«Ce n'est pas en repeignant les façades qu'on fait ressortir l'histoire culturelle de la ville. Une véritable restauration aurait comme résultat de dire ‘voilà sa culture, son histoire', or il y a eu juste un rapide maquillage de la cité, pas plus.» Othmane Touileb ainsi que ses camarades architectes «dissidents» sont en colère face aux «travaux d'aménagement» qu'a subi Constantine. «Comment parler d'année culturelle alors qu'on détruit les repères culturels de la ville, ses souvenirs, ses mémoires», s'insurge Azeddine Belahcene. Au début des années 1970, raconte Belahcene, architecte militant et passionné de Constantine, Tahar Ouettar piqua une colère noire au célèbre café Nedjma quand on lui parla de virer les artisans de la vieille ville pour installer des commerce «plus rentables» ; de cette colère naquit en partie son El Zilzal ! «Je ne m'identifie plus à Sahat Chouhada (ex-La Brèche), je ne m'identifie plus à beaucoup d'endroits de ma ville», soupire Nordine Khelifa, président de l'association des architectes A25, qui énumère les catastrophes des opérations récentes. «Ils ne nous ont pas écoutés, ils nous ont pris pour des ponts dans la ville des ponts et sont passé par-dessus. Et aujourd'hui, même le chef de projet de la restauration reconnaît qu'ils n'ont pas les moyens de réaliser le suivi des travaux», lance-il, expliquant que rien que dans les restaurations, le manque d'étude et l'abandon des constructions qui ont été décapées sous la pluie vont causer l'effondrement d'une bonne partie des vieux édifices. Sans parler du fait que «la destruction des réseaux de drainage, comme dans les rues Didouche Mourad et du 19 Juin, causera des affaissements dans moins d'un an»... Les nouvelles réalisations aussi posent problème : «Le Palais de la culture, l'ancien garage Citroën qui a plus de cent ans, présente plusieurs fissures qui ont été cachées. Avec cette surcharge nouvelle, il y a danger, et même le CTC n'a pas été sollicité, alors que c'est cet organisme qui est garant de la responsabilité civile.» «Mais surtout, en quoi Constantine serait une capitale de la culture arabe si on ne met pas en valeur son héritage arabo-musulman ?, s'interroge l'architecte Ahcène Nefla. Où sont les mosquées, les fondouk, les zaouïas, etc. ?» «Parlons aussi du Zénith de 3000 places : a t-on vraiment besoin d'un tel équipement ? Qui va assurer sa maintenance ? Combien ça va coûter ? Pourquoi est-il situé entre deux importantes servitudes que sont l'autoroute et l'aéroport ?», intervient Khelifa. «S'ils veulent vraiment sauver cette manifestation, faudrait aller vers les Constantinois et oublier le wali, aller vers les gargotiers et les artisans et leur demander de faire ressortir ce qu'ils ont de Constantine en eux, tranche Azeddine Belahcene. Constantine ce n'est pas du tout des édifices géants et flambant neuf, c'est les échoppes et les artisans, les cafés et les ruelles qui rappellent des souvenirs, le passage de Ouettar ou d'un autre écrivain. La culture, ce n'est pas un énième concert de Mohamed Tahar Fergani, c'est plutôt écouter du Fergani assis dans un vieux café qui a une histoire, une mémoire. Et cela, ça ne coûte pas des milliards...»