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vieille chamaille
Réflexion. Où va la musique andalouse?
Publié dans El Watan le 01 - 12 - 2012

Le temps, ce tamis éternel, retient pour nous les choses essentielles de la vie et nous les confie. Nous avons hérité de la musique andalouse qui ne cesse de susciter des sentiments divers et passionnés.
En dépit de la mondialisation qui nous phagocyte dans un mélange sans nom, l'andalou résiste. Jusqu'à quand ? Et où va cette musique ? Partie incontournable du patrimoine algérien, elle se trouve malgré elle au centre d'un immense débat. Notre propos ne consistera pas à revenir sur son histoire – laissons-en le soin aux spécialistes – ni de nous la faire aimer un peu plus. Ce sont les différentes tournures qu'on veut lui faire prendre ainsi que cette vieille et saine chamaille entre conservateurs et modernistes qui nous intéressent aujourd'hui.
Espérant bien faire, des musiciens se lancent parfois dans des initiatives de modification, audacieuses à plus d'un titre. Les modernistes, avec l'intention de rendre ce patrimoine «plus accessible», et persuadés d'être l'unique issue à sa survie, tentent des expériences présentées parfois comme la solution pour sa préservation. Au nom de l'évolution, on serait à la limite d'une «compromission musicale». Mais ce qui est moderne aujourd'hui sera ancien demain, éternel recommencement… Est-il sage de vouloir modifier un héritage au gré du jour et des humeurs et au nom de la modernité ?
Vouloir changer quelque chose, c'est vouloir l'orienter différemment. Doit-on comprendre que l'on serait prêt à renier et perdre le sens initial de la musique andalouse ? Quand on a été convaincu du bien-fondé d'une valeur durant des générations, il est difficile de l'abandonner. De plus, changer suppose que l'on détient des arguments solides pour justifier ce changement. Sinon, on s'achemine inévitablement vers des conflits sans fin.
Les conservateurs, défenseurs du respect de la tradition musicale dans toute sa noblesse, sont régulièrement associés à la rigidité et à la stagnation parce que prétendument opposés au changement. On leur reproche de ne pas accepter l'évolution et de vouloir garder la musique andalouse figée en l'état. La musique est l'un des fondements identitaires d'une société. Bouleverser sous prétexte de modernisation n'est ni simple ni sans conséquences. Parmi les réformateurs, se trouvent les partisans de ce que nous nommerons l'européanisation du patrimoine.
Les tenants de cette tendance n'apprécient pas du tout le terme et s'en défendent, préférant y voir de la modernisation et de l'innovation. Soit, mais quelle est la nouveauté à vouloir unir l'andalou avec la musique classique européenne ? On accorderait à cette dernière le droit de s'insérer dans la musique andalouse pour en faire une sorte d'hybride «plus audible», «moins monotone». Mais au nom de quoi les musiciens et le public devraient-ils accepter une certaine forme de «colonisation culturelle» ? Les musiques européenne et andalouse ont des formes d'écritures particulières et relèvent de contextes différents.
L 'introduction de phrases musicales entières d'inspiration européenne n'entraîne pas un simple mélange des genres, mais un mélange de traditions de vie. Les initiateurs de ce concept pensent peut-être que parce qu'une partie de la musique européenne est détentrice du prestigieux label classique, cette union serait un atout supplémentaire pour l'Andalou. Il est vrai que des musiciens refusent à cet art le label de musique classique au profit de celui de «traditionnelle».
Mais la musique andalouse est classique ! En Europe, l'adjectif classique se réfère, stricto sensu, à la musique de la période classique, écrite à partir de 1750 jusqu'à l'avènement de la musique romantique vers 1820. La musique andalouse, avec la formidable et complexe architecture de la nouba est bien antérieure. Le dictionnaire Le Robert définit ainsi l'adjectif «classique» : «Qui mérite d'être imité. Qui fait autorité, est considéré comme modèle».
