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le digne indigné
Stephen Hessel, un morceau de bravoure (In memoriam)
Publié dans El Watan le 09 - 03 - 2013

L'indignation est à son comble sous toutes les latitudes. Ici est dénoncé un Etat terroriste, qui en toute impunité procède à l'éradication progressive d'un peuple.
Là, c'est avec véhémence que la rue est investie pour chasser un dictateur corrompu. Ailleurs, ce sont les horreurs bureaucratiques et la corruption qui sont mises à l'index. Malgré cela, disait Stéphane Frédéric Hessel, les gens hésitent ou ont peur de réagir, même lorsque le «légal» se fait manifestement illégitime.Son célèbre appel Indignez-vous ! est devenu un best-seller mondial. Le grand résistant, le citoyen du monde, le militant sans frontières, a donné – en une trentaine de pages seulement – une admirable leçon d'espoir, en affirmant que c'est l'indifférence qui est la pire des attitudes. «Il m'a semblé juste, et c'est pourquoi j'ai publié Indignez-vous !, de faire réfléchir, notamment les jeunes, à ce qui les choque, à ce qu'ils peuvent faire, dans presque tous les domaines. Le livre, bien sûr, est un peu court sur les remèdes. Mais c'est une incitation à pousser la réflexion à l'engagement vers l'action».
Ce qui manque le plus, nous confiera Stéphane Hessel, c'est la mise en commun des indignations. D'où l'importance des organisations non gouvernementales et du travail en réseau, face aux nouveaux périls. Nul ne pouvait rester indifférent aux propos de ce grand jeune homme de 95 ans qui vient de nous faire faux bond. L'infatigable résistant, l'intellectuel militant, le diplomate aguerri, pionnier de l'ONU, avait une volonté de fer, une détermination à se battre pour la liberté et une foi inébranlable en la démocratie et aux vertus du dialogue.
Membre actif du tribunal Russel sur les crimes de guerre en Palestine, l'homme de tous les engagements a poursuivi inlassablement son combat sur la scène internationale pour la défense des Droits de l'Homme, la dignité des peuples, la coopération avec les pays en développement, la justice sociale, les libertés, toutes ces valeurs dont certains voudraient s'affranchir de l'exigence. Dans des sociétés en demande de valeurs, de libertés fondamentales et d'un Etat de droit, la désobéissance civique a parfois du sens, surtout lorsque la responsabilité des Etats envers leurs citoyens fait défaut.
C'était l'avis de Stéphane Hessel, le résistant émérite contre le nazisme, l'avocat des causes humanitaires, le défenseur acharné de la paix, le diplomate hors du commun, qui a été l'un des rédacteurs de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948, qui souligne avec précision les valeurs fondamentales de la civilisation humaine. Il considérait d'ailleurs que cette Déclaration n'était pas toujours respectée, que son programme était loin d'être achevé et que beaucoup de graves dénis de droits économiques et sociaux sont en permanence recensés, ici ou là.
Cette plateforme, précisait-il, reste cependant formidablement utile et audacieuse et demeure plus que jamais nécessaire. Ainsi, pour Stéphane Hessel, la question des Droits de l'Homme a progressé depuis son adoption en 1948. Il citait, en outre, comme autres avancées importantes, le pacte relatif aux Droits civils et politiques en 1966, le Pacte de Genève en 1967, l'adoption de la Convention des Droits de l'Enfant et la création d'un Tribunal pénal international.
Stéphane Hessel, invité en 2010 en Algérie par des amis oranais, lors de débats qu'il avait animés à l'IDRH (Institut de Développement des Ressources Humaines), à l'ex-CCF, à l'université d'Es Sénia et au lycée Lotfi d'Oran, avait tenu à souligner tous ces aspects. Il avait aussi affirmé le rôle positif des institutions internationales (Banque mondiale, FMI...) ce qui n'a cependant pas fait l'unanimité. Le succès phénoménal d'édition du petit fascicule «Indignez-vous !» – des millions d'exemplaires vendus – a valu à Stéphane Hessel, un engouement planétaire mais également de nombreuses animosités.
La paranoïa du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) à l'encontre de la moindre allusion contre Israël fait que peu de personnes n'osent aujourd'hui critiquer les exactions de ses dirigeants sans risquer d'être taxé d'antisémite. Cette accusation a constitué un comble pour Stéphane Hessel, né à Berlin d'un père juif allemand et d'une mère française ! Copieusement invectivé depuis des années, en raison de son engagement sans faille au côté des Palestiniens, à qui il a rendu visite à plusieurs reprises, l'auteur, qui ne consacre dans son opuscule que deux pages au conflit israélo-palestinien, fut, plus que jamais, vilipendé.
