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«La démarche médiatique est basée sur des pratiques héritées du parti unique»
Achour Saâdi. Universitaire et chercheur en sociologie de la communication
Publié dans El Watan le 10 - 04 - 2012

- Quel regard portez-vous sur cette effervescence électorale que vit le pays ?
Face au caractère intolérable de la situation socio-économique actuelle que vit le monde en général, et l'Algérie en particulier, livrée à l'hégémonie des rapports de forces, nous sommes appelés à promouvoir l'esprit de résistance par un engagement responsable à respecter les règles du jeu politique en Algérie, comme nous devons refuser la résignation. Quant à la manière de s'y prendre pour promouvoir le changement, elle demeure ouverte tant sont puissants les rapports de domination. D'une part, la politique institutionnelle algérienne prétend donner la chance à tous les candidats, au même pied d'égalité. L'administration est tenue d'afficher une neutralité exemplaire, d'assurer tous les moyens matériels, humains et sécuritaires pour le bon déroulement de cette épreuve électorale déterminante pour la crédibilité du pays, à l'interne comme à l'externe. Donc, il lui est interdit de s'immiscer dans les affaires internes des partis et des candidats libres, sous peine d'être sanctionnée. C'est pour cela que le rôle de la justice occupe une place prépondérante dans cette action politique. D'autre part, des engagements sont pris avec les maîtres du monde pour que cette épreuve politique se passe dans la transparence et la sérénité. Mais parier sur la transparence, la liberté, la justice et la possibilité de vivre dans une société solidaire, c'est déjà beaucoup. Car les espaces de fécondité politique sont très restreints en l'absence de projets de société porteurs d'espoirs et de sécurité pour l'avenir des différentes catégories sociales, à commencer par la jeunesse. Rater ce tournant historique, dans ces conditions géostratégiques et géopolitiques particulières, c'est s'atteler inévitablement aux wagons du «printemps arabe» de nos voisins.
- Ne pensez-vous pas que le citoyen est beaucoup plus soucieux de sa vie quotidienne que des luttes partisanes où foisonnent des intérêts étroits et occultes, car les promesses de Gascon, à chaque échéance électorale, n'en a-t-il pas plus qu'assez ?
C'est malheureusement la triste vérité. Une théorie de la société, si profonde soit-elle, n'a pas, par elle-même, une force suffisante pour changer l'Algérie. Mais ce n'est pas une raison pour renoncer à vouloir la changer, et qu'il faut dès lors continuer à dénoncer l'intolérable et l'inacceptable. Malgré tous les efforts déployés pour une communication efficace, l'Etat n'arrive pas à se faire entendre. Mauvaise stratégie de communication ou messages inadaptés aux exigences populaires… Des réponses concrètes, de plus en plus pressantes portées par les mouvements de revendications quotidiens sont attendues des dirigeants politiques, candidats à la représentation populaire. Au carrefour de ces mouvements, se croisent le sentiment de déficit politique, le pessimisme inhérent à la crise socio-économique et les potentialités d'action et d'expression offertes par les outils numériques. Autrement dit, un climat délétère et une puissance communicationnelle qui font surgir des formes inédites de protestation, celle des justiciers du
Net : leur levier, c'est la jeunesse diplômée et désillusionnée.
- D'aucuns estiment que l'hégémonie du capital et de la spéculation financière est de plus en plus présente dans le jeu électoral algérien. Souscrivez-vous à ce constat ?
