Visible partout dans nos villes, l'informel est presque invisible dans les aéroports. L'informel est partout en Algérie. Il y en a de toute sorte et pour tous les goûts. En l'absence de perspectives plus décentes, les jeunes se focalisent sur la débrouillardise. En plus des rues et des places publiques, ces débrouillards envahissent les gares et les aérogares. Visible partout dans nos villes, l'informel est presque invisible dans les aéroports. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'existe pas au niveau des ces lieux publics très sensibles et reflétant l'image de notre pays. A l'aéroport international Houari Boumediene, il suffit de patienter quelques minutes, dans les couloirs menant aux différents halls, pour découvrir qu'il n'y a pas que les voyageurs et leurs proches qui fréquentent le parking et les alentours de l'aéroport. Plusieurs activités rentables, plutôt illégales, y sont constatées : les classiques taxis clandestins, le change parallèle de la devise, le port de bagages et la mendicité. Au niveau du couloir menant au hall n° 1, un jeune, grand de taille et barbe non rasée, nous interpelle : «Voulez-vous échanger de l'euro ?». Quand il a su que ce n'était pas le cas, il s'est présenté : «Je ne suis pas un marchand parallèle de l'euro, mais un simple porteur de bagages. J'ai voulu seulement vous aider, car je connais tout le monde ici.» Notre interlocuteur justifie son activité aléatoire par une situation sociale catastrophique. «J'habite une petite tente en bâche à El Harrach avec ma femme, sans aucune ressource. A cause de cette situation, j'ai perdu mes deux premiers bébés», a expliqué notre désormais guide Sofiane, la trentaine. Grâce à lui, on découvrira le positionnement de tous les débrouillards. Les marchands de la devise occupent des places discrètes entre la sortie de l'aéroport et le parking. L'un d'eux, t-shirt bleu et jaquette crème, n'arrêtait pas de parler au téléphone. C'est un petit astucieux qui guette ceux qui arrivent pour leur proposer ses services. «Les prix sont les mêmes que ceux appliqués au marché parallèle de Port Saïd à Alger. Un euro est échangé contre 130 à 150 DA», avoue Sofiane. Ce dernier a été appelé par un autre jeune, t-shirt rouge et portant des lunettes noires, apparemment mécontent. Quelques minutes plus tard, notre ami nous rejoint de nouveau. «C'est un «taxieur» clandestin. Il m'a dit de ne pas vous parler», dit-il. Les «clandestins» sont présents en force dans l'enceinte aéroportuaire, sans qu'ils soient dérangés par qui que ce soit. Ils sont prisés par les voyageurs puisqu'ils appliquent des tarifs assez corrects, presque la moitié des tarifs des taxis réguliers. Ils sont également gentils avec leurs clients potentiels en les accueillant dans les couloirs avec un gros sourire. «Madame/Monsieur, taxi. On s'occupera bien de vous», haranguent-ils tout le temps. Demandant à notre guide s'il y avait des mendiants au niveau de l'aéroport, il a répondu par l'affirmative, contrairement à un policier à l'entrée du parking. «Les mendiants ici sont méconnaissables. Ils sont dissimulés parmi la foule. Venez, je vous les montre», propose Sofiane. Les mendiants sont souvent des femmes, en difficulté sociale, qui viennent d'El Harrach, Oued Esmar et d'El Hamiz. «Je connais un tas d'histoires sur ces mendiantes. L'une d'elles est mère de cinq enfants, abandonnés par leur père. Une jeune mariée divorcée a laissé son enfant chez ses parents. Tout ce qu'elle gagne en mendicité, elle le partage avec son amant», raconte encore notre guide. Toujours devant la sortie du hall n° 1, une vieille femme, voile blanc et tunique bleue, n'arrêtait pas de supplier les voyageurs, algériens et étrangers, pour quelques sous. En face de l'appareil photo, elle a paniqué et insiste : «Laisse-moi tranquille mon fils, je n'ai rien fait de mal.» Aucune chance de discuter avec cette pauvre créature, surtout lorsqu'elle aperçoit deux policiers qui approchaient. Ce sont ces femmes qui demandent de l'euro aux passagers fraîchement débarqués ? Non. Cette pratique est l'œuvre de gens capables de tout pour gagner leur vie, y compris toute sorte de trafic. C'est le cas du surnommé Houari, 21 ans, d'origine oranaise, selon Sofiane. Ce jeune n'hésite pas à demander de l'euro aux immigrés et aux étrangers. «Ce jeune, impliqué dans des passages de harraga vers le Maroc, trouve ceux qui répondent à ses exigences de mendiant. Il collectait plusieurs petites pièces (jaunes)», a précisé notre ami. Sur la route de la sortie de l'aéroport, la vieille mendiante rencontrée quitte l'enceinte rapidement, sûrement après une petite discussion avec les deux policiers. En attendant une implication plus sérieuse de l'Etat dans la lutte contre l'informel qui défigure nos villes et ternit l'image de l'Algérie, les débrouillards en profitent au maximum.