C'est à partir de la villa Les Oliviers, sur les hauteurs d'Alger, résidence de l'ambassadeur de France en Algérie – occupée par le général De Gaulle lorsque le Comité français de libération nationale siégeait à Alger pendant l'occupation de la France par les nazis – que Jean-Marc Todeschini, secrétaire d'Etat français aux anciens combattants, a qualifié les massacres du 8 Mai 1945 de «déchaînement meurtrier». Réitérant les paroles du président François Hollande sur le 8 mai 1945 qui avait dit que «la France manquait à ses valeurs universelles» et rééditant le même geste «d'apaisement et d'amitié» que celui accompli par les ambassadeurs de France en Algérie en se recueillant devant la stèle de la première victime algérienne des massacres du 8 Mai 1945, la visite de Todeschini, pour ce 70e anniversaire – festif en Europe et ô combien de triste souvenir en Algérie – aura a été un acte de mémoire et de souvenir et non d'excuses. «Le 8 mai 1945, la République célébrait la victoire totale contre le nazisme. La France acclamait ses libérateurs en héros et célébrait la paix enfin retrouvée. Au même moment pourtant, ici en Algérie, la France manquait aux idéaux qui n'avaient cessé de l'animer», a souligné le représentant du gouvernement français dans son discours prononcé lundi soir en marge de la cérémonie de décoration de six Algériens, anciens combattants contre le nazisme, de la Légion d'honneur. «Je suis venu traduire par le geste l'hommage que la nation française doit aux victimes de ces journées terribles, aux milliers de morts algériens de Sétif, Guelma et Kherrata, ainsi qu'aux dizaines de victimes européennes», a indiqué Todeschini, en mettant encore une fois les victimes des deux bords sur le même pied d'égalité. Et d'enchaîner : «Ce déchaînement meurtrier annonçait les déchirements et les drames d'une guerre qui a longtemps tu son nom. Entre 1945 et 1962, un affrontement épouvantable allait faire en Algérie de trop nombreuses victimes, à la fois civiles et militaires.» Le message de la visite du représentant du gouvernement français est de tourner une page douloureuse où les deux peuples ont enregistré des pertes. «Ces pages noires font aussi partie de notre histoire ; elles nous obligent à la lucidité sans laquelle il n'y a pas d'avenir commun», indique encore l'émissaire français sans même évoquer le mot «massacre». Todeschini a précisé en outre que sa venue en Algérie était «d'abord pour rappeler ce que furent les sacrifices de tous les soldats algériens qui ont combattu sous le drapeau français». «Alors que le centenaire de la grande guerre va bientôt entrer dans sa deuxième année, j'ai une pensée pour les 175 000 soldats d'Algérie qui ont participé à la Première Guerre mondiale», dont «26 000 tués et disparus ne rentreront jamais en Algérie». Vingt ans plus tard, 150 000 autres algériens furent aussi embarqués dans une nouvelle guerre mondiale. Le secrétaire d'Etat français a affirmé que les deux pays progressent côte à côte sur des sujets essentiels au sein du comité intergouvernemental de haut niveau. «Parmi ces sujets, la question des disparus de la guerre d'Algérie me tient tout particulièrement à cœur», dit-il en notant que le ministre des Moudjahidine a montré sa disponibilité pour avancer sur ce dossier. Si les anciens combattants algériens qui ont participé à la Deuxième Guerre mondiale représentent «des liens qui unissent et uniront toujours nos deux peuples», indique Todeschini, des figures comme l'intellectuelle Assia Djebar et la combattante Germaine Tillion (qui entrera le 27 mai prochain au Panthéon de la République française) «nous montrent la voie, celle de l'amitié franco-algérienne, celle de la fraternité, celle d'un avenir partagé pour le peuple français et le peuple algérien».