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Cherifa Yamini, le secret de la mayda
Récit d'une vie bien accomplie
Publié dans El Watan le 25 - 05 - 2006

Depuis Michel de Montaigne, le philosophe casanier, disciple de Pyrrhon et de Sextus Empiricus, on a appris que la littérature avait un lien étroit, voire inextricable avec la couture. Montaigne, qui occupait ses mornes journées à tricoter et à crocheter ses Essais, laissa une œuvre universelle qui survivra à bien des best-sellers et à des succès de librairie.
On raconte bien volontiers que le Mahatma Gandhi filait lui-même le chanvre qu'il cardait ensuite et tissait en une « borda » simple et élégante. Il libéra un continent avec ce symbole d'austérité partagée et de simplicité volontaire. Paul Valéry, de son côté, chanta sur le rythme de la quenouille ronronnante la mélodie de la fileuse. Puis tout ce bruissement du tissu et de la langue s'arrêta subitement vers les années 1940 quand la canonnière de l'éradication ethnique gronda dans le ciel effarouchant les alezans de la Camargue. Un silence pesant pétrifia les alentours du cimetière marin. Tout un continent fut pétrifié pour avoir osé regarder dans le fond des yeux monstrueux aux lueurs infernales et perfides des regards bleus de la plus terrible des Gorgones : la perfide Méduse. Enjambant la Méditerranée, la mort lente et pétrifiante gagna les rivages de la Césarée transformant une sylphide en statue rondelette qui veille sur le vieux port antique de Tipaza. Et la mer toujours recommencée, avec ses vagues sensuelles et langoureuses ne put faire revivre ni Orphée ni Eurydice. Albert devenu étranger si familier, se résigna alors à s'exiler, la mort dans l'âme dans le royaume des Justes. Quand tout fut perdu, quand tout fut pétrifié, sclérosé, camisolé, une jeune adolescente se dressa au cœur du village colonial pour dire sa détermination à vouloir vivre debout, les cheveux clairs dans le soleil brûlant, la peau naturellement basanée, la langue bien pendue et alerte, les doigts frétillant d'impatience pour en découdre avec un monde mortifère en passe de pétrification et de putrification. Le regard de Cherifa Yamini allait se dresser contre celui de Méduse, l'affronter, l'annihiler. Mais le soleil algérois en ce début des années 1940 était mortel pour les Arabes et bénéfique pour les Meursault. Alors Cherifa décida de créer ses propres lumières tant l'école hante son esprit et secoue ses rêves : « Eh oui, mes enfants, la lueur de la bougie a éclairé mon enfance ! C'est sur cette Mayda que j'ai fait tous mes devoirs et que je n'ai pas sombré ainsi dans l'obscurité de l'ignorance ! » Cherifa Yamini est née en 1938, à Fouka marine, petit village de colonisation dans le Sahel à quelques kilomètres de Tipaza. Très tôt orpheline de père, elle découvre les affres de la vie dès sa plus tendre enfance quand la belle-mère de sa mère jette toute la petite et miséreuse famille à la rue. Cherifa, comme un certain Albert, est née dans une famille miséreuse et sera elle aussi l'enfant d'une femme de ménage. Mais Cherifa est née dans la communauté des parias. Qui plus est, c'est une femme indigène. Alors commence pour elle la plus extraordinaire aventure qu'il est donné à un être humain de connaître : se faire par soi-même envers et contre tous face à l'adversité des siens d'abord, des autres qui vous ignorent ensuite et face enfin à tous ceux méprisables qui méprisent l'être humain digne et farouchement libre. Cherifa décide de prendre en main sa propre vie. Interdite d'école et d'accès au savoir et bonne tout juste à chercher de l'eau à la fontaine publique du village, Cherifa comprend que la vie est un combat dont les enjeux sont l'espace et le temps. Elle décide de se les approprier. Mais la famille souvent absente dans les pires moments de détresse (chacun tachant de s'en sortir comme il peut) est omniprésente quand il s'agit de veiller au respect des traditions mortifères et oppressives. Cherifa réagit presque instinctivement et dit à onze ans tout haut ce qu'elle pense sans bigoterie ni calcul hypocrite : « Taratata ! Ah, non, porter le voile ! Parce que deux petites févettes poussent sur ma poitrine ! Ce n'est pas grave, je les cacherai avec une bande de tissu ! Quoi, me marier ? Avec un homme que je ne connais pas ! Tu n'y penses pas sérieusement, maman ? La famille ne te donne pas une pension que je sache ! C'est toi qui fais la bonne chez les colons ! Regarde-toi, comme tu es exténuée ! Je veux aller à l'école ! Je travaillerai et tu ne feras plus la bonniche chez les colons ! Je veux devenir médecin et je veux soigner les enfants du douar. » Cherifa Yamini prend très vite conscience de sa condition, celle d'un être infériorisé par un statut (femme opprimée et indigène exploitée) et par une situation (indigente au ventre vide dans un pays riche et prospère). Une seule issue l'obsède ; conquérir la vraie richesse ; le savoir. Elle est sur les pas du jeune Camus avec la même détermination, malgré la différence de condition statutaire. Interdite d'école, Cherifa arrache une place d'apprentie dans une école professionnelle de couture. Ce choix de survie (loin de toute prétention de mondaine de dame patronnesse) lui aliène assez vite une clientèle qui accepte de venir dans la masure familiale par les chemins boueux pour essayer les robes taillées sur des modèles et « patrons » glanés dans les revues que la mère récupère chez la famille coloniale qu'elle sert. Le sérieux, l'application et la probité réussissent à Cherifa qui se fait un nom et une référence avant de s'envoler suite à un mariage arrangé mais réussi, vers les ateliers parisiens d'Yves Saint-Laurent et finir dans son équipe dirigeante jusqu'à sa retraite bien méritée. Cherifa émancipée raconte à ses enfants et ses lecteurs une vie exaltante de combat digne, d'acharnements respectables et de réussite sans tricherie ni imposture. La couturière de renom vit dans une modeste et bien animée rue parisienne et préfère ses vacances au sein de ses parents et de son peuple plutôt qu'au balcon du Carlton de Monaco la conscience encombrée par les cauchemars d'escroquerie et d'imposture. Une autobiographie en manière de confession qui accusent un monde injuste et indigne plutôt qu'elle ne bât une coulpe.
Cherifa Yamini Les secrets de la Mayda, éditions YC, Paris 2006 .


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