Quant à l'article «classique» du dictionnaire historique de la langue française (Robert), il précise que «c'est la notion de respect de la tradition donnée qui sous-tend les usages postérieurs du mot». La musique classique est donc la musique digne d'être étudiée et reproduite. Elle est faite pour résister à l'épreuve du temps et consignée dans des partitions très complètement notées. Il semble bien que l'andalou corresponde à ces critères. Laissons aux professeurs de la prosodie arabe le soin de nous en dire plus à ce sujet et aux théoriciens-chercheurs en notation musicale, celui de nous éclairer pour comprendre comment les sept modes musicaux fondamentaux de l'andalou ont pu donner naissance à des dizaines d'autres à ce jour utilisés.
A ce niveau, le débat entre conservateurs et modernistes serait passionnant. Il n'est peut-être pas si évident de préserver sa particularité identitaire en décidant de devenir accessible à tous. L'expression musicale propre à une société demeure-t-elle encore l'expression de cette dernière quand elle accepte de se mêler à la musique d'autres sociétés ? Pour moderniser, il faut un point de départ. La question de la conservation, certes fédératrice, se pose à nouveau. Encore faudrait-il s'accorder sur la manière. Récemment, un ami me rappelait justement qu'on avait beaucoup plus travaillé sur la conservation de la forme plutôt que celle de l'esprit. Il y a ceux qui plaident pour la conservation par la notation ; il s'agit d'un art ancestral pour lequel les zones d'ombre sont encore nombreuses et autant d'habitudes de transmission ont été prises. Que devrait-on faire ? Transcrire ou décrire ? Mais d'abord, pourquoi faire de la notation musicale ? A qui s'adressera-t-elle ? Au musicien-praticien ? Au chercheur-musicologue ? S'agit-il d'en faire un aide-mémoire ou est-ce pour l'enseignement ? Voudrait-on, à terme, figer les mélodies… ?
Si l'on considère tout de même l'aspect traditionnel de l'andalou et, partant du principe que les musiques traditionnelles sont fatalement vouées à disparaître, autant les conserver dans des enregistrements, même imparfaits, puisque cela apparaît comme le seul moyen de fixer la tradition. C'est aussi ce qui devrait empêcher d'adapter la musique au goût de chacun et indéfiniment, comme on le fait souvent avec la transmission orale. Des enregistrements récents de maîtres du genre ont montré qu'en l'espace de quelques années, un même cheikh modifiait quelque peu son interprétation. A un moment, il faut fixer un référent qui permette ensuite de se projeter dans l'avenir. Nos aïeux andalous l'ont peut-être fait, participant ainsi à transmettre l'héritage.
L'enregistrement a ceci de bien : il est une référence pour induire de la création et valoriser un patrimoine qui s'ouvre à tous. Ce n'est qu'ensuite que vient la modernisation. Celle-ci est compatible avec l'utilisation d'instruments modernes pour l'interprétation d'une musique ancienne.
Les instruments anciens, fabriqués dans des matériaux rares et précieux, sont remplacés par des claviers de synthétiseurs, des instruments à cordes métalliques et aux sons électriques. On est alors susceptible de modifier les sonorités, mais cela n'implique pas le changement des phrases musicales initiales. Le tout est de trouver une formule pour moderniser un patrimoine ancien sans le métamorphoser au point de le rendre méconnaissable. L'évolution de la technologique instrumentale ouvre des perspectives inespérées de composition en apportant des possibilités d'emprunt et de mélange jamais envisagés.
Ainsi, on ouvre la porte à l'innovation musicale et au développement des génies créatifs. Et, pour ce qui est de la nouba, les idées novatrices existent de ce côté-ci de la Méditerranée. Donnons-leur la chance d'être présentées et, pourquoi pas, un jour reconnues. Dans un futur plus ou moins proche, elles rejoindront peut-être le cercle privilégié des noubas du patrimoine. Il est admis que ce patrimoine n'a pas été révélé d'un coup. Son répertoire s'est enrichi au fil des siècles par ajouts successifs.
Des générations de musiciens y ont participé. Il reste maintenant à savoir si la notre est capable d'apporter sa contribution et d'innover en perpétuant le style et l'esprit de référence. Des essais ont été faits, mais peu médiatisés ils restent peu connus du grand public. Il y a une trentaine d'années, quand il dirigeait la classe supérieure de la doyenne des associations, Ahmed Seri avait déjà commencé à innover et à moderniser à sa façon. Il était alors ouvert à la nouveauté et au mélange des écoles. Il mixait les répertoires algérois et constantinois dans un même programme et insérait des pièces de Tlemcen dans des noubas algéroises.
