Face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales, les douze actions stratégiques pour un nouveau management de Sonatrach    Comment se distingue une meilleure œuvre technico-artistique ?    Une population épuisée    Des colons israéliens attaquent des agriculteurs palestiniens    Ligue 2 amateur : Le CR Témouchent maintient le cap    Une nouvelle plate-forme pour la promotion et la distribution    La facture d'importation de médicaments en forte baisse    Le grand retour d'un rendez-vous mythique    Une commission de l'APN s'enquiert de la situation du secteur de la jeunesse et des sports    Les zones assiégées en détresse    Les foyers de l'enfance mis en cause pour prostitution    Ooredoo Algérie offre des équipements médicaux à deux CHU d'Alger    Le film irakien « Anachid Adam » remporte le « Wihr d'or »    La diversité linguistique de l'Algérie est une « force d'unité »    La 14e édition en novembre    70 jeunes filles et garçons formés au programme «Ambassadeurs de la Mémoire»    Programme TV du 4 novembre 2025 : Coupes et Championnats – Heures et chaînes    Sayoud installe les walis délégués de Bou Saâda et d'El Kantara et du wali de Batna    Inhumation de l'ancien ministre des Moudjahidine Tayeb Zitouni    Programme TV du samedi 25 octobre 2025 : Ligue 1, Bundesliga, CAF et championnats étrangers – Heures et chaînes    Programme TV du 24 octobre 2025 : Ligue 2, Ligue 1, Serie A, Pro League – Heures et chaînes    Festival international du Malouf: fusion musicale syrienne et russe à la 4e soirée    Adhésion de l'Algérie à l'AIPA en tant que membre observateur unique: le Parlement arabe félicite l'APN    Industrie pharmaceutique : nécessité de redoubler d'efforts pour intégrer l'innovation et la numérisation dans les systèmes de santé nationaux    Conseil de sécurité : début de la réunion de haut niveau sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Examen de validation de niveau pour les diplômés des écoles coraniques et des Zaouïas mercredi et jeudi    APN : la Commission de la santé à l'écoute des préoccupations des associations et parents des "Enfants de la lune"    Réunion de haut niveau du Conseil de sécurité sur la question palestinienne et la situation au Moyen-Orient    Boudjemaa reçoit le SG de la HCCH et le président de l'UIHJ    Athlétisme / Mondial 2025 : "Je suis heureux de ma médaille d'argent et mon objectif demeure l'or aux JO 2028"    Ligne minière Est : Djellaoui souligne l'importance de la coordination entre les entreprises de réalisation    Mme Bendouda appelle les conteurs à contribuer à la transmission du patrimoine oral algérien aux générations montantes    CREA : clôture de l'initiative de distribution de fournitures scolaires aux familles nécessiteuses    Poursuite du suivi et de l'évaluation des programmes d'investissement public dans le secteur de la Jeunesse    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 65.382 martyrs et 166.985 blessés    La ministre de la Culture préside deux réunions consacrées à l'examen de l'état du cinéma algérien    Le Général d'Armée Chanegriha reçoit le Directeur du Service fédéral pour la coopération militaire et technique de la Fédération de Russie    Foot/ Coupe arabe Fifa 2025 (préparation) : Algérie- Palestine en amical les 9 et 13 octobre à Annaba    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Ibn Hamdis-Leonardo Sciascia, les rivages inspirés
Deux voix siciliennes bien singulières
Publié dans El Watan le 01 - 12 - 2005

Les deux étaient originaires de la même île : la Sicile. Le premier, de souche maghrébine, naquit à Syracuse, cette vieille ville qui fut le refuge politique de Platon, (v. 428-347 av. J.-C.) et d'Archimède, (287 av. J.-C.-212 av. J.-C.), le second, Sicilien, d'origine rurale modeste, vit le jour à Racalmuto, un petit bourg de la région d'Agrigente.
