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«Je me sens profondément algérien»
Pisani Georges. 81 ans. Laitier, ancien soutien du FLN pendant la guerre, en quête de nationalité
Publié dans El Watan le 03 - 03 - 2016

«La nature des peuples est d'abord cruelle, puis sévère, puis clémente, puis délicate et, pour finir, dissolue...» Giambattista Vico
Trop d'occasions sont bonnes pour fustiger la culture de l'oubli, les amnésies coupables, mais il y a assez de raisons pour ne pas saluer les vies généreuses, confrontées aux périls au nom d'idéaux nobles, ceux de justice et des luttes contre toutes les oppressions.
L'Histoire, avec ses grandes embardées, est parfois ingrate. Ce ne sont pas toujours les destins généreux qui retiennent ses faveurs. «Nous, on n'avait pas d'armes, mais on contribuait, à notre manière, discrète et efficace. Nous apportions le soutien attendu aux combattants que nous hébergions, transportions et soutenions à travers les collectes d'argent. Sans fusils ni grenades, avec nos convictions, nous avions apporté notre modeste tribut à la Révolution».
Ainsi parle Georges, et ses propos me rappellent ceux que m'avait confiés, il y a plus de 12 ans, dans ces mêmes colonnes, un autre résistant, Sameur Embarek, dont la particularité est d'être lui aussi laitier. Dans sa série consacrée à la Guerre d'Algérie et dans Le temps des léopards, Yves Courrière, en parlant de Krim et Ouamrane, appelés d'urgence en Kabylie par Bitat, écrivit ceci : «Arrivés à la gare d'Hussein Dey, les deux hommes étaient descendus. Il y avait peu de chances pour que, dans une petite gare de banlieue, un agent ou un indicateur des RG reconnaisse les deux chefs kabyles.
Ils avaient gagné Belcourt, puis la boutique d'un laitier dans la Haute Casbah, où devait se faire le contact avec Bitat. Ouamrane, toujours friand de laitage, s'était fait donner, par leur hôte, un grand bol de lait caillé. Le laitier était un homme de confiance, et sa boutique l'idéal pour un contact discret. Mais qui est cet énigmatique homme surnommé le laitier de La Casbah ? Il s'appelle Sameur Embarek, militant du PPA/MTLD et du FLN.
Il avait côtoyé tous les grands dirigeants de l'époque, ainsi que Ahcène Laskri, Ahmed Laghouati, Boukadoum, Akli le plombier. Sa mission consistait en la collecte d'argent et d'armes.» Si Embarek facilitait les rencontres des leaders, Georges côtoyait des combattants anonymes qu'il hébergeait et transportait. Taiseux Georges est un petit homme de 81 ans, qui vaque tranquillement à ses activités d'éleveur de bêtes et de producteur de lait. Il incarne le travail propre et honnête, loin de ce milieu malsain, où l'argent tient lieu d'intelligence, sinon de vertu. L'argent, ah l'argent !
Un entretien ? pour quoi faire ?
Le programme de Georges est de produire, prendre la pelle et nettoyer l'étable, puis traire les vaches. L'argent ? Georges a quelques soucis avec, puisqu'il arrive à peine à joindre les deux bouts, avec une ardoise de 200 millions de centimes, une dette qu'il a du mal à honorer. Il a bataillé dur sans jamais équilibrer son budget. «On n'a aucune aide, on est totalement dans le brouillard», grogne-t-il.
Enfant de cette Méditerranée étincelante et tragique, dans laquelle plongent ses racines, Georges est d'origine maltaise. Eleveur, cela ne surprend pas.
Les Maltais sont connus pour élever les ovins, notamment les chèvres, qui s'adaptent à la topologie rocheuse de l'île. Mais Georges a décidé de s'occuper des vaches laitières. C'est son job et sa passion. Surtout ne lui parlez pas de chèvres. «Jamais on n'en a élevé. Je me souviens que jeune, à la fin des années trente, mon père m'emmenait au marché d'El Harrach, où il achetait des chevreaux qui finissaient dans la marmite».
Un apolitique réaliste
Le père Pisani Georges Clément, né le 23 novembre 1901 à Alger, était un fermier à l'endroit même où vit encore aujourd'hui Georges. Le père tient ce métier de son père né, lui aussi, à Alger, vers 1870. Georges précise : «Mon père, décédé en 1971, nous a appris à aimer cette activité. Nous l'avons suivi, mon frère et moi, sans contrainte ni pression, car on s'est vite adaptés au travail des écuries. Pendant la Guerre d'Algérie, nous avions poursuivi notre travail.
Les combattants du FLN venaient chez nous, où ils étaient nourris et hébergés dans une cache au grenier de la ferme. C'est moi qui les accompagnait dans notre camion à la gare d'El Harrach. Mon père leur établissait de faux titres de congé comme quoi il les employait. Ils n'avaient jamais été inquiétés. J'avoue qu'on avait peur. L'indépendance, on l'a vécue normalement, considérant que c'était inéluctable. Mon père avait accroché le drapeau algérien à la fenêtre de la maison.
Depuis, on a continué normalement à travailler. C'est le métier qui le voulait. A la mort de mon père en 1971, mon frère et moi avions pris la relève. On s'est débrouillés tous seuls sans l'aide de personne. On est nés parmi les bêtes, c'est pourquoi on ne pouvait changer. Vous savez, à 81 ans, je ne suis pas encore retraité ! Je n'ai même pas eu mon dû de la caisse de retraites au regard de mes années cotisées en tant qu'employé chez mon père», se désole Georges.
