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Tripoli, le jour d'après
Tribulations libyennes d'un visiteur non averti
Publié dans El Watan le 01 - 03 - 2012

Au lendemain du premier anniversaire de la révolution libyenne, j'arrive à l'aéroport international de Tripoli. Au contrôle de la police des frontières, aucune fiche de débarquement n'est exigée, les postes dépourvus d'ordinateurs sont confiés à des jeunes armés d'un tampon qu'ils apposent systématiquement et rapidement sur le visa.
Sur ce plan, la Libye a changé. Sur le trajet vers l'hôtel, se dressent quelques barrages improvisés confiés à des jeunes «révolutionnaires» armés, âgés entre 17 et 20 ans. Nerveux, car les menaces promulguées par Saâdi El Gueddafi qui du Niger promet son prochain retour en Libye, semblent être pris au sérieux.
Du moins par la presse formée de journalistes dont l'essentiel du bagage intellectuel était la lecture assidue du livre vert et autres œuvres du guide. En effet, l'un des journaux nouveaux nés : Al Jazeera Al Libya, reprenant le nom de la chaîne satellitaire la plus regardée dans le pays, annonce l'arrivée en Libye de 16000 jeunes, garçons et filles, «sidaïques» chargés de diffuser le virus au sein de la population. Les infirmières bulgares, jadis condamnées à mort par Mustapha Abdeljalil, alors procureur, sont presque oubliées, mais pas les recettes éculées pour désigner la menace et le complot venant de l'étranger.
Ce même Abdeljalil, maintenant président du CNT, a choisi comme résidence et lieu de travail (par intermittence) l'ancien palais d'hôtes où El Gueddafi logeait ses invités de marque de passage à Tripoli, à deux ou trois ronds-points de Bab Al Azizia. Tout un symbole. Autrement, il demeure à Benghazi. La situation libyenne est très confuse. Trois villes se disputent le pouvoir : Zintane, Misrata et Benghazi, alors que la capitale est toujours Tripoli. La première détient le ministère de la Défense qui a échappé à l'enfant chéri de Doha, Abdelhakim Belhadj, ex-djihadiste. Cette ville est surtout le lieu de détention de Seïf Al Islam qui représente un véritable actif (au sens financier du terme) pour les Zintanis. Il est l'un des rares survivants de l'ancien régime à connaître le lieu et les montants des fonds secrets planqués à l'étranger.
Sa collaboration volontaire ou pas leur permettra d'accéder à ce butin afin de se constituer un trésor de guerre et les mettra en position de force pour participer virilement au pouvoir indépendamment d'éventuelles élections. Il est attendu que Seïf Al Islam sera jugé à Tripoli et vraisemblablement condamné à la peine capitale. Question de contrebalancer, en partie, l'image laissée par l'exécution extrajudiciaire de son père. Estimée à 100 000 habitants, la population de Zintane a une longue tradition guerrière, peu soumise aux caprices du guide qui les respectait souvent, les craignait parfois, mais toujours distant à leur égard.
Aucun homme originaire de cette ville n'a eu un poste-clé dans le système El Gueddafi. Leur sens de l'honneur (nif) ne s'apprête pas vraiment aux inévitables servitudes exigées par le colonel. Après l'échec de la fusion avec la Tunisie, lors d'un échange vif entre Bourguiba et El Gueddafi, ce dernier le menace d'envoyer quelques soldats de Zintane pour envahir la Tunisie. Au-delà de l'anecdote, l'indocilité de cette population est à l'origine de leur marginalisation relative. Les gens de Zintane, avant la révolution (et pourquoi pas après) contrôlaient le trafic de drogue vue leur excellente connaissance des pistes du désert.
Les plus honnêtes travaillaient comme guides touristiques, pour les mêmes raisons. Et ce n'est pas par hasard qu'ils ont mis fin à la fuite de Seïf Al Islam en plein Sud libyen. En s'alliant avec les Berbères (5% de la population) de Djebel Nefoussa, lieu de parachutage d'armement sophistiqué français, Zintane dispose de plus de 1200 blindés. Bien plus que le nombre de bureaux de vote dont l'ouverture est prévue pour le mois de juin prochain.
Les gens de Misrata ont capturé El Gueddafi, lynché et exposé sa dépouille dans une chambre froide du marché de la ville. Action isolée, menée par d'hystériques revanchards ? Certainement pas. Car la ville de Misrata était la capitale industrielle du pays, ses habitants étaient parmi les premiers bénéficiaires de l'économie de rente et s'en accommodaient donc assez bien, surtout avec l'un des principaux ports où se déversaient les produits importés, souvent subventionnés et revendus sans aucun contrôle sur les marges bénéficiaires. Le vent a tourné, alors pourquoi ne pas se racheter une conduite en s'acharnant sur le cadavre du guide ? Cette ville renferme désormais le plus grand musée des martyres du pays sur lequel flottent les drapeaux libyen et qatari.
