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Youcef Benbessi, 1er alpiniste d'Algérie sur le Mont-Blanc : «Avec des pâtes et de l'huile d'olive de Bouira»
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Publié dans El Watan le 08 - 09 - 2012

Un peu de fraîcheur. 4810 m d'altitude, moins trente degrés au thermomètre. C'est le sommet du Mont-Blanc, le plus haut d'Europe occidentale, où depuis le 18 juillet à 10h du matin un drapeau algérien est passé par là. En plein été. Récit comme si vous y étiez.
Alger, le 10 juillet, aéroport Houari Boumediène. Altitude zéro, il fait très chaud et c'est en manches courtes que Youcef Benbessi, sac au dos, attend son vol pour Marseille, afin de retrouver son compagnon avec qui il va partir à l'assaut de l'immense chaîne alpine et son point culminant, le Mont-Blanc, 4810 m d'altitude. Encadreur à la Fédération algérienne de ski et des sports de montagne, avec en poche le brevet d'initiateur d'escalade en terrain d'aventure, Youcef est prêt. Ou presque. Jusque-là, il a joué «en nationale», si l'on peut dire. A 31 ans, il a gravi les monts de l'Atakor du Hoggar, notamment le Tahat, plus haut sommet d'Algérie avec ses 3000 m, le Lalla Khadidja, troisième sommet du pays, dont l'ascension se fait par une piste relativement facile, mais surtout escaladé à coups de piolet les falaises abruptes du Taletat (Main du juif), de l'Akouker, Gougen, gravi le djebel Babor et les parois verticales de Kherrata. Amateur de sports de montage, d'escalade et de découverte, chaque week-end, il est quelque part, en montagne, dans le désert, au bord de mer, à l'Est, l'Ouest, à la recherche d'endroits sauvages du pays.
Chamonix, 1035 m
Marseille puis Chamonix en voiture. Dès leur arrivée le 12 juillet, Youcef a appris la mort, le matin même, de 9 alpinistes européens emporté par une avalanche. Sur place, tout a été fait très vite, à l'algérienne. A Chamonix, dénommée capitale mondiale de l'alpinisme, les deux compères font quelques escalades dans les environs pour s'entraîner et s'acclimater à l'altitude.
«Normalement, précise Youcef, il faut 7 jours pour faire le Mont-Blanc, entre l'acclimatation à l'altitude et le parcours.» De plus, c'est l'Europe, tout est organisé. 1000 euros l'escalade du Mont Blanc, avec un guide. «On n'en n'a pas besoin, on a décidé d'y monter en autonomie totale», rassure Youcef, qui ne veut pas se poser trop de questions. Pourtant, la première se pose, et elle est d'importance. Il y a 2 façons d'escalader le Mont-Blanc, par l'Italie ou la France. «Par la France, c'est un peu moins dur et on a décidé d'en décider à la dernière minute, en fonction de la météo», explique encore Youcef. Deuxième question, par quelle voie, étant donné qu'il y en a plusieurs, dont les plus connues sont l'Arête des bosses (la voie normale), celle du dôme du Miage et celle des Monts maudits ? Le mardi 17, ils décident de prendre le versant français. Mais là où sont morts les 9 alpinistes ? «Sur le Mont maudit. La météo est annoncée très instable, on décide donc de prendre la voie normale.»
Mont Lachat, 2074 m
Chamonix, puis Saint Gervais, où un tramway vous emmène au Mont Lachat pour démarrer l'escalade proprement dite, au Nid d'aigle, à 2000 m d'altitude. Le départ est lancé, «pas de retour en arrière», raconte Youcef. La marche commence, «4 heures pour arriver au camp de base 1. Sur la route, des alpinistes sont de retour à cause de la mauvaise météo, l'ascension jusqu'au Mont-Blanc est impossible». Mauvaise nouvelle, pour celui qui est venu d'Alger. Après une nuit sous la tente à Tête rousse
(3167 m), départ à 3h du matin à cause de cette mauvaise météo et ces vents violents, qui auraient repoussé l'escalade à plusieurs jours plus tard.
