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«La stratégie globale de lutte contre le terrorisme doit être révisée»
Anne Giudicelli. Spécialiste du terrorisme et fondatrice de Terrorisc
Publié dans El Watan le 16 - 11 - 2015

Fondatrice de Terrorisc, un cabinet de conseil sur les risques politico-sécuritaires, Anne Giudicelli est spécialiste du monde arabe et musulman. Elle est experte dans l'analyse du terrorisme et des mouvements islamistes dans les pays du Moyen-Orient et du Maghreb. Son expertise est régulièrement sollicitée par les think tanks, les centres de formation et les médias. Elle a récemment traduit de l'anglais le livre EI : au cœur de l'armée de la terreur.
- Est-ce que dans l'histoire de France, on a déjà assisté à des attaques de l'ampleur des attentats de vendredi soir ?
Il faudrait peut-être remonter loin, jusqu'au XIXe siècle, avec les actions des groupes anarchistes, si on exclut bien sûr tous les crimes de guerre. Ce type de terrorisme aveugle de masse, faisant un tel nombre de victimes, est une première dans l'histoire récente de la France. Même durant la guerre d'Algérie, sans prétendre avoir fait une étude comparative, il me semble qu'on n'a jamais connu des attentats avec un tel caractère coordonné et simultané, ciblant des civils.
- La revendication de Daech est venue très rapidement. Son communiqué a-t-il été authentifié ?
L'investigation continue. L'un de ses objectifs, c'est l'authentification du communiqué. Mais globalement, même sans ladite revendication. Une action menée par Daech était attendue compte tenu du mode opératoire et des menaces répétitives de l'organisation terroriste envers notre pays. C'était prévisible. Généralement, les responsables de Daech revendiquent très vite leurs opérations.
Comme on l'a vu avec l'épisode de l'avion russe qui s'est écrasé en Egypte, Daech a rapidement revendiqué sa responsabilité. D'ailleurs, jusqu'à maintenant, les Russes et les Egyptiens n'ont pas vraiment confirmé qu'il s'agissait d'un attentat. Parfois aussi, on attribue un attentat à Daech alors qu'il ne l'a pas revendiqué, comme les attaques d'Ankara. Les autorités turques ont désigné immédiatement Daech comme responsable de l'attentat…
- Et c'est ce qu'a fait le président français, François Hollande…
Oui, effectivement. Je pense qu'il l'a fait parce qu'il a eu le communiqué de revendication de Daech, certainement repéré sur les réseaux sociaux par les Services de renseignement. Néanmoins, il est vrai qu'il n'y a pas eu la procédure habituelle qui consiste à dire que l'enquête est en cours pour définir les responsables et éventuellement authentifier d'abord la revendication des attentats. Ce qui montre une certaine urgence, une fébrilité et une volonté politique d'afficher rapidement une transparence et de parler vrai à l'opinion.
- Comment expliquez-vous le mode opératoire, basé essentiellement sur des actions kamikazes pour la première fois en France ?
L'attentat-suicide à la ceinture explosive est un mode opératoire typique des fronts de guerre en Irak, en Syrie, au Yémen, etc. Même lors des récents attentats au Liban, je pense qu'au moins un des terroristes portait une ceinture explosive. Ce qu'on en retient, c'est la volonté claire de Daech d'exporter des méthodes et des équipements utilisés dans des pays en guerre vers des pays officiellement en paix. Les terroristes veulent ramener la guerre en France, qui est dans leur top-list des pays à cibler, mais aussi dans tous les pays qui font partie des alliances combattant contre Daech en Syrie et en Irak.
- Au-delà du caractère suicidaire des attaques, les témoins et les survivants parlent de jeunes terroristes avec un sang-froid et une maîtrise évidente des armes d'assaut. Que peut-on en déduire ?
La première déduction, c'est qu'ils étaient entraînés à l'étranger, forcément sur le front syrien ou irakien. L'un des terroristes identifiés est un Français qui se serait rendu en Turquie, selon les enquêteurs. Donc on peut facilement imaginer qu'il a franchi la frontière syrienne.
Ce serait donc un commando spécial qui a commis les attentats et non pas des loups solitaires, comme d'habitude ? Je ne sais pas si l'on peut parler de commando quand un Français se rend à l'étranger, reçoit une formation et revient pour frapper son pays. Le terme commando est utilisé en général quand des combattants bien entraînés sont chargés d'accomplir une mission ciblée, souvent à l'étranger…
- Justement, on parle de passeports étrangers retrouvés sur les corps d'au moins deux des assaillants. Peut-être que des jeunes Français sont conduits et encadrés par des éléments étrangers…
C'est vrai qu'on a retrouvé deux passeports, syrien et égyptien, sur les lieux des attentats. Si cela se confirme, on peut parler dans ce cas de commando. C'est-à-dire des éléments de Daech plus aguerris, qui auraient encadré des Français sans expérience de guerre ou ayant reçu un entraînement de courte durée.
- La nouveauté dans ces attentats, c'est aussi l'heure du passage à l'acte et les lieux ciblés. Que visaient au juste les terroristes ?
Le vendredi soir est le début du week-end, chez nous. Le Stade de France, les cafés, les rues et la salle de spectacle Le Bataclan étaient tous bondés. Les quartiers visés sont très vivants, il y a beaucoup de concerts, de bars, de boîtes de nuit, de restaurants, etc. Ils visaient donc simplement à tuer le maximum de personnes.