Aujourd'hui, plusieurs associations en font de même. Au milieu des années '90, une rencontre entre Nadjib Kateb, Miquèu Montanaro* et Smaïn Hini a donné naissance à une œuvre musicale en mode Dil intitulée Un Pont sur la Mer (paroles inédites et musique composée par N. Kateb, droits déposés à la SACEM). Noureddine Saoudi a composé la musique de la nouba Dziria, adaptant des poésies andalouses sur le mode sihli qui n'est pas dans le répertoire classique : une innovation.
A Tlemcen, le maître Salah Boukli a composé des mélodies en mode mezmoum et, à Constantine, Samir Boukridera qui dirige l'Ensemble régional, écrit sur le mode zidane, entre autres. Rachid Guerbas a un temps dirigé l'Ensemble national de musique andalouse et a aussi innové en composant une nouba en mode h'sine et une autre en mode sika sur des poésies du répertoire. Avec l'avènement des Ensembles régionaux de musique andalouse et la création de l'Ensemble National, force est de constater qu'il y a de l'innovation dans l'air.
Les trois grandes écoles de musique, à l'interprétation si différente, alliées dans un même programme où chacun se reconnaît et où toutes les sensibilités s'expriment, sont un tour de force réussi du précédent directeur de l'Ensemble National, malgré la désapprobation d'une importante partie de la communauté musicale. C'est en cela que cet ensemble était innovant. Mais c'est souvent dans sa propre famille qu'on trouve les oppositions les plus farouches. Ces œuvres ont le plus souvent déclenchées les foudres, non seulement des modernistes qui déplorent que les mélodies aient un air de déjà-vu, mais aussi des conservateurs scandalisés qu'on ose toucher au patrimoine. Aux premiers, on peut répondre que même les compositeurs européens n'envisageaient pas, au moment de la composition de leurs œuvres, qu'elles passent à la postérité et soient labellisées «classiques».
D'ailleurs, ils utilisaient souvent le procédé dit du «pastiche» qui permet de puiser dans des œuvres anciennes pour en composer de nouvelles. Aux seconds, on peut dire que la mise en place d'une nouvelle manière d'interpréter l'andalou prendra du temps. En y travaillant ensemble, il en ressortira probablement une découverte intéressante. Il faut du recul et un rythme raisonnable d'assimilation pour qu'une méthode nouvelle soit acceptée. Il ne s'agit pas de simples changements techniques, mais aussi d'une adaptation culturelle et sociale. Laissons le temps décider de l'avenir de ces œuvres. Que savons-nous vraiment des conditions de création des noubas et des critères d'acceptation en son temps par son public ?
Nous sommes peut-être à une période charnière de l'histoire de la musique andalouse. Il est indéniable qu'au cours de ces dernières années, les musiciens se sont autorisés de nombreux arrangements rythmiques, des adaptations et modifications de toutes sortes à la faveur des enregistrements, rendant les répertoires accessibles à tous. Les bandes sonores dont nous disposons ne nous renseignent sur la pratique musicale que pour une période limitée, n'allant pas au-delà de l'enregistrement lui-même. Aux chercheurs revient la lourde tâche de trouver traces des partitions , et aux théoriciens celle de trouver les clés de compréhension des structures rythmique et modale que nous interprétons.
En 2006, à Tipasa, lors de la création de la Fédération nationale des associations de musique classique algérienne (FNAMCA), la ministre de la Culture avait mis en avant la nécessité «de se mobiliser autour d'un programme d'enseignement de cette musique au niveau des établissements des cycles primaire et moyen, avec l'accord du ministère de l'Education nationale». Où en sommes-nous ? Au-delà de l'enseignement dispensé par les Conservatoires et autre institutions, il apparaît important que la pratique musicale se professionnalise pour le bien de tous. Cette réflexion, mais c'est son rôle, contient plus d'interrogations que de réponses. Celles-ci apparaîtront peut-être après une série de concertations structurantes et dépassionnées de tous les concernés. Comment innover dans la modernisation de la conservation de la musique andalouse et dans son mode de transmission ? En quelque sorte, faire de l'ijtihad musical…
* Compositeur français né en 1955, passionné de musique traditionnelle provençale et de musiques du monde.


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