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Il était une fois un grand aède
«Le Poète Mustapha Ben Brahim»
Publié dans El Watan le 02 - 08 - 2014

L'histoire n'est pas un conte de fée, se sont des faits qui se sont réellement produits et authentifiés ne prêtant pas à confusion. On cherche par toutes sortes d'anecdotes et de ragots pour faire de notre poète si Mustapha ben Brahim ce qu'il n'a pas été. Dire que Mustapha ben Brahim avait rejoint l'Emir Abdelkader n'est pas conforme à la réalité.
De son nom de famille Brahmi, (il n'a aucun lien de parenté avec ma famille) il est né en 1800 à Boudjebha, dans la commune mixte de Sfisef (Sidi Bel Abbès). Son père vivait parmi les Ahrar à Aflou (Laghouat). Il était venu se fixer à Boudjebha pour enseigner le Coran. On sait peu de choses sur la jeunesse de ce fils de Derrar (enseignant du Coran). Il a appris le Coran très jeune auprès de son père. Devenu grand, il embrassa la même profession que son père. Ses descendants ont signalé l'existence d'un exemplaire du Coran qu'il aurait écrit de sa main et enrichi de ses vers. Il étudia aussi le droit musulman auprès de Si M'hamed Al Batioui qui était alors magistrat et professeur de droit réputé dans les Ouled Slimane.
Avant l'arrivée des Français en 1830, sous l'occupation turque, notre poète occupait les fonctions de cadi «juge» à Sidi Bel Abbès. Il disait : «Ma aayit cadi ou andi oudala» «El Houkme fi Bel Abbès yahouali». (Pendant longtemps j'ai occupé la fonction de juge et j'avais des secrétaires). (J'étais satisfait de l'exercer à Sidi Bel Abbès). Lorsque la France occupe l'Oranie, elle le nomme khalifa puis caïd des Ouled Slimane (Léon Bastide page 52 et 68). A ses chefs du «bureau arabe», il s'était signalé par la sévérité dans l'exercice de ses fonctions. En 1841, un nommé Mohamed Ben Abbou dit Boucif (l'homme au sabre) de la tribu des Hacem essaya de soulever les Ouled Slimane, après leur retour du Maroc ; leur caïd le fit prisonnier et le livra à l'autorité française qui l'exila (L. Bastide p. 213). Il était devenu l'ami et le protecteur du chef du bureau arabe, le capitaine Lacretelle avec lequel il passait des soirées arrosées. Quand l'Emir Abdelkader s'était soulevé contre l'occupant français, Mustapha ben Brahim se trouvait en fonction en qualité de caïd à Ouled Slimane (Sidi Bel Abbès). Il aurait épousé la fille d'un fonctionnaire de l'administration turque pour devenir lui-même fonctionnaire.
Il figure parmi les quarante (Chéchias) alem (Savants) qui ont signé la Moubayaâ de l'Emir. Sur intervention de l'Agha Abdelkader ould Zine, notre chansonnier a été affecté à Ouled Balegh dont les habitants refusaient de s'acquitter de l'impôt. Selon les propres déclarations du poète, c'est que cette nomination a été le résultat des manœuvres de ses ennemis dirigés par l'Agha Ould Zine. Depuis longtemps ces derniers cherchaient à le desservir auprès des autorités. Ils ne devaient pas manquer d'arguments étant donné la vie galante et la conduite licencieuse du caïd. Il eut l'amertume de voir lui succéder à la tête des Ouled Slimane, un homme pris dans cette bande.
Dans ses poèmes, il avait cité presque toutes les femmes qu'il avait connues durant son règne. Safa est un homme cultivé, un poète qui a eu le plus grand succès auprès du sexe réputé faible. Il a chanté les grâces de nombreuses femmes dans ses versifications : épouses ou protégées d'hommes connus, amantes attitrées ou connaissances passagères. Zohra n'est pas sa mère, comme l'ont écrit certains. Elle est d'origine Koulougli, vivait à Oran et appartenait à une famille de notables. Yamina n'est pas sa femme à laquelle il demeure longtemps fidèle et qui lui inspira sa plus belle pièce érotique Ma aâdham zinek a Yamina (Combien grande est ta beauté, ô Yamina).
