Depuis le 11 novembre et ce jusqu'à demain se tient à Istanbul, en Turquie, la 22e réunion de la Commission internationale pour la conservation des thonidés (ICCAT), où le point nodal est l'approbation des plans de campagne de 2012 qui fixent les quotas à pêcher par pays. Vendredi, à l'ouverture des travaux, la délégation algérienne a fait une déclaration dans laquelle elle souhaite que les membres de l'organisation réexaminent le cas de l'Algérie. «En novembre 2010 à Paris, l'Algérie n'a pas été convenablement représentée», dit la déclaration qui demande de revoir «la réduction inéquitable» de son quota passé de 684 à 138 tonnes opérée de «manière cavalière» parce que sans consultation des concernés. L'Algérie, qui s'est toujours rigoureusement conformée aux règles de l'ICCAT, ne comprend pas, dit encore la déclaration, la mesure prise à son encontre. «Une mesure qui n'honore par l'organisation internationale et qui obère les efforts déployés pour développer une flottille nationale de thoniers. Comment, en effet, est-il ajouté dans la déclaration, expliquer aux nombreux investisseurs que le quota national a été divisé par cinq ?» Subterfuge L'Algérie est en droit de réclamer son ancien quota, nous assure un expert de ces questions, mais il semble difficile de reprendre les 300, 100, 50 et 40 t accordées respectivement l'année dernière à la Libye, à la Turquie qui accueille la réunion de cette année, à la Croatie et à l'Egypte. De plus, l'ICCAT n'est pas en mesure d'augmenter le volume total des captures en Méditerranée fixé jusqu'en 2013 à 12 900 t. «L'Algérie aurait été mieux inspirée en exigeant, en vertu des textes de l'ICCAT, ajoute notre interlocuteur, le rétablissement du quota qui n'a pas été pêché en 2009 faute de thoniers. Une disposition qui a été supprimée depuis, mais qui offre toujours à notre pays la possibilité de réclamer 150 t supplémentaires en 2012 et 150 t en 2013.» Le plan de campagne pêche 2012 de l'Algérie a été rejeté mardi à Istanbul. Il est le seul à l'avoir été. En effet, le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques (MPRH) a aligné 17 thoniers pour pêcher les 138 t du quota accordé pour 2012, alors qu'il suffit à peine pour deux ou trois d'entre eux. Chacun sait aujourd'hui, sauf le MPRH, que notre pays n'a jamais eu autant de thoniers dignes de ce nom, et toute la Méditerranée sait comment le quota algérien passait entre les mains des pilleurs de thon étrangers. L'affaire de Annaba, vite expédiée par la justice, n'a pas été jusqu'au bout pour dévoiler le subterfuge des pêches virtuelles. Mardi toujours, à Istanbul, le délégué du Japon a fait une réponse sèche aux délégués algériens qui s'indignaient de n'avoir pas été entendus. «L'Algérie, a-t-il déclaré, était en faute de ne pas assister à la réunion de Paris où l'assemblée l'attendait pour s'expliquer sur les incidents de 2009 (Annaba, ndlr). Cela indique un manque d'intérêt de sa part concernant les affaires de l'ICCAT.» Pour rappel, le ministre de la Pêche avait accusé les services consulaires français pour justifier l'absence de l'Algérie à la réunion de Paris en novembre 2010. Pour beaucoup de gens, cette absence n'est pas fortuite. Comment, en effet, aurait-on pu expliquer que l'Algérie a pêché pendant quinze ans des centaines de tonnes de thon (le quota national atteint 1900 t en 2000) sans posséder le moindre thonier digne de ce nom ? Cette absence délibérée de l'Algérie va profiter, par le biais des pays, à des mafias locales. Le MPRH minimise la portée des magouilles liées à la pêche au thon rouge. Mafia En ne reconnaissant qu'une perte de «seulement 7 milliards de centimes», le montant des redevances dont doivent s'acquitter les armateurs algériens, il semble ou feint d'ignorer qu'avec le sceau de l'Algérie, des millions de dollars sont passés dans les mains de mafias nationale et internationale. Ceux provenant de la vente virtuelle des quotas nationaux cédés jusqu'à cinquante fois leur prix sur le marché japonais. Des opérations illégales qui faisaient valoir un document officiel de la République algérienne démocratique et populaire : le bulletin de déclaration de capture. Ce BDC délivré par le MPRH atteste en effet que les prises proviennent bien du quota national algérien. Ce qui est faux puisqu'elles ont été effectuées par des pilleurs dans des zones interdites en Méditerranée puis régularisées par le jeu des pêches virtuelles comme celle découverte au large de Annaba en juin 2009. Mercredi, en début de soirée, l'UE et le Japon ont proposé à l'Algérie de rester membre de l'organisation internationale qu'elle menace de quitter à la condition d'entériner, avant aujourd'hui, les décisions prises l'année dernière, c'est-à-dire le quota de 138 t. Et dans ce cas de présenter un nouveau plan de pêche avec de vrais thoniers. L'Algérie, qui avait tablé sur une offensive diplomatique pour récupérer son quota, est dans une situation inconfortable. Avec l'intransigeance de l'ICCAT, comment en effet partager les 138 t entre les armateurs qui sont en droit de les réclamer puisque depuis 2010 nous avons des thoniers dignes de ce nom ? C'est tout un pan du plan de relance de la pêche qui s'écroule.