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«Pour la révolution, mais pas comme ça»
Rachid Boudjedra. Ecrivain
Publié dans El Watan le 26 - 02 - 2011

Rachid Boudjedra, fidèle à lui-même, offre un regard sur les derniers événements qui ont secoué l'Algérie en homme de lettres mais aussi en simple citoyen d'une Algérie qu'il n'a jamais quittée. L'auteur du FIS de la haine suit les révoltes arabes en observateur du monde et en amoureux de la liberté.
- Que pensez-vous des émeutes de janvier dites «émeutes de la faim» et du rassemblement de la place du 1er Mai ?
Il y a une véritable détresse humaine des jeunes qui sont en difficulté. Il y a les chômeurs qui ne sont pas organisés. Sans syndicat, sans organisation. C'est quand même bizarre. Cela leur permettrait d'être une force de persuasion et de négociation avec le pouvoir.

- Peut-être ne leur a-t-on pas donné les moyens de se syndiquer ?
Non, je ne crois pas. On ne donne pas ces choses-là. On les arrache. Nous, nous avons toujours arraché les choses. Depuis la guerre de Libération jusqu'au dernier combat contre les intégristes… Les femmes ont arraché un certain nombre de choses. La Tunisie a donné un statut aux femmes, en Algérie, les femmes se sont battues pour. Moi aujourd'hui, j'ai honte d'être Algérien quand tous les jours je vois des mendiants, je vois des gens qui mendient, des enfants, des vieux alors que je fais partie d'une classe plutôt aisé, je n'ai jamais connu ça. Je suis avec les jeunes qui cherchent à s'exprimer mais les méthodes ne sont pas toujours bonnes. Mais le fond du problème est vrai, la raison fondamentale de leur colère est vraie. Je suis solidaire avec eux.
- Alors que pensez-vous de ces rassemblements ?
Maintenant ce qui se passe de façon politique pour ces rassemblements, on n'y trouve qu'un seul parti. Même la décision du FFS de boycotter est un geste de grande sagesse de Aït Ahmed. Ce qui est bizarre dans ce rassemblement, c'est qu'on a un parti et à côté on a des associations. La ligue des droits de l'homme par exemple, j'ai été fondateur et fait partie de ligue pendant trois ans.
Nous avons fait un statut qui disait que le bureau était élu pour trois ans non renouvelables. Depuis 1990, c'est le même secrétaire général non élu. Il n'y a pas eu de congrès. Alors comment peut-on parler de démocratie? Elle est bizarroïde cette composante. Un parti ? Il doit y avoir plusieurs partis. Les associations, il y a en qui sont très honnêtes. Et il y a en beaucoup qui sont là pour des choses plus ambiguës. Les revendications de ces marches sont politiques et uniquement politiques. On demande la démocratie mais qu'est ce que la démocratie ? Je suis contre ce pouvoir depuis 1962 qui est le même en fin de compte ; un pouvoir rentier, autoritaire, pas du tout dictatorial comme on le dit. Il y a une nuance entre Ben Ali et Bouteflika, il y a une nuance entre Moubarak et Bouteflika. D'autant plus qu'il y a des espaces de démocratie et d'expression évidentes dans notre pays. Je n'ai pas marché et je suis content de n'avoir pas marché car je serai tombé nez à nez avec Ali Belhadj. Le bourreau du peuple algérien qui disait de sa prison «égorgez- les avec un couteau aiguisé». C'est quand même incroyable ce bonhomme. Ali Yahia Abdenour, moi je ne peux pas marcher avec cet homme. Il était pour San Egidio quand nous, tous les jours, on se battait ici, que nous nous cachions, que certains d'entre nous étaient patriotes. Il défendait le GIA, je ne peux pas marcher avec un homme comme ça. Impossible. C'est vrai que c'est subjectif et politique mais c'est pour ça que je suis content de n'avoir pas marché.
- Ne manque-t-on pas d'espaces de liberté en Algérie ?
Il y a des espaces de libertés et de démocratie évidents dans notre pays. Il y a une grande liberté de création. Mes livres passent de chez moi à l'imprimerie. Il n' y a pas de censure comme on l'a vu en Tunisie ou en Egypte. Nous n'avons pas une censure officielle sur tel livre, tel film. Nos camarades tunisiens souffraient. Il ne faut pas comparer la situation politique algérienne et la situation en Tunisie et l'Egypte. Et puis il y a d'abord la logique du multipartisme. Il y a des partis qui représentent, hélas la société. Les trois partis qui font le pouvoir, cela reflète hélas une certaine réalité sociale. Moi je ne suis pas le peuple, nous les intellectuels, nous sommes paumés, perdus. L'espace de gauche par exemple a complètement disparu, c'est quand même bizarre, pour être remplacé par un espace sauvagement libéral.
- Que pensez-vous des appels des Etats-Unis et de l'Europe ?

