Les nouvelles données démographiques rendues publiques par l'ONS, il y a près de deux semaines, ont de quoi susciter l'intérêt avec un volume de naissances vivantes, jamais atteint auparavant, dépassant la barre des 900 000. Au 1er janvier 2012, la population résidente totale de l'Algérie a franchi le seuil des 37 millions d'habitants (37,1). Les Algériens sont donc de plus en plus nombreux. Mais pas seulement. Ils sont également plus nombreux à se marier. Fait marquant : le nombre d'unions a augmenté de 7% l'an dernier. 2011 a été le printemps des mariages en Algérie. Pourquoi une augmentation aussi spectaculaire, particulièrement cette année ? Première explication : il s'agirait d'une conséquence directe du pic de natalité qu'a connu l'Algérie dans les années 70- 80. Cette génération de baby-boomers étant arrivée en âge de procréer. Mais cette explication a ses limites, parce qu'elle aurait été valable également en 2010 qui n'a pourtant connu qu'une légère hausse du nombre d'unions. Pourquoi donc un tel engouement pour le mariage, seulement en 2011 ? Le Printemps arabe, événement phare de l'année, y est-il pour quelque chose ? A priori, oui puisque le mariage en Algérie est surtout une affaire de moyens. Et 2011 a été une saison lucrative pour les Algériens, même si la crise du logement persistait, le chômage continuait à être endémique et les conditions de vie des Algériens n'ont jamais autant été décriées qu'en cette année. Les bienfaits de la contestation C'est justement cette contestation sociale, ayant secoué l'Algérie l'an dernier, en s'inspirant des semences du Printemps arabe (émeutes, immolations, actions de rue), qui peut constituer une seconde explication à cet enthousiasme des Algériens pour le mariage. L'embellie socio-économique qu'il a favorisée n'aura donc pas servi qu'à acheter de nouvelles voitures (une progression du marché automobile de près de 40% environ constatée en 2011). Encouragés par la vague de révoltes arabes, les protestataires et émeutiers de 2011 sont allés loin dans leur bras de fer avec le pouvoir exécutif. Il semble qu'ils ont eu bien raison. Les pressions du Printemps arabe ont justement poussé le gouvernement à payer onéreusement la paix sociale dont il avait besoin pour se maintenir en place. Augmentations de salaire avec effet rétroactif, distributions de logements sociaux restés jusque-là non attribués, octroi massif de crédits et d'aides aux jeunes, autant de facteurs-clés qui permettent de sortir du célibat pour envisager une longue vie à deux. Les Algériens semblent en avoir profité, d'autant que leur espérance de vie ne cesse d'augmenter, elle aussi, passant de 76,3 à 76,4 ans en une année. Ils ont été plus nombreux en 2011 à passer le cap, encouragés certainement par l'embellie socioéconomique, aussi petite soit-elle, qui a été enclenchée suite aux émeutes du début de l'année en question. Mais le printemps n'a pas réglé tous leurs problèmes, les données démographiques algériennes ne manquent pas de paradoxes. Le dernier bilan de l'ONS indique, par ailleurs, que le célibat continue tout de même à avoir la peau dure. L'engouement prononcé pour le mariage en 2011 n'a pas pour autant malmené le goût prononcé qu'ont les Algériens pour le célibat. L'âge moyen au premier mariage de la population algérienne continue à être l'un des plus élevé au monde : estimé à 33 ans pour les hommes et 29 ans pour les femmes. Même si le nombre de mariages augmente sensiblement, le célibat continue paradoxalement à «contraindre» une très large partie des 25 à 40 ans. L'évolution observée, entre 1998 et 2008, montre que la proportion du célibat a tendance à augmenter dans tous les groupes d'âge, notamment entre 25 et 40 ans. Le printemps 2012, qui s'achève à peine, n'a certainement pas modifié cette donne.
