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Le temps de la régression historique
Publié dans El Watan le 24 - 12 - 2005

Vingt ans déjà ! En fait, Ferhat Abbas est mort deux fois. Une première fois, politiquement au lendemain de son remplacement à la tête du GPRA par Benyoucef Ben Khedda, le 28 août 1961.
Sa démission le 13 août 1963 de la présidence de l'Assemblée constituante (20 septembre 1962) prolonge son retrait à Tunis. Sa seconde mort, la vraie cette fois puisque médicale (24 décembre 1985), fut l'occasion pour moi en ce vingtième anniversaire de la disparition de l'une des figures emblématiques de l'histoire de notre pays, de revisiter Le Jeune Algérien -titre abrégé (Editions Garnier, Paris,1981, 209 p.). Que dire, sinon que pour cette énième lecture, mon attention a été attirée par trois thèmes majeurs : sa défense de l'Islam, la tragédie des Algériens au moment de l'occupation et l'aveuglement des colons opposés à toute réforme aussi minime soit-elle. Deux articles m'ont accroché tant ils sont d'une fraîcheur et d'une jeunesse étonnantes. Ils font écho à une actualité brûlante qui conjugue le colonialisme au présent. Le premier a pour titre : « La tragédie d'hier et l'incertitude de demain. » Ce titre est accompagné d'un sous-titre qui résume parfaitement bien la pensée des Algériens du temps présent : « Nous voulons exister »(pp.115-125). L'auteur nous apprend que les étudiants musulmans avaient « boudé » les fêtes du centenaire en mai, juin et juillet 1930. Cet article se voulait une réponse et un avertissement au système colonial : « J'ai écrit la tragédie d'hier et l'incertitude de demain » pour rappeler à la colonisation que « si elle ne changeait pas de conception, elle se préparerait à de sombres lendemains » (p. 65), écrira F. Abbas en guise de commentaire à son article en 1981. Le second article intitulé : « Ingratitude et reconnaissance » (pp.126-144) fait écho à l'ensemble des articles publiés par l'auteur entre 1922 , date à laquelle il effectuait son service militaire et 1930. Regroupés dans un ouvrage paru une première fois en 1931 sous le titre Le Jeune Algérien, ces articles seront réédités en 1981 (op. cit.) avec en plus un document inédit : Rapport au maréchal Pétain, chef de l'Etat français , avril 1941, suivi d'un avertissement dans lequel F. Abbas explique les motivations qui l'ont poussé à rédiger un tel rapport (pp. 167-208). Il précisera que ce rapport constitue : « Le dernier de mes (F. Abbas) écrits en faveur de l'égalité des droits, dans le cadre de la République française », (p. 169). Nul besoin de rendre justice à F. Abbas. L'histoire s'en chargera bien mieux qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent. Les tabous persistent malgré les journées nationales qui lui sont consacrées chaque année par l'université qui porte son nom. Comme si le nom de Ferhat Abbas était la marque déposée de la ville dans laquelle il exerça son talent de politicien plus que sa profession de pharmacien. A ce propos, il suffit de dire, à la lumière de ses différents écrits et de ses différentes positions, qu'il a toujours été sur la brèche et très tôt. En disant cela, je ne fait que reconnaître un fait historique indiscutable. Ce n'est pas le lieu de faire une approche critique de son œuvre historique et politique. Disons simplement qu'il a mis à profit toutes les occasions pour, primo, engager « le dialogue et le combat avec la colonisation et les destructeurs de l'Islam » (p.65) ; secundo pour demander « une politique de changement » (p.169) en faveur des Algériens, autrement dit et pour rester dans la terminologie historique de l'époque : en faveur des « indigènes ». Il n'avait que 23 ans quand il se lança dans la presse et pas par les petits chemins. Mû par une espèce de « nif » culturel d'abord, habité par les démons de la politique ensuite, il