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On l'appelait le Gandhi du Kosovo
Ibrahim Rugova. La mort du président kosovar suscite l'inquiétude de l'ONU
Publié dans El Watan le 26 - 01 - 2006

« Si vous fermez la porte à toutes les erreurs, la vérité restera dehors ».
Tagore
Avec ses petites lunettes rondes, son inséparable écharpe rouge vestige de ses anciennes amours communistes, il a plutôt l'air d'un petit instit de province. Il en a le profil, d'autant qu'il est diplômé de la Sorbonne et parlant plusieurs langues. Homme de culture, il a plus d'une corde à son arc. Mais il est plus que cela depuis qu'il a acquis le titre de Gandhi du Kosovo, reconnaissance suprême. Il est ainsi devenu un héros mythique pour les Albanais qui voient en lui l'homme qui a bataillé dur pour qu'ils puissent recouvrer leur dignité. C'est Ibrahim Rugova, le président du Kosovo, décédé samedi à 61 ans d'un cancer du poumon à Velanija, dans la banlieue de Pristina, la capitale du Kosovo dont le nom à lui seul évoque tant de tourments. « Le président est mort. Il a mené sa bataille contre le cancer avec une grande dignité et un courage exemplaire jusqu'à son dernier souffle », a annoncé son porte-parole. Aujourd'hui, si le Kosovo est apaisé c'est un peu grâce à cet homme fragile dont le décès intervient à un moment crucial pour son pays, alors que dans les milieux politiques, on s'affaire déjà à lui trouver un successeur digne, ayant les capacités pour conduire à bien le processus d'indépendance de cette province administrée par l'ONU depuis 1999. Rugova, à la tête des négociateurs albanais et fervent partisan de l'indépendance, devait conduire les discussions menant à un nouveau statut de la province. Avec sa disparition, l'inquiétude s'est emparée des responsables onusiens, dont le chargé du dossier du Kosovo Martti Ahtisaari, qui forme le vœu que « la situation restera calme et que la Constitution sera respectée. Il est particulièrement tragique que le président Rugova nous quitte à ce moment décisif pour le futur du Kosovo, alors que la France par la voix du président Chirac a salué ‘‘le rôle historique et le courage politique de Rugova''. C'est à son héritage qu'il faudra que chacun reste fidèle. »
Le chantre de l'indépendance
Il faut dire que Rugova a été plus qu'un leader, une icône politique que ses adversaires ont été incapables de briser. Né au Kosovo le 2 décembre 1944, diplômé en lettres de la Sorbonne, polyglotte, Rugova, ancien membre du Parti communiste et secrétaire de l'Union des écrivains du Kosovo, a été l'un des pionniers de l'intelligentsia kosovare dans l'ex-Yougoslavie communiste. Sa lutte pacifique contre l'emprise de Belgrade et la répression sous le régime de Slobodan Milosevic lui ont valu le surnom de « Gandhi du Kosovo ». Après la révocation par Milosevic de l'autonomie du Kosovo en 1989, Ibrahim Rugova fonda la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) qui boycotte toutes les élections organisées par Belgrade et installe des institutions parallèles et clandestines. Il établit, dès le début des années 1990, des liens étroits avec l'Occident, en particulier avec Washington. Dans la société traditionnellement conservatrice du Kosovo, il devient alors le père de la nation. Ce titre n'est guère usurpé, car Ibrahim incarnait justement la lutte des Albanophones pour leur indépendance. Il fumait beaucoup jusqu'à ce que ses médecins diagnostiquent officiellement un cancer du poumon en septembre dernier. Le