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Kateb Yacine, histoires initiatiques
Langues et cultures chez l'auteur de Nedjma
Publié dans El Watan le 22 - 12 - 2005

Racontant dans son ouvrage essai : Le Polygone étoilé publié aux éditions du Seuil à Paris en 1966, son enfance et ses premières fractures culturelles et linguistiques, Kateb dans un ultime passage rapporte sur le mode de la confession mi-sérieuse mi-amusée comment il avait été initié à la poésie et au théâtre par ses parents en langue arabe d'abord, puis comment après avoir été à l'école coranique et au moment d'entrer à l'école indigène, son père lui conseilla de maîtriser la langue française (« la langue française domine, il te faudra la dominer ») pour revenir ensuite à la langue des ancêtres, celle des rudes nomades bédouins de l'Arabie (poésie) ou encore la si belle langue des raffinés andalouse (chant, contes, azjal et mouwachahate).
Durant les années 1940 et malgré la fatale crise dite berbériste de 1949, aucun texte, pas plus qu'aucun document, ne peut attester de sa prise de conscience par rapport au statut de la langue tamazight, même si, ici et là, sur le plan strictement culturel et référentiel, apparaissent déjà des éléments d'attention à la culture orale populaire, dont une bonne partie du patrimoine était et est encore en expression tamazight. A vrai dire, pendant toute la période de formation, de l'adolescence à l'âge adulte, (soit 20 ans entre 1940 et 1960) Kateb va travailler en langue française sur un fond référentiel et symbolique de la langue et de la culture arabes populaires. Les traces sont nombreuses et multiples, tant dans la poésie (expression privilégiée de la sensibilité et de l'émotion) que dans le théâtre. Si pendant la double décennie (1945-1955 et 1955-1965), Kateb concilie et mobilise la langue arabe populaire et la langue française dans le travail de « conscientisation » et de lutte anticoloniale (discours adressé aux locuteurs et interlocuteurs francophones et aux lettrés algériens francophones et /ou bilingues), c'est parce qu'il convoque tout ce qu'il y a dans ces deux langues comme culture référentiellement progressiste, subversive et séditieuse. Toute sa production, jusqu'à l'apparition du discours théâtral en décembre 1954, est une production sérieuse, et les seuls recours aux figures de l'« indirectivité » sont les figures rhétoriques comme la métaphorisation, le cliché, le calque, et plus ou moins l'humour. Un critique universitaire a cru voir dans cette prématurée production les schémas scolaires traditionnels, et beaucoup de perroquets bavards plagiaires apprentis critiques ont adopté cette analyse superficielle et en des thèses autant indigentes que suffisantes, plutôt que de pister les signes du génie littéraire, pourtant combien perceptible. Toujours durant cette même période, deux cultures et deux langues sont mobilisées, toujours les mêmes, se nourrissant l'une de l'autre et donnant au poète révolté toute la mesure fort dynamique d'une production esthétique de désaliénation et de combat émancipateur anticolonial. Par un effet d'homologie, l'expression savante du poète dramaturge et romancier vibrait en parfaite homologie avec la sensibilité et la revendication populaire radicale et révolutionnaire. Avec le théâtre qui va occuper l'essentiel de la production de la seconde décennie (1950-1960) soutenue par un seul et unique roman en 1956 (et quel roman ! Nedjma), l'histoire et la mémoire collectives et socialisées prennent le pas sur l'expression des sentiments et sur celle de la vie intérieure plus ou moins narcissique. Cette socialisation impose alors une extraversion et une rupture avec l'introspection psychologisante. Le théâtre expose alors une stratégie offensive anticolonialiste où se mêlent la sensibilité, la mémoire écorchée, le souvenir de la tragédie génocidaire, la controverse avec les vigiles historiens de la colonisation ou avec les politiciens « assimilationnistes », voire fédéralistes. Cette entrée dans le discours historique avait été préparée de longue date, à partir justement de 1947 avec la fameuse conférence en langue française faite à Paris pour l'indépendance de l'Algérie. Kateb s'inscrit ouvertement dans une idéologie nationaliste, progressiste et révolutionnaire. Si la langue arabe populaire le nourrit de référents séditieux que renforce et consolide le folklore amazigh (chants paysans, romances amoureuses, contes, etc.), la langue française offre au jeune auteur un champ d'intervention international, voire universel, surtout que la langue française, à l'époque langue de colonisation, ouvrait paradoxalement aux colonisés les chemins de la solidarité intercoloniale. Plus que la langue populaire restée confinée dans la culture folklorique, voire traditionnelle, la langue française apportait au jeune écrivain un limon de sédition, une culture de revendication, une volonté d'émancipation et un souffle prométhéen de contestation radicale nourris aux idéaux des lumières des révolutions européennes du XVIIIe et du XIXIe siècle. Durant toute la décennie 1960 et jusqu'au voyage au Vietnam (1970), Kateb continue à écrire en français, mais le registre qu'il exploite le plus c'est celui du journalisme et de l'essai critique et polémique, fustigeant les plumitifs et les idéologues chiens de garde de la dictature et soutenant les initiatives iconoclastes de jeunes écrivains, comme Rachid Boudjedra (selon Mohamed El Mili dans une de ses chroniques publiées dans Ech Chourouk, il y a un peu plus d'un mois) ou encore Yamina Méchakra dont il préfacera le premier récit, La grotte éclatée. Ces années 1960 vont permettre à Kateb Yacine de prendre beaucoup de recul avec le nationalisme arabe auquel il avait un moment accordé sa sympathie surtout avec l'affaire de Suez (1956). L'effondrement du nassérisme lui aura enfin permis de se rendre compte de la grande gabegie des idéologies « arabistes » identitaires, des tartarinades et des fanfaronnades. Cela lui permettra du même coup de comprendre les limites et les travers du populisme. Profitant de l'aiguisement des crises internes au régime boumédieniste, il fonde avec l'aide de Ali Zaâmoum et du ministre progressiste Maâzouzi une troupe de théâtre, qui utilisant les deux langues populaires arabe et tamazight lui permettent de parcourir le pays et les zones à forte concentration de l'émigration algérienne en France pour aiguiser la conscience de classe et la combativité des travailleurs en dénonçant la mainmise étrangère sur tous les rouages de l'économie et sur les centres névralgiques des décisions politiques. Son combat anticolonialiste se transforme en combat anti-impérialiste, dont les cibles sont les militaro-capitalistes américains qui tentent de s'emparer des rouages de l'économie mondiale en soumettant les régimes bananiers et les pompistes du pétrole. Il fustige tous les « Boudinar », ces agents intérieurs qui gouvernent pour l'Oncle Sam et qui travaillent à brader leur pays dont ils ont détourné les révolutions pour leur propre compte ou pour celui de leurs familles et tribus. La fin glorieuse des grandes batailles des peuples asiatiques, qui mettent en relief l'effondrement lamentable des régimes arabes des satrapes orientaux alignés sur la Pax Américana, pousse Kateb à penser à faire son bilan et à sauvegarder le fruit de son combat sans merci depuis quatre décennies. Il se retire à Grenoble et tente de rassembler son œuvre éparpillée en fragments dispersés. Il s'exile alors dans la langue française pour laisser deux écrits majeurs : la prise de position courageuse et digne d'octobre 1988, dénonçant la torture contre des adolescents chahuteurs et appelant vainement, hélas, les intellectuels à prendre leur responsabilité et à se mobiliser contre la gangrène médiocratique et bureaucratique, leur donnant en exemple, à travers sa dernière création théâtrale en langue française, le courage, la détermination et l'engagement de Robespierre le pur, le dur, le bourgeois sans culotte.

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