Pour avoir osé manifester son indignation contre les bombardements de la population palestinienne, pour avoir dénoncé l'insupportable et inhumain blocus imposé aux Ghazaouis, pour avoir manifesté sa réprobation lors de l'assaut sanglant de la flottille humanitaire internationale, pour s‘être enfin révolté contre l'incarcération arbitraire du franco-palestinien, Salah Amouri, il a fait l'objet d'insultes et même de menaces de mort. Constamment pris à parti par une meute menaçante et fascisante usant de formules incendiaires et de diatribes virulentes pour terroriser tous ceux qui osent dénoncer les exactions des autorités d'Israël, l'homme poursuivait sans relâche ses dénonciations contre elles. A propos du dernier bombardement des populations civiles, il dira en substance : «Israël a commis un acte indiscutablement contraire au droit international». Il faut être, soit naïf, soit pervers, pour penser que de lourdes menaces pèsent sur le pays le plus puissant de la région.
Ce n'est pas l'écrivain nobélisable, icône de l'intelligentsia israélienne de gauche, Amoz Oz, présenté comme défendant des thèses opposées à celle de l'establishment israélien, qui nous contredira, lui qui après l'opération «Plomb Durci» contre Ghaza, a rejoint les rangs en déclarant haut, fort et sans ambiguïté que l'usage de la force était vital pour Israël. Il a rejoint ainsi les Alain Finkielkraut, Elisabeth Levy, Bernard-Henri Lévy, entre autres inconditionnels d'Israël qui squattent en permanence les plateaux des télévisions françaises.
Stéphane Hessel, qui a lutté contre la Gestapo et toutes les forces oppressives et qui a consacré sa vie à la défense des droits de l'homme, n'a jamais été impressionné par ceux, nombreux, qui ont fait preuve d'une férocité exemplaire à son égard. Même des artistes et cinéastes israéliens qui donnent l'impression d'être assez intransigeants à l'égard de leurs dirigeants, tels Amos Gitaï, qui a évoqué la spoliation dont ont été victimes les Palestiniens, Keren Yedaya, qui a dénoncé les disparités sociales et la condition faite aux femmes, Raphaël Nadjari et David Volach qui ont mis en garde contre la montée de l'intolérance religieuse, Ari Folman, auteur de Valse avec Bachir, qui dénonce à sa façon la guerre au Liban et Samuel Maoz, réalisateur de Lebanon, font – lorsque nécessité fait loi – preuve d'une solidarité sans faille avec l'Etat hébreu, quelles que soient ses turpitudes. Il est rare que les exactions d'Israël provoquent une réprobation mondiale.
Des artistes, des écrivains et de hommes politiques occidentaux s'indignent parfois et réagissent mais, très vite, ils sont rappelés à l'ordre par les relais du lobby sioniste. Cela dit, il existe des hommes et des femmes de courage. Le grand réalisateur Ken Loach, l'actrice Jane Fonda et d'autres n'ont pas hésité à appeler au boycott de festivals occidentaux mettant en valeur des films israéliens. Henning Mankell, l'écrivain suédois à succès qui se trouvait à bord de la flottille, a décidé d'interdire la traduction en hébreu de ses ouvrages.
D'autres ont annulé des voyages à Jérusalem ou à Tel-Aviv. Pour sa part, Stéphane Hessel, qui s'est rendu à plusieurs reprises à Ghaza, et qui a vu de près les camps de réfugiés, avait, le 30 décembre 2009, cité Israël dans une liste d'Etats «tyranniques», parmi la Chine, la Russie et l'Iran, avec lesquels le commerce ne doit pas primer sur les Droits de l'Homme. Le 15 juin 2010, il avait appelé à participer au mouvement de boycott contre Israël, ce déclencha d'autres foudres contre lui. Non content de faire la une des médias avec son arrogance et sa suffisance et d'être salué par le fameux Lionel Luca et Jean Marie Le Pen lorsqu'il persécute les Noirs et les Arabes tous, à ses yeux, trafiquants potentiels, Eric Zemmour a osé se moquer de Stéphane Hessel en le qualifiant de gâteux parce qu'il avait osé s'en prendre aux responsables d'Israël.
Un des derniers outrages contre l'auteur de «Engagez-vous»*, fut l'interdiction de la rencontre qu'il devait animer en septembre 2010 à l'Ecole Normale Supérieure de Paris avec Leilà Shahid, représentante de la Palestine à Bruxelles, Michel Warschawski et Nurit Peledou, pacifistes israéliens, Benoist Hurel, secrétaire adjoint du syndicat de la magistrature et Elisabeth Guigou, députée socialiste. Heureux, le tout puissant patron du CRIF, Richard Prasquier avait tenu à saluer Valérie Pécresse, ex-ministre de l'enseignement supérieur et le rectorat de l'université de Paris pour leur aide et contribution.
C'est pourtant à l'Ecole Normale Supérieure que Stéphane Hessel avait étudié et, lui qui y fit des études brillantes, n'aurait jamais imaginé en être renvoyé un jour. Laissons-lui le soin de conclure par la citation en couverture de son dernier ouvrage, cosigné avec son ami Edgar Morin: «Notre propos est de dénoncer le cours pervers d'une politique aveugle qui nous conduit aux désastres. Il est d'énoncer une voie politique de salut public. Il est d'annoncer une nouvelle espérance». Lui parti, cette espérance perd une voix. Mais pas sa voie.

*«Indignez-vous» de Stéphane Hessel. Ed. Indigène. Déc. 2010. 30 p. / «Engagez-vous» (entretiens avec Gilles Vanderpooten), Ed. de l'Aube, 2011. / «Le chemin de l'espérance» de Stephane Hessel et Edgar Morin. Ed. Fayard. 2011.


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