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« Ici, les gens vivent à crédit »
À 6 km d'el khroub, derradji salah s'incline devant le mal-vivre
Publié dans El Watan le 27 - 12 - 2005

Hameau composé initialement de 95 maisons en tuiles, bâties au lendemain de l'indépendance sur des terres agricoles de l'ex-colon juif français Bouragba, Derradji Salah fut inauguré par Houari Boumediène dans l'hiver de l'année 1965/66.
Les gens, qui vivaient dans les douars situés sur les terres agricoles des ex-colons français Bouragba, Trister, Mouska, Chélia, Guy et de l'Espagnol Sansal, n'ont pas voulu au préalable occuper ces nouvelles habitations qui « bouleversaient leurs habitudes » de vie ainsi que pour d'autres raisons idéologiques. Les féodaux et autres gros propriétaires fonciers de cette époque répandaient l'idée qu'il était interdit aux musulmans d'occuper des terres nationalisées. Certains bénéficiaires n'ont même pas daigné profiter de ces logis. « Pour compléter la liste, l'on a recourt à quelques réfugiés (lajjiyne) venus des frontières tunisiennes au lendemain de l'indépendance », fait remarquer Boudjemaâ, un natif de cette contrée qui tire son nom du chahid Salah Derradji, tombé au champ d'honneur en octobre 1957 à Chaâbet El Khorchef dans la commune territoriale de Guettar-El Aïch. Bref, tout le patrimoine foncier appartenait aux services des Domaines qui l'ont distribué aux comités de gestion et aux différentes coopératives agricoles devenues des exploitations individuelles et/ou collectives.
La route accidentée... et les risques de crues
Dépendant administrativement de la commune d'El Khroub, ce petit village, transformé en secteur urbain, distant de quelque 6 km du chef-lieu, s'est agrandi par de nouvelles constructions et de nouveaux bidonvilles dont le plus célèbre est celui de Chélia, érigé sur une décharge. La route qui y mène (CW131) est complètement dégradée et constitue une des préoccupations majeures des habitants qui soupçonnent les lobbies des propriétaires des J9 d'être derrière l'empêchement de la réfection de cette route afin d'y maintenir leur monopole dans le transport public ! « Aucun chauffeur de taxi ne s'aventure à emprunter ce chemin accidenté », affirme un jeune, dégoûté d'être entassé dans ces fourgons aménagés. Cependant, durant le trajet effectué en ces temps de vacances scolaires, l'on a constaté moins de bousculades. A partir d'El Khroub, le premier arrêt du J9 est Bouzouaouèch (celui des oiseaux) qui se situe à quelques mètres de l'ancien moulin à eau dit « Er r'ha » après avoir traversé le passage à niveau meurtrier. Un peu plus loin, c'est El Qaria. Sur les hauteurs de ces deux arrêts, se dresse le lotissement Chélia créé dans l'anarchie au lendemain de la conquête des municipalités par l'ex-FIS. Le carrosse de transport, avant d'atteindre le terminus, s'arrête près de la ferme Mouska située en contrebas des 750 logements évolutifs occupés par des gens venus des bidonvilles et des habitats précaires de Constantine (Souika, Bardo, hippodrome de Daksi, Z'razeh de Bab El Kantara) et de l'abattoir d'El Khroub. Ainsi s'achève le périmètre qui relève du secteur de Derradji Salah, dont le nombre d'habitants s'élève à environ 12 000 âmes.
Métamorphose du village ...
