Ali Laârayedh a fini par s'engager par écrit à démissionner au bout de trois semaines comme prévu par la feuille de route des organisations nationales parrainant le dialogue national. Tunis De notre correspondant Coupant court subitement avec son intransigeance exprimée le soir du 23 octobre, Ali Laârayedh a annoncé hier, par écrit, son intention de démissionner, conformément à la feuille de route du quartette. Il s'est résigné à la volonté de la rue, craignant le pire. Le chef du gouvernement avait pourtant tenu, mercredi dernier, des propos euphoriques concernant l'avenir de son gouvernement : «Je ne cèderai pas sous la pression.» Concernant l'éventuelle démission de son équipe, Laârayedh avait utilisé des phrases que même le leader d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, a trouvé ambiguës. Ce flou associé à la colère générale suscitée par le décès des sept agents des forces de l'ordre ont créé une onde de choc à travers le pays. Des milliers de manifestants avaient d'ailleurs envahi, jeudi, plusieurs villes, telles Le Kef, Béja, Kasserine et Sidi Bouzid, en marge des obsèques des agents. Les slogans scandés par les foules accusaient Ennahdha de défaillance, voire de complaisance dans sa lutte contre le terrorisme. Pour sa part, le Front de salut national a suspendu sa participation au dialogue national et exigé un engagement écrit et explicite sur la démission du gouvernement. Face à une telle pression, Ali Laârayedh était dans l'obligation de revenir au plus vite dans le giron du dialogue national pour éviter des retombées plus graves sur l'avenir des institutions de l'Etat et des structures d'Ennahdha, surtout après le saccage des locaux du parti au pouvoir dans les villes du Kef, Béja, Korba… et la série continue. Un vent anti-Ennahdha souffle sur la Tunisie et Laârayedh veut donc éviter au plus vite d'attiser le feu. Problématiques en quête de consensus A quoi donc va servir le dialogue national ? La feuille de route du dialogue national consiste en un calendrier de missions devant être réalisées par les partis politiques dans les parcours constitutionnel et gouvernemental. Pour le volet constitutionnel, il s'agit de trouver des consensus sur les problématiques encore en suspens au sein du projet de la Constitution, avant de passer à son adoption. Les divergences concernent essentiellement la nature du pouvoir (répartition des attributions entre les deux têtes de l'Exécutif dans un régime se voulant à cheval entre le parlementaire et le présidentiel) et les restrictions aux libertés, ainsi que l'article 141 sur la religion de l'Etat. Tous les éminents juristes constitutionnalistes sont unanimes à dire qu'«un Etat civil n'a pas de religion», alors que ledit article parle de «l'islam comme religion de l'Etat». Concernant le volet gouvernemental, il s'agit de choisir la personnalité indépendante devant occuper la présidence du gouvernement d'ici la fin de la semaine de démarrage du dialogue national. Les deux semaines suivantes serviront au choix de l'équipe restreinte de compétences devant composer le gouvernement. Les prochains membres du gouvernement ne se présenteront pas aux échéances électorales. En parallèle avec le processus constitutionnel, l'Assemblée nationale constituante aura à choisir l'instance indépendante des élections et à s'entendre sur la prochaine loi électorale. La tâche du dialogue national n'est pas de tout repos. Les partis politiques devront s'entendre en trois semaines, voire un mois, sur ce qu'ils ne sont pas parvenus à déblayer pendant deux ans. C'est certes difficile, mais l'avenir de la Tunisie en dépend. Croisons les doigts.