Au moment où les partis traditionnels sont à la recherche de candidats crédibles aux yeux de la société, on constate que le pouvoir impitoyable des contraintes imposées à travers cette hégémonie des lobbies de la finance gagne du terrain de manière spectaculaire. Bourdieu soulignait déjà «la concentration extraordinaire de toutes les espèces de capital, économique, politique, militaire, scientifique, technologique s'imposait de plus en plus en cette phase sauvage de développement du capitalisme mondialisé». C'est cette tension qui a fait que le décryptage des rapports sociaux de pouvoir demeure difficilement cernable. Car cela inclut aussi une dimension morale qui affirme à la fois cette omniprésence des contraintes et de la domination et l'exigence de s'en libérer. Quant au citoyen, il est bien assiégé par des forces qui le dépassent et une situation politiquement complexe qu'il n'arrive pas à appréhender, ce qui explique en partie les tâtonnements de certains à prendre leur engagement pour se déterminer politiquement : voter «pour», «contre» ou «blanc», c'est un acte d'affirmation du message de citoyenneté. Heureusement que la plupart des appels au boycott proviennent de personnes vivant à l'étranger qui ne partagent aucunement la vie quotidienne des Algériens. Ces appels sont diffusés à travers les réseaux sociaux virtuels, la plupart d'une manière anonyme. De ce fait, ils ne peuvent avoir d'effet sur le réel, puisque la plupart des citoyens algériens sont, politiquement, «hors connexion», fracture numérique et politique
oblige ! Le candidat aux législatives, qu'il soit de tendance nationaliste-républicaine, démocrate, islamiste, «affairiste» ou «khobziste», ancien adhérent à un parti ou candidat libre, propulsé au-devant de la scène pour agrémenter le climat de démocratisation, n'est en fait qu'une interface de convivialité politique entre le peuple et le gouvernement, sachant qu'une interface conviviale est celle qui convient à ses utilisateurs pour ce qu'ils sont en tant qu'individus et pour ce qu'ils ont à en faire dans le milieu politique au sein duquel ils s'emploient.
- D'après vous qui êtes spécialiste en communication, comment peut-on stimuler la participation citoyenne à la fois avant les jours de scrutin, mais aussi (et surtout ?) le reste du temps et à tous les paliers ?
Sur le plan communicationnel, et à une quarantaine de jours de l'échéance électorale, les préparatifs de la campagne s'annoncent plutôt bien mitigés et très timides : à l'annonce tardive des listes définitives des candidats, s'ajoute l'absence de programmes politiques qui tardent à être élaborés, transmis, expliqués, assimilés pour pouvoir les reproduire en messages de campagne. Cela dénote de l'absence de stratégie ou de plans de communication minutieusement élaborés, d'une manière savante et experte. La démarche médiatique ainsi adoptée se base le plus souvent sur des pratiques communicationnelles conventionnelles héritées du parti unique. Les candidats des partis traditionnels semblent attendre tout d'en haut : «ceux qui savent». Mais, ce n'est pas tout ce que «les gens d'en haut» ignorent qui entrave la bonne stratégie de communication politique, c'est tout ce qu'ils savent du terrain sociétal local et qui n'est pas vrai. Personnellement, je ne suis pas pour la liberté de dire ce que l'on veut, mais de dire ce que l'on sait, car plus claire sera notre vision prospective, plus agréable sera notre destin. Du point de vue de la communication politique, un des pièges habituels dans l'interprétation du champ politique algérien est de faire l'amalgame entre l'expression de nos émotions et la perception que nous nous construisons de l'autre (l'adversaire), de ses agissements et de ce qu'on imagine faire ; ignorant qu'en cette période électorale, toute relation humaine est considérée comme un échange, une négociation et donc une transaction plus ou moins consciente. Les candidats aux législatives sont appelés à vanter leur mérite, leur crédibilité, leur honnêteté à tenir leurs promesses, leurs compétence à servir au mieux le citoyen, leur amour du peuple, leur attachement indéfectible à l'unité nationale, leur pouvoir à apporter des changements… autant d'éléments prometteurs affichant l'image du candidat-modèle, serviteur de la société.
- Mais ces personnes engagées dans la bataille électorale, éduquées au message verbal inter-individuel, sont-elles aptes à affronter un public aussi diversifié que le public algérien ?
Le public algérien est un public autant patriotique que rebelle. Il est prêt à se mobiliser autour de bons représentants, porteurs d'espoirs et incarnant sa fierté, comme il est prêt à se révolter contre les candidats-trabendistes porteurs d'images négatives, repoussantes et répugnantes aux yeux de l'opinion publique.