s'est fait un devoir de répondre à Louis Bertrand. A lui seul, L. Bertrand représentait la forteresse coloniale. Cet ancien professeur d'Alger, entré vers 1924 à l'Académie française, passait pour le plus écouté des théoriciens de la colonisation. Il y avait l'autre, André Servier. Rédacteur en chef de La Dépêche de Constantine, il était tout à la fois un défenseur acharné de l'ordre colonial et un ferme opposant à toute réforme en faveur des « indigènes » envers lesquels il développait un racisme primaire : « L'Islam est incompatible avec la civilisation, parce qu'il est hostile à tout progrès », (cité par Ch.R. Ageron : Les Algériens Musulmans...p.687). Dans ces conditions, la tâche n'était pas facile pour F. Abbas. Il fallait de la témérité. L'aventure journalistique représentait un risque majeur pour ce journaliste en herbe qui semblait prendre goût à ce jeu de tous les dangers. En 1926, l'étudiant de la faculté mixte de médecine et de pharmacie d'Alger pouvait voir sa carrière brisée à tout moment. Il n'avait que sa bourse gouvernementale pour subvenir à ses longues études. Avec la disparition de la feuille de Victor Spielmann (« un démocrate anticolonialiste et arabophile », cf. H. Alleug : La guerre d'Algérie, t.1 p.204), Le Trait d'Union, F. Abbas s'adressa au docteur Belkacem Bentami, directeur du journal Ettakaddoum, qui apprécia la plume de F. Abbas et lui promit la plus grande discrétion (p.65). F. Abbas collabora alors régulièrement au journal en signant ses articles sous le pseudonyme de Kamel Abencérages( p.9). F. Abbas est l'un des rares Algériens à avoir suivi des études supérieures dans l'Algérie colonisée. Il sera fortement imprégné de la culture républicaine. Fidèle aux principes de 1789, il cherchera à les faire valoir dans sa quête pour l'égalité puis l'émancipation des Algériens. Fidèle, il le sera surtout envers son peuple pour lequel il ne ménagera aucun effort. C'est ce qui explique peut-être sa hargne à vouloir concilier l'inconciliable : « révolutionner » le régime colonial (p.170). On a dit de lui qu'il était « pro-français » ...Plus exactement, répondra-t-il, « je suis de culture française », tout comme Ben Rahel et bien d'autres encore.
Contre les spécialistes des « opérations en grotte »
Cependant et contrairement à une idée très répandue, cette culture française ne l'a jamais « détaché » de son passé. « L'Islam est une patrie spirituelle, sans frontière, qui nous guide du berceau à la tombe... Je suis donc resté musulman et algérien par toutes les fibres de mon âme... » (p.27). Il n'hésitera pas à apporter la contradiction à André Servier qui avait qualifié, dans son ouvrage L'Islam et la psychologie du musulman, ed.1924, le Prophète de l'Islam de « sale et de perfide Arabe...de bédouin dégénéré » et l'Islamisme « un amas de dogmes abrutissants et sauvages », (cité par F. Abbas p.92). En réponse à ce journaliste qui avait préconisé « la christianisation de l'Algérie musulmane et la destruction de l'Islam », F. Abbas répondra : « L'Islam n'est pas la mosquée et le marabout et ce cadre oriental créé par une littérature superficielle. L'Islam , c'est la foi simple et sans décor. C'est le culte de la famille, cellule de l'organisation sociale, c'est l'ordre fondé sur une morale égalitaire. L'Islam, c'est la démocratie subordonnée à la culture. Le savant, voilà le noble ; le génie scientifique, voilà l'homme supérieur » (p.94). Quant à L. Bertrand, il s'est fait l'apôtre de la supériorité des races. Ouvrons une petite parenthèse pour dire que Hitler n'était pas très loin. Pour cet académicien, « promoteur de l'Afrique latine » (p.76), « les Français ont acheté l'Algérie avec le sang de leurs soldats, avec la mort empoisonnée des défricheurs, avec l'intelligence et l'argent dépensé sans compter... ». De ce fait, ils se considèrent « les légitimes propriétaires