Moi, par rapport à la Tunisie et l'Egypte, j'étais choqué que M. Obama dise à l'armée ne faites pas ceci, faites ceci, à Moubarak la même chose, et maintenant on a une brochette de gens qui donnent des leçons à l'Algérie qui a payé le prix fort. L'Algérie est un pays convalescent et c'est aussi pour cela que je ne marche pas. Nous, on a déjà fait une révolution en 1988. Ce qu'on fait les Egyptiens et les Tunisiens, nous l'avons fait en 88. Après il y a eu les 10 années de terrorisme qui étaient d'une certaine façon une révolution. Sanglante, certes mais une révolution. Nous avons commencé avant tout le monde. Je ne parle pas de la guerre de libération car nous sommes les seuls à l'avoir fait. On n'a donc pas à nous donner des leçons. Il faut, lors des rassemblements, dissocier les mouvements syndicaux des mouvements politiques. Les partis ont les moyens. Le RCD a les moyens. Il a des députés à l'Assemblée nationale. Chacun touche 400 000 dinars quand le SMIC est à 15 000 dinars. Est-ce qu'ils ont les moyens de s'exprimer ou pas ? Et puis nous avons une presse libre. Personne ne peut en douter. Il y a des poursuites en diffamation mais ça, c'est justement le jeu démocratique. Ce concept de la démocratie qui est bradé comme un épouvantail reste flou. Certains pays riches le secouent à notre attention. Quand on voit en France, lors de la réforme des retraites, jusqu'à 5 millions de personnes qui manifestent et Sarkozy qui n'a rien fait dans ce sens ! Il a méprisé le peuple français. Si c'est ça, ses leçons de démocratie et bien moi je n'en veux pas. Qu'il se les garde.

- Pourquoi l'espace politique est-il vide, selon vous ?
Il y a eu un grand travail du pouvoir, surtout ave la gauche qui a peu à peu cassé la politique et ce, depuis la mort de Boumediene.

