Bordj Badji-Mokhtar: installation du nouveau chef de sureté de wilaya    La FICR condamne une attaque contre le siège de la Société du Croissant-Rouge palestinien à Khan Younès    La République philosophique que l'Occident refuse ou est incapable de comprendre    CHAN-2025 Les équipes, même sans le ballon, veulent dominer    Retour triomphal du Cinq national    Atelier international de formation sur le patrimoine mondial    M. Chaib participe au Turkménistan aux travaux de la 3e Conférence de l'ONU sur les pays en développement sans littoral    Nasri adresse ses voeux à l'ANP à l'occasion de la célébration de sa Journée nationale    Journée nationale de l'Armée : Boughali adresse ses vœux à l'ANP    Université d'été du Front Polisario : le référendum d'autodétermination, seule solution à la question sahraouie    Université d'Oran 2 : près de 5.000 places pédagogiques pour les nouveaux bacheliers    Bouira : lancement du projet de raccordement du barrage de Tilesdit à la SDEM de Béjaia    La mémoire nationale occupe une place stratégique dans l'Algérie nouvelle    Ouverture de la semaine culturelle de la wilaya de Djelfa à Annaba    Organisation de la 14e édition du Festival culturel national de la chanson Raï du 7 au 10 août    De nouvelles mesures en vigueur durant la saison 2025    Vague de chaleur, orages et de hautes vagues dimanche et lundi sur plusieurs wilayas    Le président de la République honore les retraités de l'Armée et leurs familles    Jeux africains scolaires: L'Algérie préserve sa première position au tableau des médailles après la 8e journée    Rentrée universitaire 2025/2026: Baddari se réunit avec des cadres du ministère et de l'ONOU    Basket/Jeux scolaires Africains: médaille d'argent pour l'Algérie    Début de la semaine culturelle de la wilaya d'Ouled Djellal à Alger    Foot/Algérie: lancement de la deuxième promotion de la licence CAF PRO à Alger    Commerce extérieur: réunion sur la situation des marchandises bloquées aux ports    L'hommage de la Nation à son Armée    Bilan du commerce extérieur en Algérie pour 2023, selon les données officielles de l'ONS    Vague de chaleur, orages et de hautes vagues dimanche et lundi sur plusieurs wilayas    Protection des données à caractère personnel: l'ANPDP informe l'ensemble des acteurs des amendements apportés à la loi    Une ville clochardisée    Le ministre des transports annonce une augmentation du nombre de vols et l'ouverture de nouvelles lignes    L'Europe piégée et ensevelie    « Coûteux, insuffisants et inefficaces »    L'économie de l'Algérie se porte L'économie de l'Algérie se porte biende l'Algérie se porte bien    Déjà sacrée championne, l'Algérie bat l'Egypte et termine invaincue    L'élégance d'un artiste inoubliable    La délégation parlementaire algérienne tient une rencontre de travail avec la délégation autrichienne    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«La connaissance libère»
La chronique de Maurice Tarik Maschino
Publié dans El Watan le 19 - 12 - 2013

Plus d'une centaine de chercheurs français en sciences sociales (histoire, sociologie, ethnologie, science politique, économie politique) viennent de publier un Manifeste(1), où ils dénoncent les attaques qu'ils subissent de la part du pouvoir politique, des patrons d'édition et des médias.Coupes claires dans le budget de recherche des universités, recrutement de vacataires, suppression d'heures d'enseignement, refus des éditeurs, chez qui les commerciaux font la loi, de publier des ouvrages qui ne seront pas des best-sellers, silence des médias sur des textes critiques : de toutes parts, les sciences sociales se voient contestées dans leur existence même, et leurs productions, quand elles sont publiées, sont quasiment boycottées ou passées sous silence.
La raison d'une offensive tous azimuts ? Les sciences sociales dénoncent la fausseté des opinions les plus répandues, elles en démontrent la stupidité et mettent à nu la volonté des dirigeants et des patrons de mystifier les citoyens. Car c'est une tromperie d'expliquer en termes de nature des attitudes, des manières de faire et de penser qui n'ont rien de naturel et sont le produit d'une situation historique. L'histoire, la sociologie, l'ethnologie montrent qu'«aucune position sociale, aucune croyance, aucune relation sociale n'est intangible, nécessaire, tenant à la ‘‘nature des choses''… En restituant les conditions de production, historiques et sociales, de ces évidences, elles sapent les devoirs d'obéissance ou les piétés d'institution».