Kosovo est désormais à la croisée des chemins après la disparition de son président. Si les Albanais majoritaires excluent tout retour dans le giron serbe et sont massivement favorables à l'indépendance, les Serbes eux ne veulent pas lâcher prise, considérant le Kosovo comme le berceau historique de leur nation. Rugova, contrairement aux adeptes de la lutte armée, a su user de la diplomatie pour faire entendre la voix de son pays, notamment dans le concert international. D'ailleurs, cette échappée en solo du leader kosovar a irrité ses détracteurs qui lui reprochent d'agir comme s'il était l'unique artisan de l'indépendance et de n'accepter que très difficilement la contradiction, même au sein de son propre parti. De ce fait, presque tous les fondateurs de la LDK ont quitté le parti que Rugova a dirigé pendant 15 ans. Edita Tahri, la dernière à s'en aller, a expliqué qu'elle avait pris cette décision pour protester contre l'attitude dictatoriale de Rugova. D'anciens guerilleros lui ont même reproché d'avoir décrit le mouvement rebelle comme un « groupe formé probablement par Belgrade pour discréditer la politique pacifiste des Albanais du Kosovo ». C'est dire que Rugova n'avait pas que des amis. Pis, sa carrière politique aurait pu prendre une tournure désastreuse, lorsque cet apôtre de la non-violence a été poussé dans ses derniers retranchements en allant serrer la main de Milosevic à Belgrade. Certains de ses compatriotes y ont même vu une trahison. Rugova avait alors juré par tous les saints qu'il avait été mis sous pression, traité en prisonnier et qu'il n'avait aucune marge de manœuvre. Il avait fini par admettre que ce qu'il avait signé dans la capitale yougoslave n'avait aucune valeur, dans une allusion à un texte qu'il avait cosigné avec le président Milosevic demandant un arrêt des frappes de l'OTAN et l'ouverture des pourparlers de paix. Il a nié avoir jamais appelé à un arrêt des bombardements.
La succession est ouverte
Cette période trouble a failli l'emporter, faisant place aux séparatistes de l'armée de libération du Kosovo, dont les positions sont nettement moins conciliantes et plus radicales. Déprimé, il avait fait annoncer son intention de s'installer en Allemagne pour quelque temps avec ses proches. Malgré cela, si son influence a décliné quelque peu à une certaine période, il a toujours constitué la bonne carte pour l'Occident qui ne pouvait en finir avec la question kosovare sans l'implication de cet homme soucieux de trouver une solution avec le minimum de dégâts. Président sans palais, comme il plaît à se définir, Rugova a été élu le 24 mai 1992 avec 867 000 voix sur une population d'environ 2 millions. Sous tutelle de l'ONU, le premier magistrat du Kosovo n'a en réalité aucune emprise sur la situation de son pays. Sa marge de manœuvre est réduite, pour ne pas dire insignifiante. « Ma vie est comme la vie de chaque citoyen. Je n'ai aucune sécurité. Je suis comme un réfugié. Je vis chez ma belle-sœur dans un appartement en ville au 17e étage. Malgré mon statut, quand je passe la frontière, ils me contrôlent, ils m'arrêtent une heure, deux heures, trois heures, mais je garde mon sang froid, et j'en passe. C'est difficile, mais c'est nécessaire pour faire des contacts, lier des amitiés et demander un soutien pour notre cause. » Se disant musulman symbolique, Rugova n'a en fait pas d'attache avec la religion, même si celle-ci constitue un élément important dans le substrat de l'identité albanaise.
