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Un art qui ne cesse d'être populaire
Musique. La chanson raï
Publié dans El Watan le 13 - 07 - 2011

Situer culturellement l'Algérie sans parler de la chanson raï, c'est faire œuvre de ségrégation, pour ne pas dire de myopie intellectuelle. S'étant imposée aux autres modes musicaux par son style alerte et la fascination quasi charnelle qu'elle exerce sur la jeunesse, la chanson raï, qui a marqué un tournant décisif dans l'histoire de la chanson algérienne, est aujourd'hui le meilleur témoin d'un peuple qui bouge, d'une jeunesse qui s'affirme.
Nulle autre expression artistique populaire n'allait acquérir aussi rapidement un accueil aussi enthousiaste. Réconfortante, parce qu'elle sait parler au sentiment, la chanson raï ne sait vivre qu'au présent immédiat et renonce presque toujours à toute forme de renonciation, même si, par moments, ses contenus parlent de renonciation. La chanson raï a contribué plus d'une fois à faire connaître l'Algérie d'aujourd'hui : où est-ce qu'elle se trouve et qui la gouverne ? Autre preuve de sa vitalité : innombrables sont les écrits qui s'accordent à lui reconnaître son extraordinaire adaptation au goût ambiant, sa longévité jamais démentie. C'est dire le succès d'un genre très longtemps méprisé par les tenants obtus de la culture officielle et des chansons normalisées.
La chanson raï est caractérisée par son exubérance langagière et sa fécondité rythmique, et indétrônable dans toutes les fêtes nationales et rencontres
jouissives organisées ici et là. Recourant à une forme d'expression puisée, pour l'essentiel, dans le vécu des gens de la marge, des gens auxquels la société bien pensante ne pensent pas, la chanson raï exalte, sans rougir, l'ivresse sensuelle, et magnifie sans gants les manifestations diverses de la volupté du corps et de l'esprit. N'ayant d'autre ambition que l'affirmation d'un individualisme anarchique, elle réhabilite le corps et libère le verbe tout en refusant de considérer l'amour charnel comme un pêché capital, un manquement à l'ordre moral établi. Ouverte à tous les instruments (traditionnels et modernes) dans sa partie orchestrale, elle a grandement puisé dans des courants musicaux contemporains et a beaucoup pris des affluents artistiques qui peuplent le pourtour méditerranéen dans ses parties nord et sud.
PROVOC
Pour être urbaine, la chanson raï n'en est pas moins populaire, car elle tire sa légitimité de la culture orale très enracinée dans le patrimoine bédouin de l'arrière-pays. Ces deux grands apports ou, mieux encore, ces deux grandes clés, lui ont permis de se régénérer, et surtout de se repositionner par rapport à l'attente d'une jeunesse friande de tout ce qui est nouveau, friande de dépaysement, mais également de provocation à l'endroit de toute expression jugée figée. D'un art musical presque exclusivement oral, le raï, ce briseur de tabous, riche d'adages du moment et d'imagerie délurée et de gaieté contagieuse, arrive chez nous largement à voler la vedette aujourd'hui à des arts «écrits» qui n'ont pas jugé utile d'épouser la courbe du goût, des arts capitulards de l'avenir, des arts adeptes des boules de verre et de la séparation des genres. Mieux que ça, le raï est arrivé, très souvent, à réaliser une heureuse complémentarité entre des airs et musiques jugés, hier encore, comme irréalisables. Ni méfiant ni usé ni saturé, le genre raï, comme un tracé d'ogive, montre toujours ses dispositions à épouser les tendances du moment, à partager les éclairs du temps et les jaillissements qui en découlent.
Nue dans ses paroles brèves et accrocheuses à dessein et contestataire dans sa forme, la chanson raï n'est pas dans l'hésitation, mais dans l'infiltration heureuse avec ce qui était supposé, au départ, ne pas lui ressembler musicalement et symboliquement. Elle n'est jamais dans le rejet, mais presque régulièrement dans la réconciliation dans ces airs régulièrement nourris de brassages musicaux provenant de plusieurs genres, de plusieurs contrées, de plusieurs pays, de plusieurs goûts. Chanson populaire qui en appelle à la joie de vivre et aux plaisirs des sens, ses sonorités et mots répétitifs, outre les horizons qu'ils ont ouvert à l'édition musicale nationale et mondiale, ont réalisé chez les jeunes une sorte d'unité linguistique liée à leur siècle et ce, à l'échelle nationale dans cette frénésie acquise par les rythmes et l'épaisseur artistique de certaines voix majoritairement venues de l'Oranie. Grave ou légère, satirique ou subtile, en couplet ou en complaintes, mélodique ou métallique, elle brise les illusions établies sur les vieilles croyances en optant pour un lyrisme agressif, une musique syncopée, qui va plutôt au corps qu'à l'esprit, une musique qui répond aux modes et goûts du moment. La chanson raï est une chanson de la masse par excellence, elle est plus dans l'amplitude sonore que dans l'exactitude mélodique, car le ton âpre, qui, mis en branle, est audacieux dès le départ. Il y a une belle simplicité dans l'agencement musical. Maintes fois applaudi sur les scènes du monde, le chanteur raï est d'abord un interprète de la marge, un artiste singulier qui est sorti de la clandestinité pour revendiquer pleinement sa marque de fabrique, sa fureur de vivre.