Par exemple, elles montrent qu'«il n'existe pas une nature féminine éternelle, ici et partout». Et s'opposent par là au sens commun, qui est un non-sens ou un contresens. Parce qu'il essentialise ce qui est historique, donc variable et modifiable. De ce que les femmes portent les enfants, l'opinion en déduit qu'il est naturel qu'elles s'en occupent et prennent en charge les tâches domestiques – n'ont-elles pas d'ailleurs, dit-on, les qualités requises : «douceur», «sentimentalité», «fragilité ? — alors que les hommes, déclarés «plus forts», «plus rationnels» et donc «plus aptes à commander», ont en charge l'entretien de la famille et les relations extérieures.
Inepties, objectent les sciences sociales. «Les différenciations et les inégalités entre hommes et femmes procèdent d'un enchevêtrement d'apprentissages et de dressages sociaux aux rôles de sexe», apprentissages et conditionnement qui commencent dès la naissance, s'apprennent et se développent dans la famille, se poursuivent à l'école, se prolongent dans la vie sociale et constituent le socle sur lequel s'édifient croyances et préjugés.
Parler de la «différence des sexes» présuppose que les sexes, par nature, possèdent des caractéristiques qui les distinguent absolument et se réfère à une vision essentialiste totalement chimérique : par eux-mêmes — psychologiquement, intellectuellement et tout aussi bien physiquement, les sexes ne sont pas différents, ils le deviennent. Si l'homme a souvent plus de force physique que la femme, il le doit à la façon dont son milieu l'a traité, au modèle qu'il lui a inculqué — en un mot, à son dressage : «Filles et garçons ne naissent pas filles ou garçons, mais apprennent à devenir femmes et hommes».
C'est pourquoi les scientifiques utilisent, au grand dam des réactionnaires de tous bords soucieux de sauvegarder leurs privilèges — hommes de pouvoir, patrons, dirigeants politiques, notables religieux, «chefs de famille», «grands frères»… — la notion de genre. Résultat de nombreuses recherches, cette notion souligne que «sexe biologique et genre ne coïncident pas», que, «suivant les sociétés et les époques, existent ou existèrent mille façons légitimes d'être homme ou femme».
Comme existent de nombreuses formes de familles. Celle qui prédomine en Occident — un homme, une femme, des enfants — n'a, contrairement à ce que prétendent ses défenseurs intéressés, rien de naturel, rien d'universel. Il y a toutes sortes de façons de «faire famille» : une famille peut être monoparentale, homoparentale, élargie, communautaire. «L'ethnologue, écrit C. Lévi-Strauss, fait valoir que même les pratiques qui choquent le plus l'opinion — procréation assistée permise aux femmes vierges, célibataires, veuves, ou bien aux couples homosexuels — ont leur équivalent dans d'autres sociétés qui ne s'en portent pas plus mal».
Aucune de ces pratiques n'est naturelle, et il est grotesque de prétendre, comme le font les fanatiques de la famille traditionnelle, qu'un enfant a «naturellement» besoin d'un père et d'une mère. Il a besoin d'être aimé et d'intégrer, parce qu'il est aimé, une image positive de lui-même. Personne n'est fondé, par nature, à lui donner cet amour, comme le soulignent, négativement, tous ces exemples de pères qui battent comme plâtre leur progéniture ou de mères qui tuent leur bébé et le jettent aux ordures. Genre, famille, traitement de l'immigration et des étrangers, structures sociales — conformistes, inégalitaires, sclérosées ou dynamiques et ouvertes à ceux qui viennent d'ailleurs —, régimes politiques, de la dictature à la démocratie représentative —, tout ce qui est humain est construit. En démontrant de quelle façon et pour quelles raisons les sciences sociales nous permettent de nous libérer des préjugés qu'on nous a inculqués, elles rendent possible la connaissance et nous invitent à agir pour construire un monde plus humain.

Manifeste, la connaissance libère, Editions du croquant. La Dispute.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.