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Les effluves du jasmin
La Tunisie de l'après-Ben Ali
Publié dans El Watan le 06 - 03 - 2011

La révolution tunisienne porte un visage : un sourire et le verbe libéré l Tous les journalistes, même accrédités, qui se rendaient
à Tunis, redoutaient le passage devant la police des frontières. Nombre d'entre eux avaient été priés de réembarquer dès l'atterrissage, d'autres avaient été expulsés durant leur séjour. C'était l'époque Ben Ali : l'information était considérée comme un virus contagieux.
Tunisie.
De notre envoyé spécial

Quarante jours après la chute du dictateur de Carthage, tout a changé. «Ah ! vous êtes journaliste», demande l'officier de police à l'aéroport de Tunis. Réflexe pavlovien de tout journaliste confronté aux sbires de l'ancien régime : «Oui, mais en vacances.» Sous le règne du successeur de Habib Bourguiba, il fallait dans la même phrase donner son adresse à Tunis, son organe de presse, la durée de séjour, l'accréditation éventuelle, etc. Ce dernier vendredi de février a des effluves de jasmin. «Pas de problème, vous êtes le bienvenu même si c'est pour des raisons professionnelles, la Tunisie n'a rien à cacher.» Oui, la révolution a bien eu lieu. Un policier tunisien qui souhaite la bienvenue à un journaliste relève du miracle, d'autant plus que des manifestations réclamant le départ du Premier ministre, jugé trop proche de l'ancien régime, ont lieu le même jour dans la capitale.
Qu'est devenue la Tunisie 40 jours après le début de la Révolution du jasmin ? Politiquement, c'est encore l'instabilité. Chaque jour amène avec lui des démissions et des défections dans le nouveau gouvernement. Les anciens opposants entrés dans le gouvernement n'entendent pas être associés au bilan Ben Ali et quittent le navire en naufrage pour pouvoir se présenter à l'élection présidentielle comme alternative crédible. Nejib Chebbi, l'un des favoris, rassure la communauté internationale et joue la carte de l'efficacité économique.
Le deuil du salaire
Paradoxalement, les Tunisiens seront plus intéressés par les questions économiques que politiques. La révolution est belle mais les poches sont vides. Les villes côtières, poumon de l'économie, souffrent de la désaffection des touristes. La relance du tourisme s'annonce difficile, les touristes occidentaux se rabattent en majorité sur le Maroc. Les villes de Sousse et Monastir sont les plus touchées. «C'est simple, je n'ai pas travaillé depuis 40 jours, aucun touriste. Pas de travail, pas d'argent», résume Ahmed, loueur de quads. Ce début mars correspond aux vacances scolaires de la zone A en France. Certains hôtels font le pari d'une reprise. Les agences de voyages baissent les prix et mènent une campagne publicitaire effrénée. Résultat : quelques dizaines de clients attirés par la formule All inclusive à des prix défiant toute concurrence.
L'hôtel Skanes, ancien Club Med, qui reçoit jusqu'à 1600 touristes l'été, mobilise tout son personnel pour une trentaine de clients. «Le jour de notre arrivée correspondait à la réouverture de l'hôtel. On était 8 touristes français égarés dans l'immensité des lieux. Il y avait plus d'animateurs que de clients ; on était tous dans l'embarras. On était mal à l'aise», confie Emmanuel, venu se reposer avec sa femme et ses deux petites filles. «En plus, le soleil n'est pas au rendez-vous.».
Je veux 50% de tes parts
«Il fallait bien recommencer à travailler ! Je considère cette petite dizaine de touristes comme des pionniers. D'autres les suivront dans les prochains jours. L'économie est à plat. Deux millions de Tunisiens travaillent directement pour le tourisme. L'arrêt brutal de cette activité a engendré des difficultés financières pour au moins six millions de personnes. C'est peut-être le prix à payer pour nous débarrasser de la dictature de Ben Ali. Nous ne regrettons rien, nous avons retrouvé notre dignité, cela n'a pas de prix», analyse Moncef, représentant de Thomas Cook pour la région Monastir-Sousse.