«On n'a pas le temps», assure Youcef dans les nuages, au sens propre du terme. Après l'escalade relativement facile d'une arête rocheuse de 600 m de dénivelé, «nous sommes passés au-dessus des nuages, par le dangereux couloir du Goûter où les chutes de pierres et les accidents sont fréquents». 5 heures pour arriver au Camp de base 2, le refuge du Goûter, 3836 m d'altitude. Pas de place, «ici, il faut réserver trois mois à l'avance, sur internet. Mais on savait que l'on n'y aurait pas accès et on avait décidé de faire l'ascension d'une traite, à cause de la météo annoncée mauvaise sur 5 jours». Problème, l'acclimatation à cause de l'altitude, qui doit se faire en 4 jours. «La règle au-dessus des 3000 m est claire, il faut passer une nuit à chaque palier de 600 à 700 m.» Pas de répit. Les crampons, cagoule, anorak et lunettes de ski et le matériel technique sont sortis et l'escalade redémarre. «On est dans le glacier, il n'y a que de la neige.»
4000 m
L'autre barrière des 4000 est en vue, celle où 50% de ses capacités disparaissent dans la pression et la faible teneur en oxygène. «On est à moitié diminué, l'avancée devient pénible et c'est là que généralement les alpinistes abandonnent.» Mais ils sont deux, ce qui fait un. Leur sac est le plus léger possible, dans celui de Youcef, une bouteille d'eau (1 litre et demi), des gants, des lunettes, un bonnet de secours, un pull polaire en plus, un drapeau algérien, une veste de l'équipe algérienne, un appareil photo, une boîte de thon et un bout de pain. Une petite trousse de secours, fruits secs, abricots, 2 téléphones portables, «même s'il n'y avait pas de réseau», matériel d'escalade, piolets, cordes et autres. Le chemin est sinueux, fracturé et épuisant. «On a encore rencontré une équipe qui n'a pas réussi à monter et s'est arrêtée avant.» L'ennemi, le vent qui déséquilibre quand on est sur une arête, ce qui empêche d'avancer et, bien sûr, le manque d'oxygène. Le moral en prend un coup, «s'ils n'ont pas réussi, peut-on réussir ?» Il reste 1000 m, les plus difficiles, neige et cramponnage, 2 heures plus tard, juste avant le refuge de secours Vallot fermé, les deux amis sont à bout de souffle et de force.
4362 m
Il est 7h30, «on a marché toute la nuit. Deux Anglais qui ont réussi à passer redescendent du Mont-Blanc et nous remontent le moral.» C'est une question de chance, «le vent peut se calmer quelques minutes, ce qui permet de passer, ou souffler, ce qui empêche d'avancer et oblige à revenir, étant donné qu'on ne peut pas s'arrêter pour attendre, le vent est tellement froid que si l'on s'arrête 10 minutes, on commence à geler. On ne peut même pas se mettre debout, obligés de se courber pour se protéger du vent.» Au sommet du Mont-Blanc, la vitesse du vent peut atteindre150 km/h et la température -40° C. Mais surtout les conditions météorologiques peuvent changer très rapidement (neige, brouillard) et le vent renforce l'effet de froid (effet de wind chill), la température apparente chutant de10°C à chaque palier de 15 km/h de la vitesse du vent. «Il fait -15° au soleil, à cause du vent, mais optimistes de nouveau, on continue.» Petite pause de 20 minutes, le temps de manger et de se reposer un peu. Il reste 500 m de dômes, de bosses et d'arêtes, «les plus durs, les meilleurs alpinistes mettent 3 heures pour les faire».
