On le croyait disparu, perdu avec sa robe noire dans le dédale d'un palais de justice. Mais non, il était là, dans son bureau. L'avocat du régime, Farouk Ksentini, est sorti pour nous expliquer la vie. Il s'est dit désolé pour le refus du juge de mettre en liberté conditionnelle le facebookeur Aloui, toujours incarcéré à Serkadji. Mais comme à son habitude, naviguant sur une ligne imaginaire entre le soutien au régime et la défense des droits de l'homme, entre la chorba et le fric, l'avocat a tenu à souligner que les autorités ont eu raison de poursuivre ce jeune facebookiste qui s'est moqué du Président en usant de photomontages, expliquant que «le procès va servir de leçon à ce jeune qui a commis une bêtise». L'argument ? C'est le Président et à ce titre, il a droit à des égards et toute moquerie contre lui doit être punie. Si l'on devait suivre les enseignements du grand zen qu'est M. Ksentini, on devrait donc poursuivre en justice, outre les milliers de facebookistes qui se moquent de leurs dirigeants, Dilem, Le Hic, Ayoub, Noun, Islem et tous ces imprudents dont la fonction est justement l'irrévérence. Pourquoi alors le régime et ses avocats ne poursuivent-ils pas tous ces dessinateurs ? Parce qu'il est plus difficile de faire passer l'incarcération d'un dessinateur de presse que celle d'un blogueur sans soutien, pauvre et éloigné du centre. En fait, ce n'est pas aussi sûr, l'armée nationale, excédée et qui vient de récupérer les fonctions et prérogatives judiciaires du DRS, vient de menacer l'armée de billetistes et caricaturistes algériens de la possibilité de poursuites judiciaires à leur encontre. La guerre a commencé. Pourquoi ? Pour le territoire. Mais à qui appartient-il ? Justement, c'est l'objet de la guerre. Qui va gagner ? Le plus fort. Mais ce qui est sûr, c'est que l'humour et la subversion resteront plus utiles que la Constitution et les blindés.