- Alors quel est le malaise ?
Le malaise, c'est la redistribution des richesses dans ce pays. L'incurie de ce pouvoir et de ce gouvernement… Il y a une gabegie incroyable. Il y a une incurie de l'administration, la bêtise de la bureaucratie et la corruption évidemment. L'Etat a construit beaucoup de logements mais quand vous savez que pour chaque projet, il y a un quota qui part pour ceux qui en ont déjà, il y a une rente pour certains. Et on les connaît, on peut citer des noms.
Ce pays a 200 milliards de dollars de côté et c'est une très bonne chose. On voit des problèmes de chômage des diplômés. Des gens de très haut niveau. C'est la honte. Et les sans diplômes peinent aussi. Mais parallèlement certains ne travaillent pas. On a des Chinois. On a des noirs. Dans mon immeuble, ce sont les Noirs qui occupent les postes de concierges. Les nôtres n'en veulent pas. Il ne faut pas idéaliser que d'un côté.
Les jeunes sont dans une détresse. Il y a aujourd'hui de la prostitution, et de façon généralisée. Cela n'existait pas chez nous. On se moquait des Marocains. On partait au Maroc pour rencontrer des prostituées. C'est aussi une forme de corruption. Vous savez que chaque syndicat autonome est divisé en trois et chacun dit «c'est moi» le plus représentatif. Mais c'est sain parce qu'il y a un débat. C'est un pays qui vit, qui conteste. Une presse qui parle et qui est même parfois provocatrice, excessive et c'est pas mal sauf quand ça touche la vie privée des gens. Ce pouvoir, parce qu'il a trop vieilli, est vraiment trop inefficace, décalé et corrompu. C'est pour cela qu'il faut qu'il s'en aille. Mais ce n'est pas en fonctionnant selon les méthodes de ces marches qui me semblent tellement minoritaires. Elle me font de la peine. Car parmi ces marcheurs, il y a des gens sincères. Donc ce n'est pas comme ça. Le changement politique est nécessaire. L'Algérie en a besoin.
- Cela ne peut donc pas se limiter à la levée de l'état d'urgence ?
Non, il faut que le pays change, que le pouvoir politique se réforme mais je pense qu'il est incapable de changer. Le pouvoir est malade, il est gangrené. Mais d'un autre côté, l'opposition est molle, pas efficace et ces rassemblements ne me convainquent pas. Les gens ne sont pas non plus convaincus. Ils pensent : «Ils veulent tous manger». C'est vrai que quand on écoute les discours de Said Sadi, on a l'impression que ce qu'il veut c'est devenir le président de la République, mais il ne peut pas le devenir. Les gens ont l'impression que ce sont des luttes de clan, que c'est manipulé. Le jour où la clarification se fera vraiment par la nature même des choses, par la vie et bien là, les gens changeront de pouvoir. Mais là apparemment ils n'en ont pas envie.
- Y a-t-il léthargie des intellectuels, ou peut-être ne sont-ils plus assez nombreux suite au terrorisme ou à leur exil ?
On a des élites ici dans tous les domaines. On a des artistes. L'élite existe. Elle n'est pas plus ou moins importante que l'ancienne. Mais elle est blasée. Elle est déçue et parfois elle est même cynique. Mais on a une élite, qui observe, qui analyse. Quand on parle du roman francophone, les lecteurs français pensent tout de suite aux Algériens.
Il y a aussi des Marocains de qualité, des Tunisiens il y en a moins mais en Algérie on produit. Des écrivains, des peintres, des metteurs en scène. On a de grands patrons de la médecine et qui travaillent dans un climat dégueulasse. Cette élite a été cassée peu à peu. Avant il y avait le PAGS dont les militants n'étaient pas très nombreux, mais très influents. Avec sa disparition, il y a de nombreux intellectuels qui ne se retrouvent plus dans un parti.
- Quel est le maillon faible de la société algérienne ?
Ce n'est pas l'arabisation qui a cassé le système. L'arabe est une langue comme les autres. Il y a le mythe que c'est l'arabe qui a tout faussé. Au départ,. on n'avait pas d'instructeurs et on a fait venir des étrangers. Il y en avait de bonne qualité mais la plupart étaient médiocres. Cette école a été créée par des non Algériens. Il n' y avait pas de pédagogie. L'arabe se devait d'être enseigné aux enfants mais sans couper avec le français. En France, avec le nombre d'Arabes qu'ils ont, il n'existe que 2 postes d'agrégation en arabe alors qu'il y avait 5 postes par an. Le système scolaire, dès le départ était déficient. C'est ce qui explique l'échec social, économique et même culturel. On produisait 60 films par an. Aujourd'hui deux films par an alors qu'il y a beaucoup d'argent. C'est vrai que beaucoup d'élites ont été assassinées, d'autres sont parties. Cela a affaibli les choses mais toute réforme nouvelle doit se concentrer sur l'école. Si on a une école correcte, on aura une société correcte. Aujourd'hui on a une société schizophrénique. Elle est fermée, autiste. Mais je tiens à préciser que ce n'est qu'un point de vue. Je ne détiens pas du tout la vérité absolue. Je suis simplement un citoyen qui aime ce pays et qui souffre que ce pays n'aille pas mieux.
- Pensez-vous que l'Etat joue encore avec les islamistes aujourd'hui ?
Je pense que Ali Belhadj est actuellement manipulé par le pouvoir. C'est ce qui se dit beaucoup. Quand on l'a vu avec son drapeau algérien qui traînait par terre, il était misérable. Par contre l'alliance politique a un parti islamiste avec des ministres, des députés, des maires. Ils fonctionnent. Le pouvoir fonctionne avec l'islamisme. Même une certaine aile du FLN est tout à fait islamiste. C'est elle qui est au pouvoir.
- Cela représente-t-il la société algérienne ?
Hélas oui. Quelque part le pouvoir reflète la société. Plus que nous, les intellectuels.
- Qu'est-ce qu'il faudrait ?
Il faut une révolution, mais pas comme ça.


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