Un important ministère régalien est attribué Faouzi Abdelali, chef de la brigade qui a capturé El Gueddafi, une fois repéré par le commandement de l'OTAN qui a intercepté une communication par téléphone satellitaire entre le guide et une interlocutrice en Syrie. Faouzi Abdelali est ministre de l'Intérieur, il tente d'intégrer dans ses troupes une partie des révolutionnaires, tout comme le ministre de la Défense. A la chute de Tripoli, ils étaient 15 000, ce nombre est passé à 300 000 à peine quatre mois plus tard.
A Benghazi, ville symbole du déclenchement de la révolution, les responsables tentent de faire de la politique, car protégés par la puissance du feu de l'OTAN, les habitants de cette ville s'étaient assez peu impliqués dans la guerre contre les forces loyalistes d' El Gueddafi. Il en a résulté, lors de l'attribution des portefeuilles au sein du gouvernement provisoire, qu'un seul Benghaziote a été nommé ministre de la Jeunesse et des Sports. Il est classé protocolairement avant- dernier, juste devant celui de la Culture et de la Société civile. C'est à Benghazi que s'élabore la prochaine loi électorale pour trancher le dilemme : des listes nationales provoqueraient des clivages religieux entre salafistes et confréristes notamment. Des listes par circonscriptions entraîneraient inévitablement des divisions tribales. Dans aucune de ces trois villes du pouvoir ne se pose le débat sur une éventuelle réconciliation nationale.
Plus de 25 000 Libyens détenus dans des prisons sans jugement, le pouvoir construit une légitimité sur la base de chasse aux sorcières. Aussi, le principal axe du discours politique est la chasse aux infiltrés (al mutassalikine), ces pro-gueddafistes préparant la contre-révolution. Mais la construction d'un ennemi ne constitue pas un projet de société. Les contradictions sont aussi nombreuses que les erreurs. Les Bani Walid restés loyaux jusqu'au bout vis-à-vis du guide, car ils ont largement bénéficié de ses largesses. Aujourd'hui, pestiférés, ils représentent cependant la population qui dispose d'un haut pourcentage de ressources humaines qualifiées notamment dans le domaine bancaire. La Libye fait face à une crise de liquidités sans précédent.
La Banque centrale manque de billets. Le retrait des billets de 50 dinars a retiré de la circulation plus de 2 milliards de dinars. La résolution de retirer les billets de 20 dinars est vite abandonnée, car seulement un demi-milliard reste en circulation sur les 18 milliards émis du temps d' El Gueddafi. Chaque semaine, la Banque centrale vend 400 millions de dollars pour entretenir des échanges à minima. Un pays riche, mais sans liquidités suffisantes. La décision est prise pour l'émission d'une nouvelle monnaie débarrassée de l'effigie d'El Gueddafi. Des tensions vont apparaître lors des modalités et conditions des échanges des billets, car les succursales de la Banque centrale au nombre de 7 ne peuvent faire face à un afflux massif des conversions, même si les 400 agences bancaires seraient mises à contribution. Comment alors apaiser la colère certaine d'une population armée et dont l'épargne serait menacée ?
Politiquement, le CNT est coincé entre sa gratitude à l'égard de l'Occident et du Qatar et la nécessite de créer une cohésion nationale. Dans son discours célébrant l'an un de la révolution, Mustapha Abdeljalil a traité Abdelhakim Belhadj, de pion du Qatar. Ce dernier, retranché avec 150 hommes armés dans deux hôtels du centre-ville (Al Kabir et Al Mahari), espère encore jouer un rôle, celui du «The Salafist» pour qui l'avenir de la Libye sera en noir et noir. Il a même tenté de débaptiser la place de l'Algérie, à mi-chemin entre ses deux palaces, pour la nommer place du Qatar. Mais un sit-in (muatassimine) de Tripolitains occupant cette place s'y opposent et exigent du CNT de la transparence dans les décisions.
En m'entretenant avec un des leaders de ce sit-in, j'ai compris que de nombreux habitants de la capitale veulent la reconnaissance de leurs propres martyrs. Il me rappelle que le vendredi 18 février 2011, des jeunes, qui sortaient de la mosquée donnant sur cette place, ont été abattus par des snipers, car ils scandaient des slogans contre El Gueddafi. «Ton pays a eu son million de martyrs, nos premiers sont tombés sur cette place d'Algérie qui gardera son nom tant que nous sommes debout. Le comportement du gouvernement algérien ne doit pas être confondu avec l'histoire de son peuple», me dit-il, ce à quoi je réplique en guise de conclusion : «Ton peuple, comme le mien, sera dirigé par des responsables pour qui peu de gens auront vraiment voté.»
A peine plus d'une centaine de mètres plus loin, l'imposante bâtisse qui abritait le redoutable appareil de la sécurité intérieure, dirigée par l'un des fils El Gueddafi, est tout simplement devenue le siège du grand mufti de la nouvelle Libye, le Torquemada de l'ordre moral. Tout un programme.
Correspondance particulière
de Naoufel Brahimi El Mili


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