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Jacques Brel, une vie en images
Les risques du métier
Publié dans El Watan le 12 - 01 - 2006

Il y a quarante ans, Jacques Brel quittait définitivement la scène du music-hall après un dernier concert à l'Olympia. Lassé des tournées et du nomadisme, le grand Jacques a consacré les douze dernières années de sa vie à investir ses rêves sur une tout autre scène, celle de l'opérette et du cinéma. Du cinéma, il en rêvait déjà tout jeune lorsqu'il décrivait en chantant Le plat pays, Ne me quitte pas ou encore Les Vieux.
Peut-être faudrait-il rappeler que bien avant son premier spectacle à l'Alhambra en 1957, le chanteur avait lutté de cabaret en tournées pour s'affirmer. C'est ainsi qu'il fit en 1953 en Algérie une tournée qui le mena dans plusieurs villes. Bruxellois jusqu'au bout des ongles, ce Flamanda, avec ses amis Brassens et Ferré, bouleversé les aspects textuels et chromatiques de la chanson française en la sortant de la nursery de Charles Trenet. Nostalgique, il célèbre sa ville « au temps où Bruxelles bruxellait », ajoutant : « C'était au temps du cinéma muet », comme pour affirmer ses rêves cinématographiques. Jacques Brel allait être lassé par sa vie d'errance et par les nuits blanches qui depuis treize ans usaient sa santé. A Bruxelles où il est revenu pour un ultime tour de chant post-Olympia réservé aux Bruxellois, il décide de se lancer dans l'aventure théâtrale et cinématographique. Brel prépare bien un retour sur les planches, mais pas celle où il avait enflammé le public avec ses chansons. Il s'est, en effet, lancé dans une adaptation de Don Quichotte de Cervantès, qu'il appellera L'Homme de la Mancha. Il lui faudra deux ans avant de voir son opérette produite sur la scène du théâtre des Champs Elysées à Paris. Il y triomphera aux côtés de Dario Moreno et de la cantatrice américaine, Joan Diener. Ayant eu la chance et le privilège de l'avoir vu chanter Amsterdam dans un de ses derniers concerts de l'Olympia en 1966 et d'avoir assisté à une des premières représentations de L'Homme de la Mancha en 1967 au théâtre des Champs Elysées, j'ai gardé en mémoire la fougue et la passion avec lesquelles cet immense chanteur soulevait les publics. Il s'emparait crescendo des spectateurs, les soulevait et emportait grâce à un étonnant mélange de fureur, d'inspiration et de force. L'homme se livrait sans limite et finissait ses shows dans un bain de transpiration. L'aventure des planches avec L'homme de la Mancha restera unique dans la carrière de Brel par sa sublime fulgurance. Tout en écrivant le livret de l'opérette, il est repris par son envie de se produire, mais à distance devant son public. Il commence par accepter les propositions de André Cayatte pour interpréter le rôle de l'instituteur, Jean Doucet, accusé à tort par une des ses élèves de l'avoir violée. On retrouve dans Les risques du métier, les thèmes chers à l'auteur de Nous sommes tous des assassins qu'avait interprété avec brio un autre chanteur proche de nous, le bouleversant Mouloudji. Cayatte combat les idées reçues et exprime de manière récurrente son horreur devant les erreurs judiciaires. La fragilité de Jacques Brel (qu'on trouvait déjà chez Mouloudji) et son légendaire refus de l'injustice, se prêtaient admirablement bien au rôle de cet instituteur calomnié. Le film vaudra au chanteur un succès d'estime considérable, en même temps que la chance d'être immédiatement appelé par Philippe Fourastié avec lequel il va enchaîner un deuxième film en moins d'une année. Aux côtés d'Annie Girardot et de Bruno Cremer, Brel va, cette fois-ci, interpréter le très beau rôle de Raymond la Science idéologue de la bande à Bonnot. Inspiré d'un fait divers, le film raconte la dérive presque banale d'anarchistes qui s'adonnent à la grande criminalité sous prétexte de servir un quelconque « isme ». L'histoire du XXe siècle a montré que l'histoire de la bande à Bonnot était liée profondément à l'asphalte des cités modernes et à la perte de valeurs humaines. Au passage, Jacques Brel a donné à ce personnage ses idées libertaires (Le Dernier repas), son idéalisme légendaire (L'Homme de la Mancha), sa défiance à l'égard de l'ordre établi (Au suivant), son refus de l'autorité (Ces gens-là) et de la censure des idées nouvelles (Les Bourgeois.) De 1967 à 1973, il va apparaître chaque année dans un film nouveau et presque toujours dans des rôles, sinon des films majeurs réalisés par des cinéastes notoires. On retrouvera les thèmes chers au chanteur dans la plupart des rôles qu'il a choisis d'interpréter. Ce fut le cas avec Mon oncle Benjamin d'Edouard Molinaro ou de Mont dragon de Jean Valère. En 1971, il