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Lettre ouverte à Michel Onfray
La chronique de Maurice Tarik Maschino
Publié dans El Watan le 26 - 09 - 2012


Cher Michel,
L'amitié rend-elle aveugle ? Dès notre première rencontre, il y a longtemps, tu m'as séduit par ta simplicité, ta générosité – tous ces livres, les tiens, que tu m'as offerts à la fin de cet entretien, alors que la plupart des auteurs sont très radins - ta maison, quelques années plus tard, que tu as mise à notre disposition, lors d'un reportage dans ta région – ta révolte libertaire, évidemment, contre tous les faux dieux que cette société vénère. Oui, j'aimais le rebelle que tu étais. Ou que j'imaginais.
Est-ce le succès qui l'a tué ? Ou bien n'étais-tu qu'un demi-rebelle, un demi-libertaire, chez qui des pans entiers de la pensée restaient gelés dans le conformisme le plus épais ?
Déjà, dans tes Fragments d'Egypte, publiés en 1998(1), cette dualité sautait aux yeux : célébrant «la sublime hospitalité africaine» de ces gens simples qui t'invitaient à une fête, se levaient «pour te proposer un banc», t'offraient «un verre de thé brûlant» et te rendaient «honteux d'être venu d'un pays où la haine de l'hospitalité vaut aujourd'hui vertu», tu te demandais s'il fallait porter leur comportement au crédit de l'islam «qui invite à pratiquer le don», tu répondais que c'était «possible, probable», ce qui te «ravissait» – après quoi, tout ravissement disparu, tu dénonçais «la face noire, sombre et tragique» de l'islam.
C'est à cette «face noire», finalement, que depuis tu as réduit l'islam. Rejoignant par là un Houellebecq pour qui «l'islam est la religion la plus con» et t'alignant, en fait de rébellion, sur l'opinion commune d'un grand nombre d'Européens.
Je ne défends pas l'islam, pas davantage le christianisme, je sais très bien, comme toi, à quel point une religion peut être aliénante et mortifère, mais il me semble très réducteur de faire de toute religion un obstacle absolu à tout essor de la pensée. Il y a ce qu'elle dit et il y la société dans laquelle elle le dit et qui, loin de la noircir davantage, peut la décolorer, la banaliser, la rendre pour l'essentiel inoffensive et en désamorcer les énoncés les plus scandaleux. Il y a ce qu'elle prescrit et s'il y a des hommes, des femmes qui entendent ses prescriptions ; il y en a d'autres qui ne les entendent qu'à demi ou pas du tout. En négligeant le contexte historique dans lequel une religion s'inscrit et qui la colore, en ne tenant aucun compte de la liberté de chacun de l'interpréter ou de l'ignorer, tu fais de toute religion, et en particulier de l'islam, une sorte d'éradicateur absolu de la pensée, d'obstacle majeur à toute réflexion, un monstre qui condamne les hommes à la bêtise la plus crasse.
Je ne sais pas comment l'islam a été vécu par les hommes des VIIe/XIIIe siècles, à l'époque de l'âge d'or de la civilisation arabe, mais j'ai le plus grand mal à penser qu'il a pu rendre idiots l'un des précurseurs de Montesquieu, le sociologue Ibn Khaldoun, ou le géographe El Idrissi, ou Ibn Rushd (Averroès) qui invitait au plein exercice de la raison, sans parler d'Omar Khayyam qui découvrit comment résoudre des équations du 3e degré, comme j'ai le plus grand mal à imaginer que les 100 bibliothèques de Baghdad, en l'an 900, ou celle du Caire, qui détenait plus de 160 000 ouvrages, restaient désertes et que les Irakiens et les Egyptiens de l'époque ne consacraient leur vie qu'à réciter des versets du Coran.
Peut-être en conviendras-tu. Mais si, «depuis des siècles de culture musulmane, on ne pointe aucune invention, aucune recherche (…) sur le terrain de la science laïque», est-ce l'islam qui en est responsable ? Ta position est stupéfiante pour un intellectuel, de surcroît philosophe : tu fais de la religion l'élément principal d'une société, un facteur premier, décisif, oubliant qu'elle participe d'une configuration politique, économique, sociale qui décide de son impact ou de son absence d'impact sur la collectivité. Loin de voir la Lune que montre le doigt, tu ne vois que le doigt, qui devient aussi gros que la Lune.
C'est encore plus frappant quand tu évoques, comme tu l'as fait cet été dans le quotidien algérien El Watan, les manifestations du 8 Mai 1945 et la répression de Sétif et Guelma, écrasées dans le sang. Le mien n'a fait qu'un tour quand j'ai lu tes propos que les plus obtus des pieds-noirs auraient applaudis et qui ont dû ravir une Marine Le Pen : «Les militants de l'indépendance nationale ont souhaité tout s'interdire qui soit du côté de la paix (…), de la diplomatie, de l'intelligence, de la raison (…). Ce sont les Algériens qui ont choisi la voie de la violence et sont à l'origine du plus grand nombre de morts du côté algérien.»
Comment oses-tu dire une pareille insanité ? Comment peux-tu reprendre à ton compte les clichés les plus éculés des Européens les plus stupides, pour qui «les Arabes (les musulmans) sont incapables de raisonner» et ne comprennent que la force ? Comment peux-tu faire preuve, enfin, d'une pareille ignorance de l'histoire ? N'as-tu donc rien lu sur le colonialisme, à commencer par les écrits des généraux de la conquête qui se vantaient des massacres d'«indigènes» asphyxiés dans des grottes, ancêtres des fours crématoires, dont toutes les ouvertures avaient été bouchées ? Ne sais-tu donc pas que, pendant des décennies, des responsables algériens, tel Ferhat Abbas, ont exigé que leurs compatriotes, «sujets français», aient les mêmes droits, politiques et sociaux, que les «vrais» Français ?
La violence ? Mais elle a commencé dès 1830 ! Dès que les envahisseurs français ont foulé le sol algérien et, sous de multiples formes – politiques, économiques, culturelles : l'interdiction de parler arabe dans les écoles, par exemple – elle s'est manifestée pendant toute l'occupation. Pendant 132 ans.
J'ai presque honte de rappeler pareilles évidences. A toi qui as fait preuve, dans tes premiers ouvrages, d'une pensée vivante, joyeuse, rafraîchissante, d'une pensée rebelle. J'ai le sentiment qu'aujourd'hui le rebelle s'est soumis, qu'il est fatigué de penser et qu'il se repose sur les préjugés de ceux qui se contentent d'ânonner les versets de la doxa colonialiste. Cela me choque violemment, mais je me garderai bien de prendre quelques inepties pour le tout de ta pensée, un moment de faiblesse intellectuelle pour l'ensemble de ta réflexion, et c'est pourquoi je reste, même attristé et parfois très en colère, ton ami.
-1) A côté du désir d'éternité, Mollat éditeur et Le livre de poche, n°4399.
-2) Le Monde, 18 septembre 2012.
n Maurice Tarik Maschino tiendra aujourd'hui, de 14h à 16h, une conférence-débat autour de son ouvrage Le Refus au SILA, à la salle A du pavillon central (Safex). Le livre traite de son refus de répondre à son incorporation dans les troupes françaises lors de la guerre d'Algérie.


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