Il la retrouva à Fèz et son ramier devait la saluer à Oujda à la frontière algéro-marocaine. Quant aux enfants, il en avait cinq (5) qu'il avait cités lui-même dans la quacida El Goumri Mohamed, El Hachemi et Abdelkader sont tout jeunes. El Hachemi allait gagner ses galons de lieutenant au 2e Spahis à Médéa. «Ismail Hamet. Les musulmans Français p. 285». Il avait une fille prénommée Kheira, qu'il cite dans la quacida (poème) El Goumri. Son ramier devait lui passer le bonjour. Il disait :
Kheira benti salem aliha
Goul el ha ana djit lik bechar
Men and eli rah ou khalaha
Khelak yatima oudjehak bar
(Ma fille Kheira, tu l'embrasseras et tu lui diras)
(Je viens t'apporter un message)
(De celui dont le départ a vidé la maison)
(Te laissant orpheline et provoquant ton long célibat).
Cette fille qu'il aimait tant n'est autre que la grand-mère de l'ancien ministre de l'Agriculture, Taïbi Larbi. Il y a aussi son fils Moussa qui provient d'un autre lit.
Il fit rentrer dans le devoir les Ouled Balegh récalcitrants, et ledit impôt fut perçu. Il les traitât si sévèrement qu'ils émigrèrent en masse au Maroc. Il prit femme chez eux et s'installa. Il se rendait de temps à autre à Sidi Bel Abbès. Là, en compagnie de ses fidèles amis, il passait des soirées galantes parmi les femmes qu'il connaissait. A ce moment, un événement capital dans sa vie se produisit. Ce fait est si grave qu'il a causé l'exil volontaire du caïd. Sur ce point, les opinions sont contradictoires.
Selon les uns, il aurait dilapidé les fonds provenant de la perception des impôts au cours d'une soirée de gala. N'ayant pas de disponibilités pour les restituer, il aurait pris la fuite. La réalité est tout autre ; il le dit lui-même dans la quacida Ayta melah yabkouni bedamaa (Beaucoup de bons amis versent sur mon sort des larmes). Il s'est rendu coupable d'un adultère avec l'épouse du capitaine Lacretelle, chef du bureau arabe, son supérieur hiérarchique. Il a été surpris en flagrant délit dans son domicile. Alerté par son ami, le poète Benathmane qui assurait la surveillance et le guet dans le jardin. Il prit la fuite et se réfugia à Témouchent, puis Tlermcen, ensuite il s'installe à Fès au Maroc.
Il disait dans ce poème :
Ouahed nehar rahte ledar el kobtane
Nessib zoudjetou Aydha melaydhat
Medit louylideha taltemya oua kelil
Laou dja louadjed naamal liha chiaât.
(Un jour, je me rendis à la maison du capitaine)
(J'ai constaté que son épouse était une femme splendide)
(Je tendais à son fils trois cents (douros) et c'était peu)
(Si j'avais eu des disponibilités je l'aurais honorée bien davantage).
En pénétrant dans son domicile, le capitaine avait remarqué que son fils portait une importante somme d'argent, 300 douros. Son épouse lui avoua que Mustapha Ben Brahim était là et c'est lui qui avait remis cet argent à son fils.
Plein de colère, Lacretelle parlait de traduire le caïd en cour d'assises et de châtiment exemplaire.
C'est le poète Benathmane, caché dans le jardin, qui avait rapporté le déroulement de la scène après la fuite de
Mustapha ben Brahim. A Fès, il vécut d'expédients pendant cinq ans environ. Il s'adonnait à la «yakcha» (magie). Déjà, avant son exil sa réputation de «yakache» (magicien) était bien établie et une série d'actes miraculeux lui étaient attribués.
Il ne portait pas dans son cœur les habitants de Fès. Il les a dénigrés à plusieurs reprises dans ses poèmes, pour les déprécier il composa la strophe suivante :
Djellaba fi Bel Abbès oua el az maaha
kheir men kyada fi Fès oua del maaha.
Ces vers lui ont valu d'être conduit devant le sultan et mis en demeure de s'expliquer. Notre poète finaud et rusé aurait désavoué ces propos en inversant le vers humiliant pour échapper au châtiment.
