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Histoire d'une appropriation : en trompette !
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Publié dans El Watan le 17 - 11 - 2012

Lorsque l'on parle de musique en Algérie, on évoque rarement les instruments, leurs usages, leurs rôles et leur évolution, comme s'il s'agissait d'une question indigne d'intérêt.
Ainsi, si l'on s'intéresse à la trompette, comme nous le faisons ici, on peut déjà se demander pourquoi «l'algérianisation» de cet instrument, reconnue aujourd'hui comme emblématique de la musique raï, a-t-elle été si tardive comparativement à celle du violon, de la guitare, de la batterie, du piano et de l'accordéon ? On remarquera que tous ces instruments, étrangers à notre patrimoine musical, ont fait l'objet d'une appropriation plus ou moins importante dans des genres musicaux nationaux, telle que la musique arabo-andalouse, pour ce qui a trait du violon, ou tel que le chaâbi, pour ce qui a trait encore du violon, mais également du piano. Qui ne se souvient pas, par exemple, du distingué et regretté Mustapha Skandrani (Alger, 1920-2005) qui officiait sur un piano à queue auprès des grands maîtres avec une aisance qui faisait croire que cet instrument était né en Algérie ?
Mais la trompette, durant près de 132 ans de colonisation, n'a jamais réussi à pénétrer dans l'univers des musiques traditionnelles ou post-traditionnelles et ses sonorités cuivrées sont demeurées longtemps étrangères à la musique algérienne. Ce constat est fondé sur ce que nous connaissons de l'histoire de cet instrument en Oranie, région du pays où la trompette a beaucoup plus fleuri qu'ailleurs.
C'est la colonisation qui a rapporté en Algérie les cuivres dans les bagages de sa soldatesque.
Le clairon, instrument traditionnel de la musique militaire française, sonnait la charge alors que la trompette se proposait de donner de l'élégance à la troupe en parade. On peut noter qu'à la différence de l'armée d'invasion, les troupes de l'Emir Abdelkader hissaient l'emblème national – alors vert et blanc – au son de la ghaïta, et ce, de la même façon que les Ottomans, comme l'a relevé le musicologue Boumédienne Lechlech. Ainsi, dès le départ, l'un et l'autre instruments, ghaïta et trompette, vont devenir, chacun symboliquement, l'apanage des deux identités en conflit sur le sol algérien. Cela était si fort que, même au sein de l'armée française, contrairement aux soldats des régiments constitués d'Européens, les tirailleurs algériens défilaient au son de la ghaïta ou du
mezoued. Idem sur les gradins des stades où, côté algérien, les supporters jouaient de la ghaïta tandis que les Européens donnaient de la trompette.
Les SMA (scouts musulmans algériens) également, avec la ghaïta, se démarquaient musicalement des scouts français qui eux usaient de la trompette. Il est intéressant de signaler que le quart de ton dont dispose la ghaïta faisait qu'elle collait parfaitement aux anachid (chants patriotiques) que l'on chantait, cela contrairement aux cuivres auxquels cette nuance musicale manquait
Au Moyen-Orient, tout comme en Algérie, ces instruments ont été introduits au XIXe siècle par les Français. Mais, contrairement à ce qui s'est passé dans notre pays, ils ont été facilement adoptés dans cette contrée, comme d'ailleurs d'autres arts européens et le théâtre notamment.
Au pays du Cham (Syrie et Liban), des fanfares naissent en particulier dans les villages chrétiens. En Egypte, c'est le Khédive Ismail en personne qui encouragea la création de fanfares. En Algérie, la trompette ne perdit véritablement l'attribut martial et colonial qui lui était attaché dans l'esprit des Algériens qu'avec le débarquement américain de 1942 dont les troupes firent découvrir aux Algériens d'autres usages de la trompette. Le jazz et les entraînants airs latino-américains rendirent les trompettes proches des mélomanes comme des musiciens autochtones. Les lyres municipales, de plus en plus nombreuses, popularisaient leurs sonorités.
