Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdelaziz, 55 ans, a été admis hier à l'hôpital de Percy, à Clamart, près de Paris, après avoir été blessé par balle samedi soir par une patrouille militaire dans la banlieue de Nouakchott. Il doit y subir des «soins complémentaires» après avoir été opéré dans la capitale mauritanienne. Plus tôt, le gouvernement mauritanien a expliqué que le Président avait été «légèrement» blessé par balle par un «tir par erreur de l'armée» sur son cortège, alors qu'il revenait d'une excursion dans le nord du pays. «L'unité militaire ne savait pas qu'il s'agissait du cortège du Président», a encore soutenu le ministre de la Communication, Hamdi Ould Mahjoub. Pour rassurer sur son état de santé, le président Ould Abdelaziz a tenu à faire une déclaration à la télévision depuis son lit d'hôpital. «Je veux (...) tranquilliser tous les citoyens mauritaniens. Je les rassure que l'opération que j'ai subie hier soir (samedi) a été un succès grâce à l'efficacité de l'équipe médicale qui l'a menée», a-t-il affirmé. «Je veux les rassurer sur ma santé après cet incident commis par erreur par une unité de l'armée sur une piste non goudronnée dans les environs de la localité de Tweila (40 km de Nouakchott)», a ajouté M. Abdelaziz, écartant ainsi la thèse de la tentative d'assassinat. La version officielle battue en brèche Contrairement à la version défendue officiellement, un responsable sécuritaire a confié à la presse sous le couvert de l'anonymat que le tir était destiné à Ould Abdelaziz. Le Président a été «légèrement touché au bras par une balle, tirée par un automobiliste qui l'a directement visé alors qu'il se trouvait au volant de sa voiture» vers Tweila, a expliqué cette source qui semble au premier chef privilégier la thèse du complot. Il n'a cependant donné aucune indication sur l'auteur du tir et sur ses motivations. Mais selon lui, M. Ould Abdelaziz revenait du Nord, «où il se rend pratiquement tous les week-ends» en excursion. En clair, le tireur savait que le convoi présidentiel serait de passage ce jour-là (samedi, ndlr). Qui peut bien vouloir la peau du président mauritanien ? Il faut reconnaître que ce ne sont pas les ennemis qui manquent dans son cas. La Mauritanie ayant une histoire jalonnée de coups d'Etat militaires, il est tout à fait du domaine du possible que son agresseur présumé ait exécuté un «contrat» passé avec un ou plusieurs acteurs de l'opposition, pressés d'assister à l'effondrement du système Ould Abdelaziz. L'ancien général est, rappelons-le, lui aussi arrivé au pouvoir par un coup d'Etat en 2008. Et nombreux ceux qui, au sein de la classe politique et de la société civile, n'ont pas été ravis de le voir s'emparer du pouvoir. Des ennemis à gogo Mais le «coup» peut provenir également de l'extérieur. Elu président en 2009, il a fait du combat «antiterroriste» son cheval de bataille. Il a d'ailleurs justifié son coup d'Etat par la mollesse (ou la complaisance) de son prédécesseur à l'égard des groupes djihadistes mauritaniens et sahéliens. En guise de représailles, AQMI – qui l'accuse de mener pour la France une «guerre par procuration» contre ses combattants – avait clairement menacé de le tuer. Il est vrai que depuis son arrivée au pouvoir, l'armée mauritanienne a, selon plusieurs sources, réussi à déjouer plusieurs tentatives d'attentat. Nouakchott a, en outre, mené en 2010 et 2011 des opérations militaires contre des terroristes armés dans le nord du Mali, région tombée il y a sept mois aux mains d'AQMI et du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'ouest (Mujao). Une opération militaire ouest-africaine soutenue par l'ONU et l'UA est d'ailleurs envisagée pour «reconquérir» le nord du Mali. Bien qu'étant un éradicateur convaincu, le président Abdelaziz a néanmoins dit que la Mauritanie n'y participerait pas. A ce propos, l'idée qu'on a voulu justement lui faire payer une de ses positions n'est pas à écarter. Maintenant, hormis AQMI et le Mujao, qui d'autre peut avoir quelques intérêts à liquider physiquement Ould Abdelaziz sachant pertinemment que, dans le contexte régional actuel, un tel acte aurait pour effet immédiat d'accentuer la crise politique en Mauritanie et, certainement aussi, de déstabiliser toute la région ? Objectivement, il peut s'agir de n'importe qui sauf d'un acteur régional. Un tel «coup tordu» ne peut provenir que de quelqu'un qui a la certitude d'être à l'abri du chaos sahélien.