du pays » ( Afrique latine, mai 1922, cité par F. Abbas, p. 80) . F. Abbas répondra : « Beaucoup de gens croient que la France est venue chez nous, coiffée du bonnet phrygien, un rameau d'olivier à la main. Il s'en faut de beaucoup. Avec la conquête, une véritable révolution sociale s'est accomplie et, comme toutes les révolutions, celle-là eut besoin de dévorer quelque chose : elle nous dévora » (p.115). Tout au long des pages qui suivront, F. Abbas dira de quelle manière il puisera ses sources des mémoires et autres lettres de généraux et maréchaux de la colonisation qui ont présidé au massacre des Aoufia le 6 avril 1832 par les troupes du général chef de Rovigo, des tribus Sbéah en 1844, des Ouled Rhiah en 1845 etc...par des spécialistes des « opérations en grotte » qui ont pour noms Canrobert, Cavaignac, Saint-Arnaud, Pélissier... « ...Cette révolution (des égorgeurs), précise F. Abbas, est étendue sur une période de cinquante ans. Cinquante ans qui furent pour nous les "années terribles" où nous fûmes traqués sans merci, comme des bêtes fauves » (p.116). Dans l'article « Ingratitude ... », il récuse les articles tendancieux qui présentaient l'Algérie précoloniale comme un « pays décimé par les famines et les guerres intestines »( p.130). Se référant à la tradition orale et plus particulièrement au vécu de sa famille, il réfute ce « mensonge colonial » (p.128). Et comme pour mieux appuyer ses dires, il prend à témoin le maréchal Saint-Arnaud qui a chevauché quinze ans durant l'Algérie et dont les écrits décrivent avec force détails « les vrais greniers d'abondance, de très riches pays, de beaux vergers... et des milliers d'oliviers » auxquels il mit le feu froidement. Toujours dans le même article, il dénonce le régime colonial répressif, la grande colonisation, les néo-Français (l'Espagnol, le Napolitain, le juif, le Maltais), les supplétifs du régime (caïds, khaznadji et autres), l'aveuglement des politiques de la métropole, le racisme, l'humiliation etc. La société coloniale « a trouvé que les termes : arabe, kabyle, mozabite, musulman, indigène n'étaient pas assez variés pour nous désigner. Elle trouva mieux. Nous sommes "les bicots", les "ratons" et que sais-je encore ? » (p.136). F. Abbas ne se prive pas pour tourner la société coloniale en dérision : « Un raton, c'est cet animal sournois qui "visite" le poulailler lorsque le gardien fidèle est absent ou attaché. Mais qui joue ce rôle en Algérie ? Est-ce nous, la noble victime, terrassée dans un combat légitime soutenu avec des forces inégales, ou ceux qui, au bruit de notre défaite lorsque la colonisation nous eut lié les mains, se sont rués sur notre cadavre ? » Il s'insurge contre la cabale « du pauvre ouvrier indigène ». Au lendemain de la grande guerre, la France avait un besoin cruel de main-d'œuvre. Les premiers départs n'étaient pas du goût de la grosse colonisation qui, tout en intervenant aussitôt pour entraver tout mouvement migratoire vers la métropole, orchestra une honteuse campagne contre « les sidis et le danger pour la France de recevoir ces réservoirs de virus » ( p.135). L'Algérie musulmane n'était bonne qu'à mourir sur les chantiers ouverts par la colonisation, sur les champs de batailles des colonies et en Europe. « C'est, paraît-il, faire preuve de la plus notoire ingratitude que de gémir ou de crier. Pour nous, indigènes, tout est parfait. Tout le monde travaille à notre bonheur et il n'est ignare qui ne vienne doctement nous annoncer qu'il a débarqué ici pour nous civiliser, que nous devons nous estimer heureux de notre sort, et qu'au demeurant, il nous a fait assez de bien puisqu'il ne nous fait pas de mal » (p.127). Les dates servent aussi à mesurer la régression historique. Ce paragraphe, extrait de l'article cité plus haut, est daté de fin 1926.


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