Sur la forme, l'annonce de la candidature à un troisième mandat présidentiel a constitué une petite révolution. A tout le moins, l'approche communicationnelle était inédite. En effet, pour la première fois dans l'histoire de la communication présidentielle en Algérie, il y avait l'esprit et la lettre. Le contenu et la forme du message étaient alors synchronisés. Le show à l'américaine qui en a été l'expression festive, jeudi dernier, empruntait beaucoup aux recettes éprouvées du marketing politique moderne. Et, fait nouveau, l'organisation de la manifestation a été confiée à des professionnels de l'événementiel. Loin, donc, de la liturgie propagandiste héritée des années de plomb du parti unique. Le résultat, brillant ce coup-ci, tranchait nettement avec l'archaïsme légendaire de la communication politique en Algérie. Etre en accord ou en désaccord avec le contenu du nouveau message présidentiel et son procédé de transmission, ce n'est finalement pas le fond du problème. Après tout, la question ne serait-elle pas de savoir si cette nouvelle appréhension de la communication présidentielle traduirait ou non une évolution dans les mentalités. Car, dans la communication politique, les croyances, les habitudes et l'état d'esprit déterminent la nature de la communication et sa qualité. Depuis 1962, les dispositions psychologiques ou morales des communicateurs présidentiels ont fixé l'expression itérative, mécanique et rigidement conventionnelle du message présidentiel. Autrement dit, son caractère peu communicatif. Le fond, comme la forme la plus éloquente y étaient rarement. Dans les faits, l'aspect protocolaire de l'activité présidentielle se taillait la part du lion. Le plus souvent, au détriment du contenu des décisions politiques. On a, de ce point de vue, souvent confondu l'acte et le simple support. Communiquer et communiqué. Dire et publier. La simple annonce avec l'explication pédagogique et la production de sens. Pourtant, dans le verbe communiquer, il y a divulguer, transmettre, expliquer, livrer, échanger, confier. En somme, s'ouvrir, gagner, convaincre, et, finalement, vaincre. Convaincre une opinion et vaincre d'éventuels adversaires politiques. Ces verbes, traduisant une expression politique active, sont, à ce jour, particulièrement absents du lexique de communication présidentielle. Comme, en général, de la communication des partis politiques. De 1962 à nos jours, la communication présidentielle est restée figée dans un schéma sacralisé telles les tables de la révélation coranique. Outre les sempiternels communiqués du Conseil des ministres, ânonnés à la télévision par des voix monocordes, le téléspectateur a toujours eu droit à de brefs et laconiques communiqués. Ces textes annoncent, le plus souvent, des activités où l'aspect purement protocolaire est mis en exergue aux entiers dépens du contenu. Il est bien évident que la communication au sujet du fond aurait été plus valorisante pour le communicant et plus intéressante pour le public. L'affirmer, c'est sûrement exprimer une lapalissade à l'ère du multimédia, du village médiatique global, de l'Internet et de l'extraordinaire liberté qu'offre le zapping au citoyen-électeur. Avoir choisi de communiquer moderne, à l'occasion de l'annonce de la candidature du président Abdelaziz Bouteflika pour une nouvelle mandature, signifierait-il que la présidence de la République aurait pour autant décidé d'abandonner les schémas de communication éculés ? De quitter, enfin, les sentiers battus de la non-communication ? Hormis les intéressés, personne ne le sait vraiment. Mais, d'avoir opté, ne serait-ce qu'un jour de kermesse électorale, pour une communication politique dans l'air du temps, le président Abdelaziz Bouteflika semble indiquer qu'il ne répugnerait pas à recourir à des «spin doctors.» Il s'agirait, à ce propos, du début de l'esquisse de commencement d'une communication présidentielle moderne et d'un marketing politique de son temps. N. K.