Retards, louvoiements et contraintes… L'ouverture du secteur audiovisuel au privé en Algérie, après plus de 50 ans de monopole de l'Etat, continuera toujours de susciter débats et polémiques. Et pour cause, la publication, en février dernier, de la loi relative à l'activité audiovisuelle n'a pas mis un terme à la problématique autour de la libération totale de ce secteur à l'initiative privée. L'élaboration, puis l'examen au Parlement de ce texte, très attendu depuis le début des années 1990, ont fait l'objet de critiques objectives. Des critiques qui ont mis en cause la volonté déguisée des autorités de maintenir son contrôle hermétique sur ce secteur, qualifié de très sensible. En effet, l'introduction, dans ce texte, de l'autorisation uniquement de «chaînes thématiques privées» est interprétée, par les députés et les professionnels des médias, comme une tentative de limiter encore le champ d'action des nouvelles télévisions privées. L'intervention du ministre de la Communication pour modifier, en plénière, le contenu de l'une des dispositions de l'article 7 de cette loi n'a pas mis un terme à la polémique. Il est vrai que la nouvelle définition de «chaîne thématique ou service thématique», comme étant «des programmes télévisuels ou sonores, s'articulant autour d'un ou de plusieurs sujets», élargit, un tant soit peu, le champ d'activité des nouvelles chaînes. Mais le texte adopté, après plusieurs années de retard, était en deçà des attentes ; il ne lève pas toutes les contraintes sur la libre création des chaînes de télévision privées. En effet, la personne morale ou physique souhaitant lancer un service audiovisuel est soumis, d'emblée, à une séries de contraintes, notamment celle relative à la répartition des actions. Pas de groupe audiovisuel Selon l'article 45 de cette loi, aucun actionnaire ne peut détenir plus de 40% du capital social ou de droits de vote. «Un même actionnaire ne peut détenir directement ou par d'autres personnes, y compris les ascendants et descendants du 4e degré, plus de 40% du capital social ou des droits de vote d'une même personne morale titulaire d'une autorisation d'exploitation d'un service de communication audiovisuelle», stipule l'article. Le texte en question empêche également, d'une manière claire, la constitution de groupe audiovisuel. Il interdit d'abord à un actionnaire dans une chaîne de télévision de détenir des actions dans un autre canal. «Aucune autorisation d'exploitation d'un service de diffusion sonore ou télévisuelle n'est délivrée à une personne morale déjà titulaire d'une autorisation d'exploitation d'un service de communication audiovisuelle», lit-on dans l'article 46 de la même loi. En vertu de cet article, le propriétaire ou les propriétaires d'une chaîne de télévision ne peuvent pas, par exemple, avoir une autorisation pour la création d'une radio ou d'une deuxième chaîne de télévision. Et ces questions, détention du capital et création de nouvelles chaînes en l'occurrence, suscitent d'ores et déjà des craintes auprès des responsables de chaînes privées de droit étranger. Ces patrons de télévision offshore conçoivent très mal le fait d'être contraints d'ouvrir leur capital et de vendre des actions des chaînes qu'ils ont créées eux-mêmes. La charrue avant les bœufs Malgré l'existence de ce texte consacrant l'ouverture, l'audiovisuel privé algérien peine à émerger. Faute de procédure. Car l'autorisation d'exploitation d'un service audiovisuel doit être délivrée par une autorité de régulation qui n'est toujours pas mise en place. Les autorités concernées ne semblent pas pressées d'installer cette instance, seule habilitée à octroyer ou à retirer l'autorisation d'exploitation des services audiovisuels. De ce fait, c'est l'anarchie qui continue de régner dans ce secteur. Du coup, les autorisations d'activité au profit des opérateurs algériens sont octroyées selon des critères flous. En l'absence d'une autorité, ce sont généralement les «amis» qui bénéficient de facilités pour activer. Les chaînes de télévision ayant adopté un ton critique sont ciblées, bâillonnées ou même fermées. C'est le cas de la chaîne AlAtlas TV, dont les locaux à Alger ont été scellés par la gendarmerie. D'autres chaînes ont été contraintes aussi de procéder à la censure de leurs émissions auxquelles sont invités des responsables de partis de l'opposition. C'est dire que le pouvoir ne veut d'une ouverture de l'audiovisuel que si les nouvelles chaînes acceptent de faire sa promotion…