Hormis quelques maisons qui ont conservé leur architecture initiale, tout l'ancien village s'est métamorphosé en bâtisses de béton ! Seules les rues du nouveau Lotissement 213 sont goudronnées, le reste des voies d'accès sont boueuses et pleines de crevasses. Il y a de la gadoue partout ! « Lors des crues et des fortes chutes de pluie, tout Derradji Salah est coupé du reste du monde », nous confie Amar, un marchand de fruits et légumes qui souffre le calvaire, pendant les matinées glaciales, accroché à ses cageots entreposés sur sa camionnette. Il y a eu des victimes emportées par les crues de l'oued Boumerzoug et les inondations de ces dernières années. Le commerce n'est pas florissant en raison du chômage endémique qui touche la majorité de la population, jeunes et adultes. « Les gens vivent à crédit », raconte le propriétaire d'un café maure qui avoue que beaucoup de ses « clients lui doivent de l'argent pour les consommations qu'ils ont prises ». L'on raconte qu'un homme en chômage, âgé de 45 ans, a failli mettre fin à ses jours il y a quelques jours en voulant se jeter du haut d'un poteau électrique. Actuellement, il est hospitalisé à l'EHS de psychiatrie de Djebbel Ouahch à Constantine. Derradji Salah a vécu ses années de braise, « le gendarme Touhami a été assassiné près de chez lui par un groupe terroriste un certain octobre 1994 », raconte Benmakhlouf, le frère de Ali qui fut assassiné en février de la même année à la cité Emir Abdelkader (Faubourg Lamy) de Constantine. Des patriotes se sont engagés alors à défendre leur honneur et leur dignité et celle de l'Algérie. Feu Hachemi Chérif, secrétaire du mouvement Ettahaddi (devenu MDS), a rendu visite à ces patriotes en décembre 1996. Mokhtar exprime sa fierté quant à cette rencontre : « C'était réconfortant l'entretien qu'on a eu avec cet homme courageux qui nous a soutenus et nous a donné des ailes pour la poursuite de notre combat antiterroriste. » « Tu sais, nous révèle Ali, cette rencontre nous a valu des remarques de la part des autorités qui nous ont reproché cette visite d'un chef de parti pas comme les autres et hors d'une campagne électorale » et « nous nous sommes défendus pour dire que nous avons le droit de recevoir la visite d'un patriote sans protocole ». La « récréation » terminée et les terroristes réhabilités et amnistiés à la faveur de la politique de la réconciliation nationale ! Bref, les équipements sociaux de cette localité sont insuffisants et pour la plupart inexistants. Les mosquées, disproportionnées au nombre des fidèles pratiquants, occupent des espaces bien situés et bénéficient de la publicité dès l'entrée, à partir de la route principale. Le gaz de ville est arrivé laissant sur son passage des mécontents de la cité Allouk qui n'ont pas été desservis par cette source d'énergie qui passe tout près de chez eux. « Il ne faut pas se faire d'illusions en ce qui concerne l'installation des boîtiers des compteurs sur les façades des maisons », avertit Fares, « la majorité des habitants n'ont pas les moyens de procéder au branchement à l'intérieur de leur foyer », ajoute-t-il. « Le terrain de football de l'Union sportive Derradji Salah - qui a choisi les couleurs rouge et blanc de leur aînée l'ASK - n'est pas remis en l'état et les travaux traînent toujours », nous dit le coach de l'équipe cadette qui s'entraîne avec un seul ballon pour affronter leur rival de Guettar El Aïch pour le compte de la première journée du championnat de la division préhonneur. Djamel, un adolescent qui a la chance d'être inscrit à l'institut de formation professionnelle pour apprendre le métier de plombier, exhibe ses pieds nus pour nous montrer qu'il s'entraîne sans souliers. Pour ces ados, le foot est une seconde religion ! L'ancien local de l'ex-JFLN / UNJA est squatté par des habitants. Le terrain combiné (matéco) est livré à l'abandon. Pis, « il a été transformé en décharge de fumier des écuries et les fils de fer du grillage de clôture ont été arrachés pour servir de tiges de méchoui de l'Aïd El Adha », relève Mohamed qui réprouve « l'attitude des anciens habitants pour de tels actes qui sortent de l'ordinaire ».Et d'ajouter : « Malgré notre origine misérable, nous, les habitants venus des taudis constantinois, leur avons apporté la modernité. » Son copain renchérit : « Il n'y a qu'à regarder le flux important du trafic des passagers des J9. » En effet et contrairement aux autres dessertes, le mouvement des J9 de Derradji Salah veille jusqu'à 20h /21h. Néanmoins, cette rivalité entretenue existe entre les anciens habitants et ceux dits des « évolutifs ». Farès accuse les deux élus habitants de l'ancien village, l'un FLN et l'autre Islah, « de privilégier leurs proches dans les avantages sociaux et même dans la distribution de l'eau ! » Ce précieux liquide coule, selon lui, deux fois plus dans l'ancien village que dans les logements évolutifs que l'OPGI a proposés à ses occupants, une cession moyennant 40 millions de centimes. Ces habitations mal construites présentent un risque pour leurs occupants et nombre d'entre elles n'ont pas été validées par le contrôle technique (CTC). « L'humidité a été à l'origine d'un nombre important de maladies des voies respiratoires (asthme...) », conclut notre interlocuteur.