- C'est sûr. Mais notre question va chercher plutôt dans les motivations des commanditaires. On a vu dans les attaques précédentes que les cibles étaient choisies selon un prétexte politique ou idéologique : des soldats français musulmans considérés comme des mécréants, des juifs associés à Israël, des journalistes accusés de blasphème…
Il y a deux volets sur ce plan. D'abord, tous les sites qui peuvent être des cibles potentielles sont très surveillés et sécurisés par l'opération Sentinelle depuis les attentats contre Charlie Hebdo et le marché HyperCasher en janvier dernier. Ainsi, par exemple, il est presque impossible pour les terroristes d'atteindre des lieux publics fréquentés par la communauté juive comme les écoles et les synagogues. Du coup, c'est plus compliqué pour eux d'atteindre ce genre de cibles symboliques.
Ensuite, Daech n'hésite pas à orchestrer des tueries de masse contre des populations considérées comme ennemies. Il a toujours une justification pour le faire. Le civil pour cette organisation n'existe pas dès lors que ce sont les citoyens civils qui choisissent leurs dirigeants dans les pays démocratiques. Donc, ils sont considérés comme responsables et complices de leurs gouvernements qui mènent la guerre en Irak et en Syrie contre Daech. C'était déjà la même logique avec Al Qaîda.
- Puisque vous l'évoquez, quelle est la différence majeure entre Al Qaîda et Daech qui partagent la même allégeance à l'idéologue et prédicateur djihadiste Abou Moussab Al Souri ?
Vous avez raison d'évoquer ce personnage car il a beaucoup influencé à la fois les réseaux d'Al Qaîda et aujourd'hui ceux de l'Etat islamique (EI). C'est lui qui a mis en place la stratégie d'une guerre plus globale comme nous venons de le dire. Il pense que les cibles à abattre vont du politique et du religieux jusqu'au festif et le mode de vie occidental, haram selon lui. Tout ça fait une palette de cibles très large et c'est le plan que commence à exécuter Daech en France depuis vendredi soir.
Pour revenir sur la différence, il n'y a en pas de majeure.
Daech tient sa force de l'échec d'Al Qaîda en évitant l'erreur de cette dernière qui ne s'est pas dotée d'un territoire avant de passer à l'acte. Cette organisation n'avait à l'époque qu'un camp d'entraînement en Afghanistan. Le groupe Daech a fait l'inverse, en occupant un large territoire sur lequel il a presque fondé Etat. Ce qui a permis à ses dirigeants de faire une offre sérieuse de califat. C'est tout un système de gouvernance et de société…
- Ce qui rend Daech plus dangereux et plus solide, notamment sur le plan financier…
En effet. L'EI a un système d'autonomie financière et de gestion de services qu'on peut qualifier de publics (santé, habitat, denrées alimentaires, etc.). Il a ainsi des revenus d'impôts, de taxes et même des fonds qui viennent de la vente du pétrole.
Il se base aussi sur des économies parallèles et des trafics divers et variés. Ces filiales existaient déjà sous Saddam Hussein en Irak, notamment quand il s'agit de traiter avec certaines tribus. De fait, Daech bénéficie d'une grande attractivité en matière d'enrôlement d'hommes et de combattants étrangers.
- Pour revenir aux attentats de Paris, certains médias commencent à se poser des questions sur la compétence des services de renseignement français et leur capacité à empêcher des attentats de grande ampleur. Y a-t-il eu défaillance à ce niveau ?
Il faut d'abord dire que c'est très difficile de lutter contre ce genre de menaces. Mais je pense que notre stratégie globale de lutte contre le terrorisme doit être révisée. Il y a des manquements évidents dans la prévention. Le fait de ne pas pouvoir coopérer avec les renseignements syriens a compliqué davantage la tâche à nos services. Il faut revoir cela et aller vers le renforcement de la coopération avec les Turcs qui sont présents sur le terrain ; mais surtout avec les pays européens qui n'ont toujours pas une stratégie commune de lutte contre le terrorisme.
Sur le territoire français, un travail de fond doit être fait sur la surveillance des éléments déjà fichés. La plupart de ceux qui sont passés à l'acte sont connus des services de renseignement pour leur entrée dans un processus de radicalisation. Toutefois, en plus du volet sécuritaire, il faut privilégier les volets politique et diplomatique pour régler ce problème du terrorisme.
D'abord, il faut que nos politiques se posent les bonnes questions pour comprendre comment des jeunes Français se joignent à des forces étrangères pour frapper leur propre société et tuer leurs concitoyens. C'est un sérieux problème sociétal qu'il faudrait régler. Ensuite, la France doit s'activer sur le plan diplomatique pour détruire à la source les viviers du terrorisme.
- Cela nous amène à parler des conséquences des attentats sur le plan militaire. Des voix en France s'élèvent depuis quelque temps pour demander à se rallier à la proposition russe de sortie de crise en Syrie. Cette solution est-elle envisageable maintenant ?
Oui. On ne peut plus se contenter, comme à chaque fois, de rajouter une nouvelle couche de lois sécuritaires et de règles de privation de libertés. Qu'on verrouille tout, y compris les frontières, qu'on instaure l'état d'urgence, qu'on crée une situation exceptionnelle ne servira qu'à éviter des répliques terroristes dans l'immédiat. Sur la longueur, il n'y a pas de stratégie. Dans ces conditions, plusieurs hommes politiques et des militaires français sont favorables à une coalition unique contre l'EI.
C'est-à-dire, se rapprocher des Russes pour précisément être capables sur le plan militaire de détruire l'organisation. Jusqu'ici, la diplomatie française s'y opposait. Après les attentats de vendredi, je pense que la donne a changé. La dernière réunion à Vienne nous indique qu'on s'achemine vers une approche diplomatique de cette nature. Autrement dit, mettre en priorité la lutte contre l'Etat islamique, ensuite la mise en place d'un processus de dialogue entre le régime syrien et l'opposition et, en dernier lieu, négocier l'avenir de Bachar Al Assad.


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