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Hocine Zehouane. Président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH)
« Des menaces planent sur des acquis »
Publié dans El Watan le 18 - 12 - 2005

Les libertés, la femme, la presse, la justice, les disparus et la gestion de la crise des années 1990, autant de sujets et bien d'autres sur lesquels revient le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH). Ardent défenseur des droits humains, maître Hocine Zehouane - qui a succédé, le 23 septembre dernier, à maître Ali Yahia Abdenour, désormais ex-président de la LADDH - donne ici une analyse exhaustive de la situation des droits de l'homme et évoque certaines perspectives susceptibles de renverser la donne actuelle. Il suggère la création d'un fonds de protection et de garantie des journalistes, tout en expliquant les objectifs assignés à l'élaboration d'une charte algérienne des droits de l'homme.
Vous avez initié, au sein de la LADDH, un projet de charte algérienne des droits de l'homme. Pourquoi une telle démarche ?
L'idée d'une charte algérienne des droits de l'homme procède d'un besoin d'authenticité et de rigueur dans notre démarche, autrement dit, de maîtrise du champ sur lequel nous opérons et nous entendons évoluer. Pour rappeler la parole célèbre de Mme Rolland sur la charrette qui l'emmenait à l'échafaud : « Liberté, que de crimes on commet en ton nom » ou le propos d'Amine Maâlouf qui répondait aussi à la question : « Si vous êtes devant Dieu, qu'aimeriez-vous l'entendre dire ? » « Je suis innocent des crimes qu'on commet en mon nom », je dirai que les droits de l'homme sont une chose trop sérieuse pour servir d'auberge espagnole ou constituer une tarte à la crème. Nous avons vu des prétendants à la défense des droits de l'homme se faire éradicateurs et appeler à l'extermination de pans de leur propre population, d'autres accouchés sous la même étiquette se faire les supplétifs de l'administration et des services de sécurité pour servir de porte-voix au discours officiel en réponse aux critiques venues de l'extérieur. Alors, l'idée de charte procède d'un impératif de décantation d'abord et de formation d'ascèse ensuite. La commission de préparation du congrès avait déjà tracé l'esquisse d'un projet de charte. Le congrès, au moment d'en débattre, avait perçu l'étendue du projet et recommandé d'en approfondir l'élaboration avec le concours de groupes de recherche qualifiés.
Vous allez donc solliciter d'autres compétences nationales...
L'objectif d'une telle démarche est de s'approprier l'universalité des droits de l'homme. Il ne s'agit plus de mimer ou d'imiter ce qui se fait ailleurs. Pour être le patrimoine de tous, les droits de l'homme requerraient une critique refondatrice. En premier lieu, il faut faire une critique de l'ethnocentrisme pour une recherche de la réciprocité. En dernier, il faudra aboutir à la reformation d'un standard universel. En second lieu, il faudra bien éclairer la problématique algérienne. D'abord, chercher les raisons d'un déficit historique au travers des obstacles de la dépendance, du développement et des difficultés de l'occultation. Ensuite, dire comment construire un standard national des droits fondé sur le patrimoine universel et l'authenticité algérienne. Un tel standard où seront définis les champs qu'il doit embrasser, à savoir le champ des droits et libertés individuels, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels ainsi que les mécanismes de régulation et de protection. Au niveau de la société, il s'agirait des organisations, de la déontologie et de la surveillance. Au niveau de l'Etat, il s'agirait des énoncés législatifs et réglementaires, mais aussi les instances et les voies de recours. En conclusion, il faudra ouvrir la réflexion, même si on ne trouve pas de réponses immédiates aux défis, à savoir les problèmes constitutionnels, la religion, la question de la citoyenneté et de la femme, l'exclusion sociale, etc. Ce sont là de larges perspectives. Mais je pense qu'il y a dans ce pays beaucoup de sève et d'ambition nationale pour les aborder toutes et en faire les tracés de nos horizons futurs.
Le 10 décembre, le monde a célébré le 57e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Qu'en est-il au juste en Algérie ?
