pieux et shérif, doit faire la comptabilité et la constation de la mort de chacun. C'est une prière pour les morts, d'ailleurs le titre original renvoie exactement à ça A Prayer for the dying, un chant d'espoir halluciné au milieu de
l'horreur et la désolation. La description des cadavres rappelle inévitablement la peste de Camus. Juste un petit mot pour conclure cette traversée dans le couloir de la lumière qu'est la littérature. La littérature américaine nous fait oublier tous les affres des guerres et nous ouvre les yeux sur les fragilités qui nous entourent. L'Amérique est une puissance muette, la littérature rend sa voix plus audible, l'humanise.


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