Nous avons la chance d'être en vie, profitons-en pour jouer» semble être le credo de base du Maâlem Mohamed Bahaz de la troupe «Diwane Gnaoua» de Blida. Béchar De notre envoyé spécial Torse nu, l'artiste bien avancé dans l'âge, s'amuse comme un fou sur la scène mobile installée sur le stade de Béchar. Il joue de tous les instruments et explore nombre de pistes pour réinventer son appartenance et la place de leader qu'il occupe au sein de son collectif. Les jeunes gens et jeunes filles qui l'entourent dans sa parade se déplacent eux aussi avec une aisance et une théâtralité marquée. Eux aussi apportent la touche juvénile à l'oeuvre du maître. Généreux en danse et cris du coeur, ils témoignent de leur adhésion aux amours de jeunesse du cheikh, leur cheikh. Dans cette reconnaissance en direct, le passage à témoin se fait dans une complicité totale pour ne pas dire dans une convivialité absolue. Le public présent suit religieusement cet échange «de bons procédés» moraux et artistiques pris à bras le corps par des interprètes enthousiastes qui ont pris le parti de revisiter avec talent et recueillement les legs culturels légendaires des anciens. Semblables aux autres ensembles qui se succèdent, ils sont conscients qu'ils sont porteurs d'une manière d'être dans la vie, d'une philosophie de la vie capable de nous faciliter la vie en société. Ce respect des codes et des usages est confirmé par la troupe Dar El Bahri venue de Constantine. Là, nous sommes également dans la perpétuation des grands classiques du Diwan Gnaoui. Les interprètes (femmes et hommes) vêtus de bleu opteront pour un style de représentation ouvert à toutes les symboliques et rituels qui caractérisent le genre, ils se montreront disponibles à toutes les variantes expressives qui pourraient aider l'homme à se libérer de ses contraintes psychologiques. Une certaine excentricité est remarquée dans l'acte de se dire et se montrer. Très vite la Constantine du malouf descend de son piédestal arabo-andalou pour aller se réfugier dans les profondeurs de l'esprit africain, là où l'envie de se mouvoir sans retenue le dispute à une fierté de se reconnaître dans ses multiples héritages, ses divers affluents. Oxygène de Skikda Avec Ouled Haoussa, arrivé d'Alger, nous sommes véritablement, sur les plans de la thématique et de la manière de jouer, à la croisée de plusieurs arts et expressions culturelles du cru. Ayant choisi d'être à la fois fidèle et différent, le groupe de la capitale tente d'inventer son propre langage artistique. Il essaye de se frayer un chemin qui le singularise dans ce vaste champ sociologique, spirituel et esthétique de la culture gnaoui. Maniant avec dextérité le mélange «sonore» des instruments traditionnels et modernes, les musiciens interprètes semblent inscrire leur quête lyrique et artistique aussi bien dans les modèles anciens que dans les airs nouveaux capables de saisir les nuances des évolutions. Les écarts d'interprétation sont des écarts créatifs, personnalisés, inventifs de quelque chose qui puisse les inscrire dans un courant autonome, de leur donner une adresse artistique, une esthétique qui leur ressemble. La même option est prise par la troupe «Oxygène» de la ville de Skikda sauf que pour cette formation à allure ouvertement moderniste, le brassage n'est pas toujours au rendez-vous. A trop vouloir flirter avec le nouveau, Oxygène a mis carrément en sourdine le genre pour lequel elle a été invitée. Chez les Skikdis, la maîtrise instrumentale était absolue. Il n'y a rien à dire là dessus. Sans forcer, les musiciens semblaient très bien connaître les secrets de leurs partitions sauf que les multiples morceaux proposés en soirée, en cette troisième journée du festival, n'étaient pas toujours en accord avec l'esprit Gnaoui de départ. Il y avait une belle prestation avec violons et batterie, un beau métissage d'autres musiques mais la sonorité Ghiwane était vraiment maintenue à distance respectable, presque oubliée. Le décalage était important. Notons qu'un colloque sur la musique Diwane se tient parallèlement aux soirées Gnaoui organisées au stade En Nasr.