C'est Djelloul Bendaoud qui fut le premier algérien à étrenner la trompette. Il l'avait introduite dans son orchestre créé en 1956 sur le modèle des formations américaines. Né en 1928 au quartier Saint-Antoine d'Oran, il est l'un des très rares algériens à cette époque auquel les portes du Conservatoire ne furent pas fermées. C'est qu'il était le petit-fils du colonel Bendaoud, célèbre pour avoir laissé l'adage, devenu proverbe, «Arbi, Arbi wa laou houwa el colonel Bendaoud» (Un Arabe est un Arabe, fut-il le colonel Bendaoud). Officier dans l'armée française, il aurait lancé cette expression de désabusement après avoir subi une grave humiliation, se voyant, raconte-t-on, interdire l'accès à une réception au mess des officiers.
C'est dire qu'il n'était pas donné à quiconque de pouvoir apprendre de façon académique à jouer de la trompette et, sans son aïeul, Djelloul Bendaoud n'aurait peut-être jamais touché cet instrument. D'où, également, le retard dans l'adoption de cet instrument en milieu algérien. Messaoud Bellemou, le père du raï moderne, se rappelle que les Algériens n'avaient droit, dans les lyres municipales, qu'aux instruments considérés moins nobles : le clairon, la grosse caisse et les cymbales. Par ailleurs, ils n'avaient pas accès à l'apprentissage du solfège, au prétexte que celui-ci ne pouvait être dispensé qu'à ceux qui avaient fait des études. C'était donc à l'oreille que l'Algérien apprenait à jouer d'un instrument. Ainsi, à Témouchent, seul le saxophoniste Bihi Brahim avait été admis au cours de solfège qui se donnait au sein de la lyre municipale locale. Il faut savoir que, pour l'apprentissage de la trompette, le clairon est un passage obligé.
Tout simplement parce que la trompette est à la base un clairon qui a la particularité d'avoir trois pistons, ces derniers lui permettant de jouer toutes les notes. Par contre, le clairon, dépourvu de ces pistons, ne peut produire que cinq notes. Par ailleurs, sur ces deux instruments, les notes ne sont pas produites par le souffle lui-même, mais par la vibration des lèvres, celles-ci constituant l'équivalent des cordes vocales chez le chanteur. A l'indépendance, des lyres constituées d'Algériens vont fêter l'indépendance à travers presque tout le pays. Ce sera la première appropriation en masse de la trompette en Algérie. Les retraites au flambeau à la mémoire des martyrs devinrent leur spécialité. De ce point de vue, on peut affirmer qu'avec le cinquantenaire de l'indépendance nationale, la trompette fête cinquante ans d'âge aux couleurs vert, blanc et rouge.
A Témouchent, la lyre avait pour chef Kaddour Abid, ghaïtiste à l'origine. C'est lui qui, appréciant les aptitudes de Bellemou, lui dénicha une trompette qui traînait quelque part dans le dépôt de la clique dont il détenait les clés. C'était en 1964. Quelques éléments de la fanfare avaient déjà une trompette dont Tico, un fameux instrumentiste. C'est Henri Coutant, père du chahid Jean Coutant, qui fait profiter Messaoud de sa technique.
L'élève ne se contente pas seulement de la fanfare. Il va animer les tribunes du stade et accompagner le CRT, le club fanion, dans ses déplacements à travers le pays. Sur tous les gradins du pays, il fera concurrence à la ghaïta en entonnant tous les airs ibériques, latino-américains, (mamba, boléro, rumba, tcha-tcha-tcha…) mais aussi les valses et les musiques de film. Progressivement, il reprend des airs de musique moderne algérienne que sa trompette pouvait jouer. Puis, à son tour, en 1966, il initie Boumediene Mouffok, un cadet de la clique qu'il remarque pour ses dons. Mouffok se fera connaître sous le surnom de Mimi. Avec lui, Bellemou crée le premier groupe tbal animant les cortèges nuptiaux mais, cette fois, au son de la trompette et non plus de la ghaïta. Il garde le tbal et ajoute à ses côtés le karkabou. La percussion est ainsi plus riche que chez les groupes tbal avec ghaïta. Mimi et Bellemou se relaient sur la seule trompette qu'ils possédaient.