« Ici prend fin la vie ! »
« Lors des dernières intempéries, un mur a failli s'écrouler sur une occupante et il a fallu que je le répare », dira Omar, un jeune plein de vie. Lamine rétorque : « Ces gens de l'OPGI savent bien qu'on ne paye pas les loyers depuis l'acquisition de ces logements (entre guillemets) et qu'il n'ont rien d'évolutif, c'est alors qu'ils veulent nous duper. » Nacir intervient pour dire que : « Nous vivons dans la promiscuité mes trois frères mariés et moi, les gourbis qui nous abritaient avant valaient mieux que ce ghetto où nous sommes. » « Là-bas au moins (gourbis de Constantine), on y rentre seulement le soir, par contre ici, c'est jour et nuit », poursuit-il, en nous montrant du doigt le graffitis écrit en arabe sur le mur : « Houna ten tahi el hayat ! » (Ici prend fin la vie !). « Environ 30% des jeunes consomment de la drogue et des psychotropes », nous confie un pharmacien qui impute cet état de fragilité des gens à la misère. Cette dernière est mise à profit - timidement - par les groupuscules du mouvement salafiste dont « l'emprise de la religion sur les jeunes reste insignifiante pour le moment », dira Ali révolté par la malvie qui l'étouffe surtout pendant les vacances scolaires. Cependant, les élèves mettent à profit ce temps de repos pour vider leur crâne du bourrage tautologique propre au système éducatif qui a du mal à entamer sa réforme. Les enfants d'ici sont pauvres. Ils pratiquent les jeux des années 1960. Des écoliers joyeux creusent des trous et mettent le feu pour y cuire des patates. « C'est un régal meilleurs que celui de la maison », nous dit un enfant insouciant des risques de la fumée dégagée. Plus loin, dans une rue où des épaves de véhicules sont adossées aux murs, des monticules de gravats et de déchets sur les trottoirs, des fillettes s'adonnent à cœur joie à un échange de jeu de tennis avec des raquettes tandis que d'autres jouent au « baradi » (des carrés tracés parterre sur lesquelles les fillettes sautillent). Les espaces de jeu pour cette catégorie de la population sont très réduits d'autant que pratiquement tous les trottoirs sont annexés par les constructions anarchiques et illégales où les règles élémentaires de l'urbanisme sont bafouées par les différentes APC issues du parti unique, celles des épisodes de l'ex-FIS, des DEC ainsi que celles multipartites qui se sont succédé avec la reprise du processus électoral de 1997 ! Les habitants vivent dans une promiscuité indescriptible. Tous les ingrédients de la délinquance cohabitent dans cette agglomération (drogue, prostitution, vols...). L'on se souvient que lors de la célébration de la Journée mondiale sur la pauvreté organisée (mai 2000) sous le patronage du wali et du maire, le Pr Aberkane, une femme venue de Derradji Salah a laissé pantois les officiels et l'assistance présente en leur assénant : « Je vends mon corps pour survivre ! » Allusion à l'exercice du plus vieux métier du monde qui malheureusement s'est répandu d'une manière fulgurante avec toutefois non pas la survie, mais une vie luxueuse digne des grands lupanars ! Sur ce sujet, les jeunes garçons en chômage sont catégoriques : « Les recrutements sont sexistes pour des raisons évidentes », nous confie Amar. Ce n'est pas la commission de l'UGTA sur le harcèlement sexuel qui contredira les faits d'autant que nombre de syndicalistes, de travailleurs et de cadres des administrations publiques et du secteur économique usent du « droit de caresse et de concubinage ». Le centre de micro-entreprises en voie d'achèvement est à la faillite avant même qu'il devienne opérationnel, selon l'avis des jeunes qui se procurent de l'argent de poche au marché informel. Les travailleurs du centre de soins sont issus du filet social pour un salaire mensuel de 2700DA ou 3000DA. Trois médecins et un chirurgien dentiste se relaient l'assistance médicale uniquement le jour jusqu'à 15h de l'après-midi. Un généraliste, un gynécologue et bien sûr un psychologue font ce qu'ils peuvent avec les moyens du bord. Et il n'y a même pas d'ambulance pour évacuer les malades en urgence. Cette contrée reflète bien où en est arrivée l'Algérie malade...


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