Le 10 décembre est une journée où l'on célèbre la naissance de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Nous nous accrochons à ces célébrations comme repères contre l'oubli et l'anesthésie des peuples. Pour éviter que de telles célébrations ne tombent sous l'image de folklorique rituel, il faut rappeler, surtout pour les jeunes, les conditions qui ont donné naissance à cette déclaration au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Au terme du conflit, les humanistes ont découvert avec stupeur combien la technologie de la destruction et de l'extermination a été portée à son paroxysme. Combien la perversion humaine, portée par le délire de dirigeants irresponsables, peut aller jusqu'à mettre en péril la notion même d'humanité. Qu'on en juge : près de 105 millions de victimes, 54 millions de morts et presque autant d'invalides, l'horreur des camps de concentration et pour la première fois dans l'Histoire, l'usage de la bombe atomique avec Hiroshima et Nagasaki. A l'époque, les Algériens n'existaient pas en tant que citoyens du monde. Le monde était constitué, pour reprendre la formule forte de Jean-Paul Sartre, de 500 millions d'hommes et d'un milliard d'indigènes. Nous faisions partie de ce milliard. Mais l'avènement de la déclaration stimule fortement, et partout dans le monde, la revendication du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Le peuple algérien, comme les autres peuples opprimés, est redevable au courant des droits de l'homme d'avoir aidé à renforcer les luttes de libération nationale.
Quel état en faites-vous dans notre pays ?
Par rapport à quel standard devons-nous nous repérer. Au standard universel ? Il est difficilement saisissable, tant les droits de l'homme sont partout mis à mal dans le monde. La charte onusienne, à savoir la déclaration universelle, les pactes des droits civils et politiques et des droits économiques, sociaux et culturels ainsi que les conventions spéciales ? L'Algérie est le pays le plus frileux, quand il s'agit de la ratification de ces conventions. En termes de rapports conjoncturels, il faut toujours garder à l'esprit que l'Algérie a fait sa descente aux enfers durant les 15 dernières années et il ne me siérait pas de parler des droits de l'homme dans un pays qui compte des dizaines, sinon des centaines de milliers de morts et de disparus, un inventaire chargé de massacres collectifs et des pans entiers de la société sous le joug de pratiques extralégales. Même si l'on constate une décrue de la violence pour autant, les droits de l'homme ne sont pas en droit de cité. Dans certains domaines, de sérieuses menaces planent sur des acquis auparavant intouchables. Notons toujours que le pays est sous le couvert de l'état d'urgence, les activités de la société civile et de la société politique sont sous astreinte administrative. La moindre manifestation publique est soumise à l'autorisation préalable. Là où une simple déclaration préalable suffirait pour satisfaire au besoin de contrôle de légalité des associations, voilà qu'on impose l'autorisation préalable. Or nous avons une administration soumise. Même dans ses démarches de refus, elle se retranche dans l'omission perverse pour entraver les activités associatives. Sachant que toute saisine de juridictions administratives exige l'administration d'une preuve du refus. Elle fait aussi dans la pratique de carence intellectuelle, sans assumer ses responsabilités à visage découvert. Il s'agit d'une véritable stratégie d'entraves qu'adoptent les walis et autres agents de l'administration assimilant aussi leurs fonctions à une notion privatisée de l'Etat. Le réveil n'est pas encore amorcé pour une autogestion démocratique de la chose publique et un pouvoir de prévention et de sanction de la violation par la société elle-même.
La LADDH a exhorté, récemment, l'Algérie à ratifier la Convention internationale de protection de toutes les personnes des disparitions forcées. Où se situe l'importance de ce texte juridique et comment le traduire en actes ?
La LADDH a organisé, à l'occasion du 10 Décembre, une journée d'étude sur la convention onusienne pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées. Considérant que le crime de disparition forcée a connu une extension de par le monde, elle estime que ce nouvel instrument international est de nature à apporter plus de maîtrise et de clarification dans le traitement des crises qui naissent de ces disparitions. Car ce qui caractérise le crime de disparition forcée, c'est que ses auteurs s'ordonnent pour s'assurer l'anonymat et entretenir le mystère le plus longtemps possible. Il s'ensuit que les parents des victimes, les organisations humanitaires, l'opinion publique, dans leur quête de vérité et de justice, se perdent dans le vide. Absence de transparence et de diligence des autorités à charge desquelles doit se faire la vérité. Absence de volonté politique tout simplement de mobiliser les moyens pour parvenir à cette fin. Le tout fait planer le sentiment de conjurations insondables. La nouvelle convention élabore les critères qui rendent plus facile l'approche des phénomènes de disparitions forcées. Elle fait prendre conscience au départ de la gravité du problème. Elle précise nettement la qualification du crime qu'elle érige en crime contre l'humanité. Elle indique les procédures impératives à charge des autorités pour la manifestation de la vérité, l'imputabilité des crimes, l'octroi d'éventuelles réparations matérielles aux ayants droit, etc. C'est un outil très important pour rendre justice et pour la prévention. C'est pour cela que nous appelons incessamment à sa ratification. La presse aussi a son devoir pédagogique de sensibilisation.
