Un méritoire hommage à la mémoire d'un artiste de la Chaîne 2 de la Radio nationale, un enfant de La Casbah d'Alger originaire d'Azeffoun, le regretté Meziane Rachid, de son vrai nom M'hamed Yala, a été organisé récemment à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. L'activité a été initiée par la direction de wilaya de la culture, en collaboration avec la maison de la culture Mouloud Mammeri, le théâtre Kateb Yacine et l'Ecole régionale des beaux-arts d'Azazga. Cette occasion a permis enfin de sortir de "l'ombre", en présence d'un nombreux public, dans la grande salle de spectacles de la maison de la culture, ce qu'était réellement l'artiste Meziane Rachid, tout au long de son parcours à la Chaîne 2 de la Radio nationale, intégrée en 1958, avec ses immenses valeurs humaines, cette "takbaylith" (ou "kabylité"), ces rares qualités de noblesse, sans distinction de race ou de sexe animant, sans jamais faillir, le regretté homme. Il faut reconnaître que durant tout ce temps de son exercice à la Chaîne 2, entrecoupé de passages, dans les années 1960, à Radio Paris (France) jusqu'à son départ à la retraite, puis son accident vasculaire cérébral (AVC) en 2008, qui le paralysa des années durant, jusqu'à son décès, le vendredi 9 octobre 2015, la majorité des immenses qualités humaines de l'artiste, compositeur, comédien radiophonique étaient restées quasiment à l'ombre. Il faut avouer aussi que la Radio Numydia (kabyle), basée à l'étranger, lui a rendu un hommage quasi ininterrompu, au lendemain de son décès, révélant par là les innombrables nobles facettes cachées de Meziane Rachid, parfois par le personnage lui-même, tant sa modestie et le don de soi qu'il renfermait étaient illimités. Ainsi, durant l'hommage rendu à Tizi Ouzou au compositeur disparu, c'est quasiment toute la composante de la Chaîne 2, anciens et nouveaux, notamment ses élèves au sein de ce média, comme ils se définissent eux-mêmes, et ses amis en général, qui ont défilé sur scène. Les uns pour interpréter les compositions qu'il leur a offertes, d'autres pour déclamer des poèmes à sa mémoire ou pour narrer des anecdotes vécues en compagnie de cet homme au grand cœur, et ce, en Algérie comme à l'étranger. C'est le cas de l'artiste Djidji, venue spécialement de Tazmalt (Béjaïa) pour chanter, de sa voix d'or et sous la magie de l'orchestre de Salem Kerrouche, Lawjavik mar ad yehdar, composée par Meziane Rachid pour l'autre diva qu'est Nouara. Face à la nombreuse assistance, parmi elle la famille de l'artiste, notamment sa sœur aînée et son épouse, Sid Ali Naït Kaci évoquera la composition Do-ré-mi, création propre de Meziane Rachid pour la Chaîne 2, les paroles des titres Tets chekkired iyid jeddik, Inejla yruh, chantés par feu Mehenni Amroun, comme il a composé pour Djamel Chir, pour Idir, telle que la chanson Essendou (baratter). Belkacem, l'animateur sportif "fou" de la Chaîne 2, à cause de son admiration pour la JS Kabylie et l'équipe nationale, comme l'appelaient ses anciens auditeurs, déclamera, en larmes, un poème à la mémoire de "Mon frère et ami à la radio, voisin dans notre quartier natal" (La Casbah d'Alger), lui promettant que «je ne dévierai jamais de la voie que nous avions toujours empruntée ensemble avec nos amis, jusqu'à ce que je te rejoigne…». Le jeune chanteur Malek Bachi, interprétera de son côté Essendou de Idir. Saïd Zaânoun, l'ancien compagnon aussi à la radio de Meziane Rachid, dira que ce dernier était, et tout son legs va également l'être certainement, un véritable "achvali" (cette amphore ou la jarre de conservation d'aliments) de connaissances infinies auquel l'on recourt à chaque fois qu'on est dans le besoin de savoir artistique. L'inénarrable Medjahed Hamid est invité, à son tour, par Boudjemaâ Rabah, le brillant animateur, qui ne s'est pas séparé une minute de son burnous blanc, à chanter quelques-unes des chansons que lui avait composées Meziane Rachid. Cet autre enfant de La Casbah, qui a eu la chance de côtoyer El Hadj M'hamed El Anka, le grand maître du chaâbi, avec Meziane Rachid, son compagnon à la radio et camarade du quartier natal, dira, sur un ton un peu ironique, pour atténuer quelque peu la peine ressentie au sein de l'assistance : «Vous voyez, en venant, je ne désirais pas vous chanter, car je vous ai énormément chanté déjà, vous connaissez tous mon répertoire. Mais bon ! Je vais chanter pour Meziane Rachid, l'immortel, à la mémoire de ce digne personnage au grand cœur…» Il racontera ensuite comment ils ont essayé, en groupe avec Meziane Rachid, de reproduire le son de la baratte (taxessayt u ssendou) lors de la composition de la musique pour Essendou, chantée plus tard par Idir. «Nous y remuons de l'eau et du sable avec ladite baratte, mais vraiment sans réussir...». Madjid Bali, Saïd Abbes de l'ONDA, Kaci Abdjaoui loueront encore les qualités humaines et la grandeur d'âme de Meziane Rachid. Toute une équipe de ses élèves : Karima Djenad, Zohra Ferhati, Hassiba, Thiziri du Chenoua…, émues aux larmes, évoqueront les méthodes et les techniques de parler au micro ou face à la caméra que leur inculquera cette «école, ce patrimoine immatériel qui n'a pas de prix» que représentait, pour eux et elles, Meziane Rachid. Une de ces filles dira : «En 1990, j'ai perdu mon père, mais à la radio, je retrouvais un autre père en Meziane Rachid... Je me souviens encore lorsque nous lui avions rendu visite en groupe à l'hôpital Parnet, nous trouvions sa fille à son chevet, venue de l'étranger. Au lieu de nous la présenter, il lui dira, à elle, tout heureux : "Tiens ma fille ! je te présente tes sœurs…". La cause du surnom de Meziane Rachid, pris, alors qu'il était adolescent (14-15 ans) à la radio, avec la complicité de Nordine Meziane, dit "Chikh Nordine", avec lequel il y travaillait, était, selon sa sœur aînée, Rabéa, pour ne pas s'identifier, vis-à-vis de la famille seulement, et surtout pour se donner un vrai prénom kabyle, Meziane. Le regretté artiste, dont les grands-parents sont originaires du village Ath Yahia (commune d'Azeffoun), compte dans ses archives plus de 1000 chansons écrites de ses mains, des dizaines de pièces de théâtre radiophoniques et des émissions de télévision. Il a laissé plus de 300 textes inédits dont une dizaine, chantés par Slimane Azem et qu'il avait composés lorsqu'il était avec ce regretté à Radio Paris, mais sans jamais les revendiquer, ainsi que d'autres pour Zerrouki Allaoua. A noter par ailleurs que dans la matinée de cette journée d'évocation du parcours de Meziane Rachid, l'universitaire, spécialiste du patrimoine culturel, auteur, éditeur et journaliste, Rachid Oulebsir, a animé une conférence au petit théâtre de la maison de la culture, suivie de la projection d'archives en possession de l'ENTV sur le parcours artistique de cet homme exceptionnel.