En toutes choses, il opte pour l'excès. Le texte est volontairement excessif, le style de jeu sur scène est pris sur le vif, concret, flagrant, surtout non-conformiste ni sédentaire dans la manière de s'adresser au spectateur, de séduire son œil et son oreille. Il intègre aussi bien le rituel que l'irrévérencieux dans ce contact direct, démonstratif et instantané avec le public. Un public qui vit avec son temps, un public varié et innombrable à chaque fois. L'artiste chanteur fait souvent dans l'improvisation, se détache très régulièrement des normes musicales établies, s'écarte résolument des dogmes lorsqu'il s'agit de faire déhancher les corps. Il est chanteur et comédien.
Ses chanteurs raï sont connus pour être des provocateurs naturels à l'ordre établi et à tout ce qui s'apparente à la société puritaine. Ce sont des bêtes de scène accomplies, et le magnétisme qu'ils exercent sur leurs spectateurs résulte d'abord du non-conformisme déclaré et d'un hédonisme ouvertement jouisseur, lorsque, répondant à des besoins précis de notre époque, ils abordent frontalement les sujets liés aux insatisfactions multiples qui castrent la population jeune.
SAUDADE
Ses animateurs interprètes, très souvent hommes-orchestres, qui se singularisent par des textes insolents et débridés, mènent leur carrière comme des fournisseurs d'euphories musicales et de cacophonie violentes, en tutoyant l'art et ceux qui le pratiquent. Cet amoralisme assumé est une forme de protestation contre les codes d'une société jugée rigide, une société enveloppée dans de fausses chastetés et les interdits sous-jacents.
Le contenu du produit concocté en live ou en studio, aménagé à cet effet, oscille entre joie et mélancolie, mal-être et envie de mordre la vie à pleine dents, révolte et pardon, déclarations amoureuses fracassantes et amères désillusions. Interprètes privilégiés de la société des gens sans repères, ils savent qu'ils répondent, dans leur rengaine à la fois lyrique et brutale, à une demande sociale longtemps maintenue dans la clandestinité, une demande irriguée de voyages menée, trompette battante, au milieu d'une riche et jubilatoire incohérence textuelle, où le langage de la rue tient lieu de repères identitaires, existentiels. Chez eux, l'éventail offert au spasme et au rythme ne souffre jamais d'exiguïté. Démystifiant toutes les valeurs reçues et les mômeries tenues pour des vertus, leurs chansons arrachent à l'instant le maximum d'intensité de vie, d'impuretés du moment.
Perméables aux soupirs de la jeunesse et aux chimères généreuses, des chimères qui aident à supporter la morosité du quotidien, ces chansons, qui cultivent le goût du risque, évoquent les choses de la vie dans ce qu'elles ont de plus banal : la tendresse et les trahisons, le regret et la sublimation, le désabusement et les épanchements du corps. L'anecdotique a sa place dans des compositions musicales et verbales gorgées de sensualité vaporeuse teintée, d'évocations paillardes, de nostalgie récurrente et d'invitations chaloupées.
Indubitablement, il y a de la vitalité dans l'émiettement des paroles du jour et de la distribution sans retenue de la parole libérée dans ce monde qui laisse à désirer, un monde où il y en a encore et toujours pour le désir. Le portrait de l'être aimé est brossé en un style direct. On est plus dans l'apologie d'une jouissance sensuelle de la vie mouvante que dans le ronron des litanies métaphysiques ; plus dans la transposition de l'envie que dans l'allusion feutrée portée par des phrases soporifiques.
L'émotion n'est pas déléguée. Elle se déclare, rend compte du vécu, se revendique en reflet de ce vécu immédiat, se décline en extravagance d'une jeunesse qui assume ses choix pour laisser les jugements aux autres, les censeurs de tout acabit. L'affectif et le spirituel marchent ensemble, s'interpénètrent dans ces chansons osées et transgressives, qui arrivent, malgré les écueils ici et là de la facilité verbale, à accrocher leur musique dans l'air de leur temps, des chansons qui ont la capacité d'entrer dans l'intimité et de s'en distancier en même temps, des chansons points d'ancrage privilégiés sur un présent constamment instable. Un besoin qui ressemble à la jeunesse… en ébullition.


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