L'état d'urgence est perçu par les démocrates et les militants des droits de l'homme comme le principal obstacle à une vie publique démocratique. «C'est une menace permanente pour l'exercice du droit et des libertés fondamentales», affirme un avocat exerçant à Constantine. Si cet état venait à être levé, cela impliquerait un retour à la normale et à la légalité juridique. En quoi cela consiste-t-il clairement ? Notre interlocuteur soutient que cela favorisera davantage de liberté dans la circulation des personnes, la fermeture des centres d'internement, la levée de l'interdiction des manifestations, le retrait des troupes de l'armée et, de manière générale, la suspension des pouvoirs exorbitants accordés à l'Exécutif et aux autorités sécuritaires, incluant les restrictions sur la vie publique. Cet avis n'est pas partagé par le président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), maître Boudjemâa Ghechir, pour qui cette mesure, au contraire, n'aura pas beaucoup de retombées sur la vie publique «parce que l'état d'urgence en lui-même n'a pas été utilisé de manière systématique ces derniers temps». A quoi servirait donc la décision de Bouteflika si elle venait à voir le jour? Notre interlocuteur affirme que «le Président a annoncé cette décision pour faire oublier certaines choses. Le plus important a été négligé par la plupart des forces démocratiques, à savoir les réformes constitutionnelles et institutionnelles et la lutte contre la corruption». Toujours selon lui, les amendements opérés dans la Constitution, en 2008, ont favorisé l'émergence du système présidentiel au détriment du système parlementaire. «Ces réformes ont affaibli le Parlement devant le dictateur», a souligné Me Ghechir. Le président de la LADH demande aussi la dissolution du Parlement et exhorte les forces démocratiques à exiger que la relation entre la religion et la politique soit éclaircie, ainsi que le rôle de l'armée dans la politique et la gestion de l'Etat.