Les victimes de la crise des années 1990, notamment les familles des disparus, ont-elles la possibilité de saisir les instances internationales pour obtenir des réparations ou exiger la vérité ?
En l'état actuel du dispositif international, il n'y a pas de voie d'action pour se rendre justice pour de tels préjudices. Il y a une saisine qui est prévue auprès du Comité facultatif du pacte des droits civils et politiques. Mais c'est une démarche qui s'apparente à une complainte administrative. Elle est tout à fait inopérante et d'ailleurs très peu utilisée. Il en est de même de la procédure prévue auprès du secrétariat de l'Union africaine.
Quelle est la situation de la femme algérienne ? Le nouveau code de la famille lui a-t-il, réellement, consacré une place égale dans la société à l'homme ?
Le code de la famille n'apporte aucune réforme digne d'être relevée pour faire l'objet d'un nouveau commentaire. Il n'a introduit que quelques aménagements caritatifs telle par, exemple, la prévision d'un fonds de substitution pour le paiement de la pension alimentaire au lieu et place du débiteur défaillant. Il faut ajouter quelques aménagements à propos du logement rattaché à la garde des enfants en cas de divorce. Tout cela est sans ampleur. L'Algérie fait, encore, figure de pays archaïque en ce qui concerne le statut de la femme. Quand on se remémore les chants héroïques de la Révolution, il y a de quoi avoir le sentiment d'une affligeante régression. Mais les choses ne sont pas désespérées ni irréversibles pour autant. Je fonde espoir sur la percée fantastique qu'effectuent partout les jeunes femmes et les jeunes filles algériennes dans le domaine de la culture et de l'éducation. Une telle accumulation quantitative ne manquera pas de provoquer des changements politiques pour opérer le renversement. En attendant, il faut que les femmes et les jeunes filles investissent le mouvement associatif et les organisations humanitaires. Il faut qu'elles reprennent le flambeau de la lutte pour l'émancipation dans le monde.
La liberté de la presse a-t-elle évolué en Algérie ?
La presse a conquis des espaces d'expression non négligeables. Mais elle demeure exposée à la menace de l'autolimitation, quand elle n'est pas l'objet de la répression ouverte. Certes, il y a une responsabilité à la charge de la presse en général, fondée sur un devoir d'authenticité de l'information et du respect de la dignité d'autrui. Mais les problèmes liés à la diffamation doivent être repensés. Je demande que le délit de diffamation soit dépénalisé et qu'on résolve les conflits qui en surgissent à travers l'exercice du droit de réponse et des réparations pécuniaires. Je suggère la création d'un fonds de protection et de garantie des journalistes qui peut être financé par l'Etat, les éditeurs et les syndicats de la presse. Un tel fonds pourrait faire face aux mises en cause des journalistes ou à tout autre accident, quand ils surviennent à l'occasion de l'exercice de la profession. L'évolution de la presse sera intimement liée à l'évolution de la société en général, de la société politique en particulier.
La justice algérienne demeure dépendante du pouvoir exécutif en dépit des réformes engagées. Selon vous, pourquoi les juges n'arrivent-ils pas à s'émanciper et à revendiquer une véritable indépendance ?
Dans tous les pays du monde, les réformes qui touchent à la justice sont délicates. Même dans les pays armés de garde-fous, des scandales judiciaires éclatent. En Algérie, la réforme de la justice sur le mode des démarches de sociétés secrètes a été éludée. On ignore jusqu'au contenu du rapport de la commission constituée à cet effet. Au lieu qu'un tel problème soit posé à l'ensemble de l'élite nationale, on a plutôt recours aux services d'une commission hétéroclite qui, finalement, a accouché d'un malformé. Les magistrats sont très vulnérables. Ils craignent pour leur sécurité professionnelle et aucun garde-fou ne les protège contre d'éventuelles sanctions arbitraires. J'ai appris récemment la radiation pure et simple de magistrats de la Cour suprême pour avoir commis le « crime » de manifester leur sympathie à la candidature de Ali Benflis à la précédente élection présidentielle. Comment dès lors envisager un comportement autonome des magistrats. Le plus grave est que nous n'avons appris cela qu'à la cantonade. Tout s'est déroulé dans le secret de chambres fermées alors qu'on aurait dû crier au scandale. La véritable réforme de la justice sera le fait de forces qui devront réussir d'abord les réformes institutionnelles.


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