Appel au calme
« Sur le plan religieux, le Kosovo a deux religions, trois confessions : musulmans, catholiques et orthodoxes. L'identité, c'est premièrement la langue, puis la religion et la tradition. Tout au long de l'histoire avec trois religions, c'était très difficile pour survivre, mais nous avons réussi », concède-t-il en précisant que la langue albanaise a toujours été réprimée dans le système de l'ex-Yougoslavie. « Malgré cela, l'identité s'est affirmée, a demeuré, parce que nous avons passé cinq siècles sous la domination ottomane. Nous étions à cette époque une société très conservatrice. Je le dis au sens positif du mot. L'influence ottomane s'exerçait surtout dans les villes, pas dans les campagnes. Mais la langue a toujours demeuré. C'est une langue indo-européenne, une petite langue qui est restée sans famille. » A la question de savoir si l'influence de l'Islam politique n'allait pas, à l'instar de beaucoup de pays, investir le Kosovo, Rugova fait savoir que son pays est imperméable à ce genre d'intégration. « Moi, je crois en Dieu, mais je ne suis pas pratiquant. Quand je dis musulman, c'est un reste de l'histoire, comme chez beaucoup d'Albanais. Je suis contre une pénétration islamique fondamentaliste parce que nous, musulmans albanais, sommes complètement différents. Nous sommes des musulmans avec une tradition européenne. » Le dirigeant kosovar estime, par ailleurs, que la majorité de la population a encore une conscience de domination et qu'il ne peut y avoir une coexistence harmonieuse entre Serbes et Kosovars, du moins pour le moment. En fait, de nombreux Serbes qui vivaient au Kosovo ont dû plier bagages, par crainte de représailles, car la paix est encore très fragile comme le souligne un observateur international. « Un petit rien, une étincelle peut provoquer le chaos. C'est pourquoi, il faut être très prudent et ménager les susceptibilités des uns et des autres. »Pour Rugova, qui a bien compris la donne sociologique de son pays, « la meilleure solution c'est avoir un Kosovo neutre en y créant des institutions démocratiques et en normalisant la vie des citoyens. C'est après, bien après, qu'on pourra parler du statut ou de l'avenir du Kosovo. » Ni tribun, ni bon orateur, Rugova imposait cependant le respect grâce à un discours pacifiste où il ne faisait guère de concessions sur le combat qu'il a toujours mené pour l'indépendance de son pays. Selon la Constitution provisoire du Kosovo, Rugova sera remplacé par le président du Parlement, Nexhat Daci, 61 ans, jusqu'à l'élection du nouveau président. Son décès ouvre désormais la bataille de sa succession, mais aucun des dirigeants du Kosovo ne semble bénéficier actuellement d'un soutien comparable à celui qu'il avait acquis. Les principaux candidats sont le président du Parlement, le principal leader de l'opposition, Hashim Thaci 37 ans, l'actuel Premier ministre, Bajram Kosumi 45 ans et le leader du Parti réformateur, Veton Surroï 43 ans. Les premières négociations directes entre Serbes et Albanais, qui devaient avoir lieu à partir d'hier à Vienne, ont été reportées sine die. La disparition de Rugova laisse une chaise vide. Il n'a pas de successeur désigné à la tête de son parti déchiré par les dissensions. C'est dire que la situation déjà précaire au Kosovo va se compliquer davantage surtout pour la communauté internationale qui aura du mal à trouver un successeur qui saura allier réalisme, tolérance et dialogue, comme l'avait fait jusque-là le disparu. Mais les plus inquiets de sa succession sont les Serbes qui craignent que celui qui prendra la place de Rugova incite au trouble et à la violence pour parvenir à l'indépendance.
- Parcours
Ancien étudiant de la Sorbonne parisienne, le très francophile écrivain Ibrahim Rugova est né en 1944 au Kosovo. Il a enseigné la littérature avant de devenir la figure de proue de la résistance à la crispation serbe sur sa province. En 1974, sous le maréchal Tito, la Constitution yougoslave avait pourtant octroyé au Kosovo le statut de province autonome. Mais en 1989, le président de la Serbie Milosevic, aujourd'hui jugé au tribunal de la Haye, l'avait abrogé, prononçant la dissolution des institutions provinciales l'année suivante. Rugova avait alors fondé la LDK et boycotté chacun des scrutins organisés par Belgrade. La LDK avait aussi mis en place des écoles, des centres de santé et même des centres de perception des impôts à l'intention de la majorité albanaise du Kosovo (90% de la population). Les Albanais du Kosovo ont proclamé une République se donnant en 1992 un Parlement et un président de la République, Ibrahim Rugova. Ce dernier avait été réélu en 1998 sans davantage de reconnaissance internationale ni bien évidemment celle de Belgrade. L'intervention militaire internationale en Yougoslavie s'est terminée en juin 1999 avec le retrait des troupes serbes, mais aussi avec la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies, reconnaissant la souveraineté de la RFY sur le Kosovo promis à nouveau à une autonomie substantielle. Rugova s'est éteint cette semaine à l'âge de 61 ans. Il laisse une veuve et trois enfants, mais c'est tout le pays qui est orphelin.


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