L'agent touristique explique que la famille Ben Ali a sévi de longues années dans la région en accaparant 50% de tous les grands complexes hôteliers. «Ils envoient un émissaire avec un message clair : nous voulons la moitié des actions de l'hôtel. Si vous voulez travailler vous savez ce qu'il vous reste à faire. Les rares réfractaires se retrouvent pris dans des tracas administratifs et des contrôles à ne plus en finir. Ils finissent tous par céder ou vendre.»
Un membre du puissant syndicat UGTT est partagé entre amertume et la promesse de lendemains meilleurs. «Nous traversons une période très difficile. Le peuple a besoin de manger mais céder sur l'essentiel aujourd'hui nous handicaperait pour les futures négociations. Aziz Miled (l'homme par qui le scandale est arrivé pour l'ancienne ministre française des Affaires étrangères) est blanchi et circule librement. Il doit organiser cette semaine une réunion avec les syndicats. Il a promis d'augmenter les salaires dès la reprise économique. Il était parmi les rares patrons à ne pas arnaquer son personnel avant la chute de Ben Ali. Il a investi beaucoup d'argent dans les complexes hôteliers de la côte dès la fin des années 60. Nous verrons ce qu'il nous dira et quand l'hôtel ouvrira de nouveau», affirme un membre de Sahara Beach, complexe pouvant recevoir jusqu'à 3 600 personnes, appartenant à l'ancien ami de Ben Ali.
Les trois quarts des hôtels sont toujours fermés, le personnel mis en congé sans solde. «Je n'ai pas perçu de salaire pendant cinq semaines. Là, je suis payé à 50% de mon salaire. J'ai accepté ce deal car je croyais que les touristes reviendraient vite. Or, malgré les offres alléchantes, les touristes se montrent prudents. Trop prudents même, à l'exemple de la Suède qui a reporté tous les voyages jusqu'à septembre prochain. Ce dimanche, le Palace (El Ksar) de Sousse a eu deux clients en tout, une Parisienne et sa fille, une ambiance cauchemardesque. Je ne peux pas tenir longtemps avec un salaire amputé de moitié, j'ai demandé à être licencié», explique Frank, un expatrié, quinze ans dans l'hôtellerie.
Sur le tarmac, des avions militaires
A Djerba, les touristes venus chercher du soleil ont eu la surprise de voir débarquer dans leurs hôtels des immigrés fuyant la Libye en feu. « La Chine a loué 400 chambres et mis en place un pont aérien pour rapatrier ses ressortissants. Pour les pays pauvres, les réfugiés sont parqués à une dizaine de kilomètres de l'aéroport sous des tentes dans un camp géré par les humanitaires», explique un responsable de l'aéroport de Djerba. Il avoue que face à l'afflux des réfugiés, l'aéroport s'est trouvé vite débordé, engendrant des retards importants pour les lignes régulières. Sur le tarmac, Air China côtoie Singapour Airlines, Air italy et une dizaine d'avions militaires français.
Quid de la presse ? La presse tunisienne, moquée depuis un siècle pour sa propagande, découvre la liberté d'expression. La métamorphose ne va pas sans rappeler l'après-5 Octobre en Algérie. Il est enfin permis de lire des informations dans un journal, d'ouvrir un quotidien sans se farcir une vingtaine de photos de Ben Ali et son épouse, inaugurant et recevant à longueur d'année. Et la télévision publique ? Là aussi, c'est une euphorie hamrouchienne, unique parenthèse enchantée de la liberté à la télévision algérienne.
Liberté de parole, talk-shows en direct, introduction de l'arabe dialectal, le ton enjoué de ceux qui n'ont plus peur du présent, la télévision tunisienne ringardise, malgré l'amateurisme dû aux longues années de plomb, sa voisine algérienne. Les Tunisiens regardent enfin le JT de leur télévision publique pour voir ce qui se passe chez eux, et se rabattent ensuite sur Al Jazeera pour complément d'information.
Les jeunes Tunisiens qui ont réussi à chasser le tyran de Carthage sont une génération capable d'envisager l'avenir avec plus d'espoir que de crainte. Une génération qui s'est libérée de la dictature.


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