A cette époque, la modernisation du raï avait commencé. On est en 1966. Seghir Boutaïba, prenant exemple sur le wahrani, remplace la gasba par le violon. Il inclut ensuite la tumba et le bongo pour enfin ajouter l'accordéon. A Oran, Belkacem Bouteldja perce grâce à l'éditeur Kadi Missoum qui le fait accompagner sur disque par un orchestre moderne. On dit que les arrangeurs sont de grands noms du wahrani qui préféraient garder l'anonymat, en particulier Blaoui Houari.
A cette époque, Bellemou s'efforce de rejoindre le peloton en essayant de jouer des chansons de Rimiti, El Wachma et des meddahates avec sa trompette. Il y réussit approximativement, bien que son instrument ne puisse pas produire le quart de ton. Mais, pour la première fois dans l'histoire de notre musique, la trompette est algérianisée. Non seulement elle rivalise avec la ghaïta, mais elle détrône, de plus, un autre instrument : la gasba* !
Au Moyen-Orient, cette appropriation de la trompette s'est effectuée autrement. C'est un Libanais, Nassim Maâlouf, qui, au bout de sept années d'études musicales à Paris, eut l'idée d'ajouter, selon un agencement précis, un quatrième piston à la trompette pour obtenir d'elle le quart de ton. C'était dans les années soixante. Il appela «trompette arabe» cet instrument micro-tonal qui permet de jouer les modes arabes. Pour la petite histoire, c'est dès son enfance, dans un village libanais où il y avait un orchestre d'harmonie maronite, que Maâlouf tomba amoureux de la trompette. Son oreille était choquée parce qu'entre l'air donné par son instrument favori et celui de la chanson A'Rosanna qu'il accompagnait, il y avait une dissonance qui ne semblait pas gêner les fidèles de la curie lorsqu'ils passaient au chant profane.
Mais revenons en Algérie où, en 1972, Bellemou adjoint un chanteur à son groupe. Il s'agit de Rachid Zouaoui, tandis que Homani, qui deviendra chanteur du groupe, est d'abord confiné au rôle de berrah. Le groupe Bellemou anime les mariages. En 1973, c'est la rencontre avec Bouteldja. Bien que ce dernier se fût déjà fait un nom, sa carrière piétinait. Avec Bellemou, elle est relancée. Mais dans l'affaire, c'est surtout le raï, grâce à la trompette, qui va gagner en commençant, dès lors, à conquérir une audience régionale puis, très vite, nationale. Le raï n'est plus seulement écouté à l'ouest du pays, mais à travers toute l'Algérie. C'est l'époque de la K7 audio et du service national qui, associés, lui permettent une large diffusion au sein de la jeunesse issue de toutes les régions du pays.
Le succès est tel que Boutaïba et Benfissa vont eux aussi enregistrer des disques avec l'ensemble Bellemou. Les sonorités de la trompette vont s'imposer au point qu'en 1975, Mohamed Lamari, alors star nationale de la chanson asri, enregistre avec Bellemou Jaou el khataba khatbouk. En 1976, ce sera au tour de Mazouni et, en 1977, ce sont Mohamed Oujdi et Samir Staïfi qui sollicitent les services de Bellemou. Tous ces rapprochements, faut-il le signaler, sont l'œuvre de l'avisé éditeur Kadi Missoum, qui fut l'un des premiers à saisir les nouveaux besoins musicaux d'une jeunesse issue de familles urbanisées par l'indépendance et cherchant des sons nouveaux et modernes, mais rattachés à une filiation musicale du terroir. La trompette a porté ce mouvement, et ce faisant elle est devenue définitivement algérienne puisque tous les genres musicaux se l'accaparent alors.


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