Djellaba fi Fès oua el az maaha
kheir men kyada fi Bel Abbés oua del maaha.
(Une simple djellaba à Fès avec l'honneur qu'elle comporte vaut mieux que la caïdat à Bel Abbès avec l'humiliation qu'elle suppose).
Le poète Kada Bessouiket fait montre de la même fierté vis-à-vis des Turcs : nous ne supportons pas de baiser la main. Chaâbane (Le bey) n'est pas arrivé à nous soumettre, à plus forte raison son successeur.
Ma taguenache lamhabate lyad
Ma taanache Chaabane oua hassa tali.
Le roi reconnut ses capacités de magicien. Une pension mensuelle lui aurait été servie et il pouvait circuler librement sur le territoire de sa Majesté, contrairement aux autres Algériens réfugiés avec l'Emir Abdelkader que le roi avait campés sur le flanc de l'oued Moulouya et surveillés par l'armée. Dans son exil forcé à Fèz, Safa (comme il aimait se nommer) était resté en contact avec ses amis et sa famille à Sidi bel Abbès, en particulier avec son fils El Hachemi qui avait fait des démarches auprès des autorités coloniales en vue de le rapatrier.
Lorsque l'intervention de cet officier des Spahis avait abouti, notre poète ne manqua pas, avant de partir, d'aller remercier le sultan et de lui demander la permission de quitter ses Etats.
Le souverain lui-même, lors de la première rencontre, le lui avait recommandé. Il reçut de lui une dernière gratification et pris le chemin du retour accompagné de sa femme Tammo des Hyayna et de son beau-frère. A la frontière, le goum des Ouled Slimane l'attendait et il fut vivement touché de cette réception ; plus que tout autre il appréciait. C'est ce qui l'avait obsédé pendant l'exil. Il rentre à Boudjabha son village natal, où une fête avait été organisée pendant sept (7) jours, des réjouissances, des chants, des danseuses et toute la population rassemblée pour fêter le retour de leur caïd poète. Il relate cet accueil grandiose dans la quacida Ayta melah yaabkouni bedamaa.
Sur intervention de ses amis, il est réintégré dans son poste de caïd et reçoit l'ordre de rejoindre la colonne dans le Sud. Le capitaine du bureau arabe de Daya avait constaté que le moral de ses troupes était défaillant et que les «khiyala» (cavaliers) manquaient de motivation et d'énergie.
Le soir, pas un homme ne manquait le spectacle. Si Mustapha chantait lui-même. Le capitaine qui connaissaitt l'arabe assistait à la soirée. Les militaires retrouvèrent la joie et le sourire. Il félicita le poète du succès de sa mission et le réintégra à la tête des Ouled Slimane.
Il se disposait à prendre une nouvelle épouse lorsque vint l'année 1867 avec sa misère, sa famine et ses terribles épidémies. Il était occupé à répartir entre les sinistrés les secours en grain fourni par l'administration lorsqu'il fut pris de faiblesse. On le ramena mort chez lui à Boudjabha. Il fut enterré à Mcid au milieu du groupe de mausolées.
Il disait dans une quacida :
Ana nebeghi mekami yaoudaâ beniane
Limene dja zayar ouine ibate.
Ce n'est qu'après l'indépendance du pays qu'une «kouba» avait été construite sur son tombeau comme il l'avait souhaité.
C'est ainsi que se termine la vie de ce poète lettré, magistrat et professeur du droit musulman, pur produit de l'école algérienne. Il n'a pas étudié la langue française. Il était âgé de plus de trente (30) ans à l'occupation de notre pays. Pendant son époque, plusieurs poètes étaient illettrés, à l'image de Ahmed Ould Zine de Sidi Bel Abbès, de Mohamed Belkheir (1822-1905) condamné à cinq (5) ans de travaux forcés et expulsé en Corse pour avoir été le compagnon du Cheikh Bouamama.
D'autres poètes nombreux étaient illettrés en arabe et qui n'hésitent pas à utiliser les caractères latins dans une transcription très personnelle que les non initiés ne pouvaient déchiffrer. Cheikh Djillali Aïn Tadlès était de ceux-là. Malgré ce handicap, ils ont laissé la trace de leur passage dans l'histoire de la poésie du melhoun.


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