revient à un thème proche de celui de ses débuts comme acteur. Dans un des derniers films réalisés par le grand Marcel Carné, il interprète avec beaucoup de retenue et de sobriété le rôle de Bernard Level, juge d'instruction qui enquête sur une mort suspecte dans un commissariat de police. A nouveau, le poète donne à son personnage de petit juge de province toute la crédibilité dans son refus de l'injustice. La mise en cause dans l'enquête de fonctionnaires de la police et les pressions insupportables auxquelles le petit juge est soumis ne sont pas sans rappeler la récurrence de ces excès (physiques et verbaux) dans l'actualité récente outre Méditerranée. L'année d'après, il va tourner aux côtés de son ami Lino Ventura dans ce qui restera sans doute le meilleur film de Claude Lelouch. On sait combien le système Lelouch est basé sur la liberté laissée aux comédiens. Il faut croire que la complicité qui s'est installée entre les acteurs de ce film et la truculente contribution de Jacques Brel, à présent consacré acteur fétiche, a pu faire L'Aventure c'est l'aventure, une œuvre unique dans la filmographie contestable de l'auteur de Un Homme et une femme. Sur un ton plutôt loufoque, le film raconte comment une bande de malfrats décide d'abandonner les méthodes classiques du pillage de banque pour le kidnapping de stars et de VIP. Dans son interprétation du rôle de Jacques, Brel ne se prive pas dans cette atmosphère libertaire qui lui convient si bien, de se livrer à un numéro d'acteur proche du cabotinage. Il est vrai qu'après six ans sans le contact direct avec le public des music-halls, Jacques Brel est reconnu par ses fans, autant comme comédien accompli que comme grand chanteur mondialement célébré. Mais cette reconnaissance ne pouvait lui suffire. Il ne pouvait décemment pas, lui le créateur échevelé, interpréter sans avoir l'envie de mettre en scène lui-même, obéissant ainsi à un vieux rêve personnel. En 1971, alors même qu'il tourne sous la direction de Carné, il écrit et réalise en Belgique son premier long-métrage Franz. Plutôt que d'écrire un scénario classique, Brel va rédiger un script sous forme de tableaux successifs. Il composera la musique et interprétera aux côtés de la grande chanteuse Barbara le rôle principal. C'est l'histoire de deux « paumés », un peu ratés, dont l'amour naissant attisera les sarcasmes des résidants d'une auberge pour fonctionnaires. On retrouve ici le thème brélien récurrent de la double solitude (La Fanette) et de la cruauté destructrice du groupe (Les bonbons). Franz est un film étrange et fascinant dans l'univers du chanteur. œuvre singulière qui foisonne d'idées novatrices, le film sera accueilli avec un intérêt non dénué d'indulgence par la critique, mais le grand public boude le film. Fort déçu, Brel revient momentanément à son métier d'acteur pour lequel il est régulièrement sollicité. Après une autre comédie réaliste tournée sous la direction de Alain Levant et aux côtés d'Isabelle Huppert, il renoue avec le succès en interprétant sans doute son meilleur rôle dans L'Emmerdeur d'Edouard Molinaro sur une pièce de Francis Weber. Il retrouve à ses côtés son ami et complice Lino Ventura dans le rôle de tueur à gages contrarié dans ses projets par un certain Pigeon, être truculent et suicidaire à la fois. Face à la rage contenue de Ventura, Brel laissera libre cours à sa folie et à son cabotinage dans son interprétation du rôle de l'amant délaissé et habité par des idées de mort. Difficile de concilier l'image du chanteur sérieux - qui jamais ne s'adressait au public ni ne lui concédait un retour sur scène après même la plus longue ovation -, et celle de l'acteur déchaîné dans ses mimiques ou outrances. Surmontant la déception du demi-échec de Franz, Brel cinéaste décide à la même période de réaliser son second film Le Far West, où il sera question de ruée vers l'or en Belgique wallone. Optant délibérément pour une rupture avec les canons classiques, l'auteur tente de faire partager l'imaginaire débridé de son enfance avec des cow-boys de pacotille et des références à Don Quichotte. Présenté au Festival de Cannes en 1973, le film reçut un accueil franchement hostile. Jacques Brel, on peut s'en douter, fut cruellement marqué par les huées d'un public snob et « parisianiste », affichant ses certitudes du goût établi. Brel ne reviendra plus jamais ni devant ni derrière la caméra. Sans un mot de dépit, il va se retirer du monde des paumés pour aller vivre sa maladie, puis sa mort précoce dans les lointaines îles Marquises qu'il préfère honorer en chantant plutôt que de dépendre du jugement de la jet-set parisienne.

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