L'un était poète, inégalé au tournant du premier millénaire, l'autre, romancier, essayiste et polémiste redoutable dans la deuxième partie du XXe siècle. Le Maghrébin, trop nostalgique sur les bords, pleurait à chaudes larmes sa vie passée, une vie de plaisir dans les palais siciliens, peu avant la conquête des Normands. Le Sicilien, quant à lui, allait guerroyer par la plume contre l'injustice sociale et l'hydre mafieuse dans les petites villes et dans les bourgs de son île, où les ruelles s'éclaboussent de sang de temps à autre. On se surprend parfois à lancer des interrogations qui, à première vue, ne semblent pas fondées, mais qui nécessitent, quand même, des réponses. Ce qui aurait dû être dit par Ibn Hamdis (1055-1133) il y a plus de 1000 ans, n'a pas échappé au romancier italien, Leonardo Sciascia (1921-1989), dans la deuxième partie du XXe siècle. Le vide a donc été comblé, et de quelle manière ! C'est là le propre de la création littéraire et artistique. Elle se fait notre relais là où on ne l'attend guère. A titre d'exemple, de la présence maghrébine dans cette île, l'histoire ne retient que quelques noms, quelques vestiges. Pourtant, elle fut assez bien longue : trois siècles ! On parle encore du géographe Al Idrissi (1100-1154), d'Ibn Al Fourat (mort en 828), qui fut à la tête de l'armée ayant conquis la Sicile, du chemin par lequel ont transité les sciences de la civilisation islamique à destination de l'Italie et de l'Europe et de quelques autres détails sans grande importance. Et puis, on perd la trace du fil d'Ariane. De ce même passé si fabuleux, les chroniqueurs de l'époque n'évoquent guère l'apport linguistique maghrébin. Comme si la Sicile ne fut qu'un petit jalon sur la route : trois siècles de présence, cependant, les langues arabe et berbère ont fini par disparaître à tout jamais. Huit siècles en Andalousie, mais ces deux langues, largement pratiquées alors, ont vidé les lieux. Faut-il dire à la suite de cet historien espagnol que les Arabes n'ont jamais conquis l'Espagne, encore moins la Sicile ? L'orientaliste italien Rositano nous apprend que Calabria, située dans le sud de l'Italie, se prononçait « Quillaouira » à l'époque de la gouvernance maghrébine. Dans le meilleur des cas, nous lisons des écrits sur l'influence exercée par la philosophie islamique sur les penseurs de la Renaissance européenne, principalement à travers l'école de Padoue. Déraciné et emporté par les flots d'un exil sans merci, Ibn Hamdis s'est contenté de décrire les lieux et de pleurer ses beaux jours en Sicile. Séville, où il trouva refuge, ne put l'arracher à sa nostalgie, pas plus que Béjaïa où il vint finir ses jours à un âge avancé. La Sicile n'était plus ce qu'elle fut, celle où il avait mené une vie de poète bohémien, chantant la beauté de l'existence. Pas question pour lui, le poète du raffinement et des sensations exquises, de prendre les armes contre les hordes des Normands lorsque celles-ci envahirent la Sicile et mirent un terme à une gouvernance maghrébine de trois siècles. Comme si la poésie ne pouvait constituer à ses yeux un appoint essentiel lorsque l'appel des armes se fait haut. Pourtant, les jardins qu'il avait tant chantés, les palais, les périphéries de Syracuse, de Palerme, exigeaient un certain sacrifice de sa part. De son exil, de ses différents lieux d'exil, Ibn Hamdis pleura sa propre vie dans la défunte Sicile, d'autant plus qu'il n'était plus question pour lui de revenir sur les lieux, ne serait-ce qu'en simple visiteur. Déjà, dès la parution de son premier livre en 1952, Leonardo Sciascia (1921-1989) fit montre d'un sens aigu des problèmes de son pays. Pas question d'évoquer le passé sinon pour mettre de nouvelles vérités entre les mains de la société. Il fallait bousculer toutes les données à gauche comme à droite : à l'école primaire, où il a enseigné durant un quart de siècle, dans la presse avec des textes politiques fulgurants, au parlement, comme député, et, bien sûr, dans ses romans conçus comme des polars, mais qui en disent long sur les dessous du monde de la mafia. Son combat ne prit fin qu'avec sa mort en 1989. Sciascia, en patriote fougueux, rejoint Ibn Hamdis par bien des aspects, mais sans se lamenter ni se dérober. Il nous laisse deviner sa fierté du passé maghrébin de son île. Racalmuto, son village natal, est décrit d'une manière superbe dans un texte qui en porte le titre. Dans un style décapant, il relate l'histoire de son village à travers un aide de camp maghrébin convoqué par son supérieur pour faire l'état des lieux au soir d'une bataille sanglante. Ne trouvant pas les mots nécessaires pour décrire ce qu'il avait vu de ses propres yeux, il se contenta de se couvrir le nez en lançant : « Raïhatou almawt », odeur de la mort. Les corps des combattants des deux côtés, qui jonchaient le champ de bataille, libéraient des odeurs désagréables. Avec le temps, l'appellation arabe prit un autre chemin, celui du vernaculaire sicilien pour se transformer en « Racalmuto ». De tous les autres écrivains siciliens, Sciascia se distingue par une mise en scène kaléidoscopique du passé de son île. Le romancier Elio Vittorine, le dramaturge Luigi Pirandello, pourtant bien enracinés dans le sol de la culture sicilienne, se démarquaient quelque peu de son combat. Le sien visait à l'universalité tout en se collant aux choses de son terroir. Sans exagérer, Sciascia aurait pu être un compagnon d'Ibn Hamdis, un compagnon incommodant peut-être, mais profondément attaché à ses racines, là où notre poète a préféré sauver sa peau le jour où les conquérants normands mirent la main sur l'île.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.