Ces candidats sont-ils aptes à faire usage d'une communication électorale soutenue par des spécialistes et des experts en la matière, avec un plan de communication minutieusement élaboré en usant de style communicationnel persuasif, où le langage oral, visuel, audiovisuel et symbolique serait prédominant dans leurs messages ambiants ? Il s'agit d'établir, dans un premier temps, une étude des caractères spécifiques de la circonscription électorale concernée selon la stratification sociale locale, également une étude permettant d'identifier le profil du candidat ainsi que le contexte et les caractéristiques du programme politique. Sur la base de cette étude préalable, il conviendrait de réaliser «l'identité de campagne». Celle-ci comprend un nom, un slogan, une identité visuelle ainsi que les axes principaux de campagne. Cette identité sera consignée dans un cadre de cohérence qui accompagnera la réalisation des outils de communication. La fonction de la communication électorale portera beaucoup plus sur le changement d'attitude et de comportement des électeurs ciblés, à travers la confection de messages pertinents à caractère persuasifs et le choix judicieux des outils de communication adaptés à la situation spécifique de la société concernée. Ces outils couvrent l'ensemble des techniques de communication destinées à donner une image valorisée, en développant une relation de confiance, d'estime et d'adhésion entre le candidat et ses différents publics. Mais quelle formation politique ou candidat libre a-t-il pensé à l'élaboration d'une stratégie de communication en arrêtant l'ensemble de procédés communicationnels d'une manière raisonnée, visant à conquérir le vote des électeurs pour la future fonction élective publique, qui obéit à un cadre juridique spécifique et complexe ? Dans notre société, appelée «la société de l'information», on peut repérer une double imposition : celle des techniques médiatiques qui enserrent toutes nos activités dans un réseau de plus en plus dense, et celle de l'économie de l'immatériel où la connaissance est avant tout facteur d'efficacité et de performance. Cet imaginaire de la société est considéré comme un réseau d'informations, étayé par une conception transparente du rapport entre le langage et le réel, celui d'une société où l'information prend de plus en plus de place et s'associe étroitement au pouvoir politique. Il s'agit de montrer combien est complexe l'espace dans lequel le débat politique se déploie aujourd'hui et de contribuer à en dévoiler certains aspects méconnus au cours de la campagne électorale. Si la fonction première de l'information est d'augmenter la connaissance ou de réduire l'incertitude du destinataire du message, la combinaison d'un langage, d'une façon de penser, d'un savoir-faire en communication et de moyens d'influence qui servent le désir de réussite du candidat aguerri, doivent amener à envisager des actions précises pour satisfaire les besoins les plus urgents des électeurs les plus exigeants.
- Est-ce à comprendre que l'oralité est l'un des meilleurs procédés communicationnels pour conquérir le vote des électeurs ?
Le pouvoir des mots ne s'exerce que sur ceux qui ont été disposés à les entendre et à les écouter, bref à les croire. Car «parler la même langue» ne veut pas dire «parler le même langage», et la même information n'a pas nécessairement la même signification pour tous les destinataires. En l'absence d'une stratégie de communication institutionnelle affirmée, la lisibilité du paysage politique actuel est quasi nulle pour la plupart des Algériens qui s'apprêtent à voter, sauf pour ceux qui sont politiquement engagés. Il s'agit surtout «d'agiter le peuple avant de s'en servir», comme se plaisait à le rappeler le diplomate Charles-Mauris de Talleyrand. C'est le propre de la fonction des médias dans cette société de l'information qui consiste à ne pas dire aux gens ce qu'ils doivent penser, mais sur quoi ils doivent concentrer leur attention. Plus fondamental encore, on dirait même parfois que c'est tout simplement le débat public au sens large qui ne parvient plus à convier les Algériens autour d'enjeux importants. Si les candidats ont leur part de responsabilités quant à ce désintérêt, il faut admettre que leur rôle est de plus en plus difficile à jouer dans une société où on veut qu'ils soient, tour à tour, divertissants mais sérieux, transparents mais pas alarmistes, expérimentés mais rafraîchissants.


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