Mauvaise nouvelle, «4 jours avant nous, 2 alpinistes y ont été retrouvés morts de froid. On décide de continuer et là où on doit s'arrêter, on s'arrête. On escalade encore. C'est le piège de la montagne, le sommet a l'air pas loin, juste devant, calme et paisible, mais il y a 3 heures d'escalade harassante, avec des vents risquant à chaque moment de nous envoyer dans les immenses précipices. La marche est pénible, la respiration aussi. ‘'Chahna'', pas de retour. Il faut avancer. Si j'avais écouté tout le monde, je ne serais jamais arrivé jusque-là. Il faut essayer, qui ne tente rien, n'a rien. Un vent d'Ouest glacé nous déséquilibre dans les arêtes, qu'il faut passer avec beaucoup de prudence. Encordés, attachés, nous pensons au retour, si le vent augmente encore un peu, il sera impossible de redescendre. Nous n'avons plus d'eau à boire. A cette altitude, chaque kilo compte double, et même nos sacs, pourtant légers, deviennent lourds. Mais je voyais le sommet se rapprocher et j'étais tellement ému que je ne sentais plus la fatigue. Le temps change rapidement, un bout de ciel bleu puis tout devient gris, le soleil apparaît furtivement puis disparaît».
4810 m
Quelques derniers mètres et c'est le sommet. «Le toit de l'Europe, tout un continent qui s'offre sous nos pieds. A cause du vent, nous ne pouvons même pas nous asseoir. Debout, nous admirons notre parcours.» La neige est profonde, Il y a quelques années, le Mont-Blanc faisait 4810 m, combien fait-il aujourd'hui, à cause d'une moins épaisse couche de neige qui serait peut-être lié au réchauffement climatique. Le sommet rocheux est à 4792 m et la neige (entre 15 et 20 m d'épaisseur) fait le reste. «Je sors mon drapeau algérien et je le plante, mais je sais qu'il ne va pas tenir. Je me prends en photo avec et le range dans le sac, le vent est trop violent. Il fait -30, mais le vent s'est un peu calmé. J'enlève mon anorak et sort du sac la veste de l'équipe nationale algérienne. Je la mets, mon ami me regarde comme si j'étais devenu fou. Je me reprends en photo. Il faut vite partir, il fait trop froid et le vent est insupportable. Nous sommes restés 10 minutes, il fallait redescendre. Vite.»
La descente
8 heures de descente difficile, fatigue, pas d'eau, plus rien à manger, pour arriver au Mont Lachat, en passant sans s'arrêter par les camps de base. «On aura marché 15 heures entre l'aller et le retour, sans se reposer». En bas, le tramway les ramène à Saint Gervais, puis en voiture à Chamonix, au camping. Il est 22h. «Des pâtes rapides avec juste de l'huile d'olive de Bouira et dodo, jusqu'à midi le lendemain.» Journée de repos où ils réalisent ce qu'ils ont fait. «Un gros truc». Ils racontent leur exploit aux alpinistes du camping, «qui se demandent si c'est une bonne idée de gravir le Mont-Blanc». Youcef Benbessi, agent immobilier à Alger-Centre, président de la section des sports de montagne, Les Cimes, du club Mawahib de Sidi M'hamed (MSM), beaucoup d'humour, sportif et habitué du café Hnibech du Sacré Cœur, ne se demande pas pourquoi. «Il fallait que je le fasse.» Si l'on excepte Bouadjar Ned, premier vainqueur algérien du Mont-Blanc, mais vivant en France, Youcef est le premier alpiniste d'Algérie à conquérir le toit de l'Europe.
C'est une victoire indiscutable, d'autant que l'Algérie compte très peu d'alpinistes professionnels. «Il me manque quelques courses en montagne pour valider mon stage», explique Youcef, et «devenir enfin initiateur en alpiniste». Retour à Alger, le Ramadhan a commencé. En 12 jours, Youcef est passé de -30 à + 40°, un écart de 70°. Prochain projet, le Kilimandjaro, et son rêve, l'Himalaya. Youcef, toujours plus haut.


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