«Avant, l'écurie était prospère. Plus d'une cinquantaine de vaches laitières. Il en reste moins d'une dizaine. Certaines sont mortes à cause d'un mauvais remoulage. Elles avaient grossi démesurément et étaient forcément vouées à l'abattage. Nous nous battons pour préserver ce qui reste», raconte désabusée Mme Pisani née Benchohra Ouiza. «Sans aide aucune, on se débat seuls», se lamente la vieille dame retraitée de la Santé. Entre la politique et Georges, autant dire que le fossé est très grand. «Je ne m'y intéresse pas, lance-t-il d'un revers de la main, joignant le geste à la parole. Comme je côtoie depuis longtemps beaucoup d'amis progressistes, on me croit communiste. Un jour, quelqu'un est venu me poser la question si je l'étais vraiment.
Je lui ai répondu : ‘‘Si vous voyez mon passé politique, vous constateriez que dans ce registre, c'est écrit néant''», lance-t-il avec un grand éclat de rire. «Franchement, je n'ai à aucun moment pensé adhérer à un quelconque parti. A chacun son métier. Moi, je m'occupe de mes vaches, je suis fermier et je le reste», tranche-t-il serein. Les déboires, Georges en a connu. Il avait demandé une carte d'adhésion à l'Union des paysans algériens. On la lui a refusée, au prétexte qu'il est étranger. Pourtant, l'accès à la nationalité algérienne, il l'a constamment sollicité sans jamais avoir de réponse.
«Je me sens algérien. Je suis foncièrement attaché à ce pays où j'ai toujours vécu, où j'ai constamment défendu les valeurs de liberté, de justice et de solidarité. Même la régularisation de notre demeure est incompréhensiblement rejetée. Je l'occupe depuis 1935, et ce qui est risible, c'est qu'elle est inscrite comme bien vacant, alors que cela fait 81 ans que j'y habite sans l'avoir jamais quittée !» Dans le quartier où il vit, à l'est d'Alger, Georges est apprécié par ses voisins, de même que ses fidèles clients, qui ne tarissent pas d'éloges sur ses qualités humaines et sa générosité.
Georges attend depuis longtemps que le ministère de la Justice lui octroie la nationalité algérienne à laquelle il a postulé, en mettant en avant la participation de sa famille à la lutte de la Libération. «Notre participation active à cette noble cause s'est faite grâce aux conseils de sensibilisation prodigués par notre contact, à savoir Messaoud Lekbedj, membre de la cellule FLN de l'époque au niveau de la cité La Montagne. Lekbedj était également employé par ma famille en qualité d'ouvrier agricole. Notre ferme fut un refuge sûr pour les moudjahidine de passage durant plusieurs années, jusqu'à l'indépendance.
Mon cousin, Jean-Marc, a aussi travaillé pour le FLN, mais il n'a jamais eu de reconnaissance. Il possédait trois fermes à Cap Matifou, qui faisaient travailler une vingtaine d'Algériens. A l'indépendance, l'Etat algérien lui a confisqué tous ses biens. Reçu en audience par Ben Bella, il l'a supplié de lui laisser au moins une ferme pour poursuivre son activité et subvenir aux besoins de sa famille.
Le président Ben Bella a promis d'en référer au ministre de l'Agriculture. Jean-Marc n'a jamais eu de réponse. Il est reparti, déçu, en France. Il faut dire que tout le monde a vécu difficilement cette période trouble de l'histoire de l'Algérie». «Il y a des pieds-noirs ‘‘neutres'' qui n'ont jamais été menacés, mais qui sont quand même partis», se souvient Georges, qui nous exhibe un vieux tract de la Zone autonome émis par le FLN peu avant l'indépendance.
La nationalité tant attendue
«Aux termes des Accords d'Evian, l'Algérie de demain, en dépit des violences horribles qui ensanglantent notre patrimoine commun, vous ouvre de larges perspectives d'avenir. Cet avenir se fera dans la coopération entre les deux communautés appelées à vivre ensemble, nonobstant les crimes perpétrés quotidiennement par une poignée d'assassins de l'OAS.
Ces gens-là prétendent vous défendre mais, par leurs méthodes barbares, risquent de compromettre l'avenir que nous voulons fraternel.» Georges, bien évidemment, est resté sans qu'on le lui dise. Il affronte la vie comme tout le monde, avec ses hauts et ses bas. Il n'a jamais pensé partir car «partir, c'est mourir beaucoup», suggère-t-il. Généreux, il aime le peuple, mais évite la foule, c'est ce qui explique son caractère réservé, voire taciturne. Georges s'est converti à l'Islam en 2003 pour se prénommer Omar.
Georges a connu Cherif Hamia, le champion de boxe qu'il appréciait pour ses qualités techniques et sa manière de défier ses adversaires sur le ring. «J'allais souvent le voir à l'entraînement quand il était amateur. On ne se fréquentait pas, mais on se voyait. Je garde de lui l'image d'un grand styliste, qui a marqué son époque et les Algériens de notre génération. On avait juste vingt ans à l'époque ! Il m'a fait l'honneur de son amitié, de sa confiance. C'était un boxeur de génie, le plus doué de sa catégorie plumes. Il avait remporté le championnat d'Europe, mais aussi le prestigieux Golden Gloves le 16 juin 1953 au Chicago Stadium, au terme d'un impressionnant parcours de 200 combats.
On le surnommait Babyface. Il aurait pu devenir champion du monde contre le Nigérian Kid Bassey, mais il a perdu exprès, parce que le FLN lui a intimé l'ordre de le faire pour ne pas étrenner le titre sous les couleurs françaises. Cela aussi est une marque de courage et de patriotisme formidable. Dommage, car il a été confiné dans l'oubli après son décès en 1991. On aurait dû au moins baptiser une salle de sport en son nom, c'est la moindre des justices.»


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