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«L ́Algérien écrit-il sa propre histoire de l ́art ?»
Abdeslam Olivier Graïne. Sculpteur
Publié dans El Watan le 24 - 03 - 2016

Les gens veulent rêver, veulent être fier d´un bel espace dans leurs villes et villages et au final on ne leur offre que de la déception. L´Algérien est-il en train d´écrire son propre histoire de l´art ?
Quel regard portez-vous sur les fautes de goût observées récemment que ce soit dans la sculpture ou, parfois, dans les fresques murales qui ont, au final, " kitchétisé " villes et villages algériens ?
Personnellement, je pose dessus un regard de résignation chargé de dépit tant ces pratiques semblent irrésistibles. Ce phénomène, rassurez vous, ne touche pas que l´Algérie. Même en Europe, on assiste à des aberrations comparables à celles que l´on déplore en Algérie. Il y´a une sorte de mondialisation du Kitsch, que les richissimes collectionneurs imposent.
Les valeurs classiques de l´art n´y sont plus portées que par de rares intellectuels. Les marchés de statues et autres réalisations artistiques destinées aux espaces publiques, sont généralement attribués aux copains ou aux artistes à la mode défendus par les grands collectionneurs.
Sauf qu´on Europe l´entretien et la préservation de la beauté des villes, des monuments et du patrimoine classiques arrivent à estomper la vilenie.
En Algérie par contre ou les villes y sont fortement défigurées et délabrées, ces œuvres sont en écho avec ces bâtisses inachevables qui agressent le regard et qui blasphèment la beauté de la nature et des paysages fantastiques. Sans m'étaler sur l´analyse des choix des matériaux des supports et des aménagements qui sont, à mon sens, liés en très grande partie au sous développement industriel, la thématique, si elle semble bloquée à l´étage de la guerre d´indépendance , au culte du martyr et à l´éthno-kitsch ,elle n´est pas en soi source de laideur.
On peut faire d´un monuments aux morts ou d´une peinture murale revendiquant une identité des lieux de vie et de beauté urbaines. Il est toutefois déplorable que les commandes ne concernent jamais la mythologie, la poésie...
Du point de vue des objets eux même et aux " fautes de goût " récentes comme vous les appelez pudiquement sont le fruit d´un cercle vicieux. Elles révèlent d´un coté l´inculture des commanditaires et de l´autre les incompétences et les faiblesses des exécutants sans doute bien intentionnés qui n´hésitent pas un instant à accepter des projets qu´ils exécutent en des temps records via le kitsch et ses dorures par lesquelles ils nous offrent le meilleur d´eux mêmes.
Ceci dit il faudrait faire l´effort de les analyser séparément car leurs lacunes peuvent avoir des sources différentes.
La statue d'Ibn Badis a été l´œuvre d´un tailleur de pierre portugais chargé par son entreprise de réaliser un cadeau pour Constantine. J´ai bien analysé les photos de cet ouvrage et je dois vous avouer qu´il y´a quelque chose d´attachant dans cette figure qui rappelle celle d´un nain de jardin avec ses sabots énormes. Elle a néanmoins une cohérence plastique.
On trouve partout en Europe, notamment des figures de cette facture dite " naïve " sans autre ambition que de mettre en avant le folklore ou de représenter des icônes bibliques. Le vrai problème que pose cette grosse figurine censée représenter Ibn Badis ce n´est pas sa qualité intrinsèque, mais les responsables qui ont accepte ce cadeau et l´ont érigé avant que la population, donc le public, en décide de son débarras.
Le buste de Ben M'hidi quant à lui, et je le dis sans ironie, a sa place dans une galerie d´art-contemporain tant il est d´une subjectivité absolue et d´une expressivité singulière. Mais de là à l´ériger sur une place publique il faut un sacré courage que seule l´ignorance est capable de l´inspirer.
La mode des peintures murales que l´on appelle abusivement fresques et autres peintures sur biscuits de céramiques, sont en majorité le fait des enseignants des Beaux-arts et de leurs étudiants. Pour les uns pousses par un élan " scoutiste " et condescendant qui consistait à aller vers les " petites gens " en leurs apportant l´art au fin fond des villages et pour les autres ils ont simplement répondu a un besoin urgent en cache-misère : " opération d´embellissement de la ville d´Alger ", lancée dans les années 1980 par la Wilaya. Ces pratiques qui ont en commun le goût du Kitsch ont depuis fait école.

Les citoyens ont rejeté certaines statues, quel sentiment cela vous inspire ?
Il y´a dans la société un besoin réel de représentations monumentales (m?n?mentum [-i, n.] , de moneo " se remémorer " désigne toute sculpture ou ouvrage architectural qui permet de rappeler un événement ou une personne) et une attente féroce. Les gens veulent rêver, veulent être fier d´un bel espace dans leurs villes et villages et, au final, on ne leur offre que de la déception. Mais aujourd'hui´, les gens disent leurs refus et on assiste a des mouvements de contestations -inespérés - qui montrent que le niveau des citoyens est plus élevé que celui des responsables.
Ces actions citoyennes gagneraient à ce qu´on y attache l´importance qu´elles méritent tant elles sont riches d´informations et d´enseignements. L´Algérien, est-il en train d´écrire sa propre histoire de l´art ? L´enseignement que j´en tire et que les écoles d´arts doivent se multiplier par mille.

Est-ce qu'on peut dire que ces œuvres banalisent la laideur dans l'espace public DZ ?
Non seulement elle la banalise mais elles en deviennent l´école comme j´ai tenté de l´expliquer précédemment. Pour illustrer mon propos permettez-moi de citer quelques exemples. Récemment de retour dans ma ville natale, Béjaïa, la rumeur de la déstruction d´une énorme statue en béton représentant un soldat avait soulevé une vague d´indignation d´une partie de la population. Cette statue érigée en 1982, avait à l´époque unanimement choqué les Bougiotes qui ne souhaitaient qu´une chose : son enlèvement.
Elle était disproportionnée, anatomiquement fausse et trônait sur une placette très laidement aménagée et qui n´a jamais était adoptée et utilisée par les citadins, un " No Man´s Land " en plein cœur de la ville. Cette statue a vu naitre une génération entière qui a grandi à son pied. Quand sa destruction est devenue effective, elle a été vécue comme un traumatisme, la plus part des commentaires sur les réseaux sociaux parlent d´un repère d´enfance. Cette statue a été l´école du mauvais goût pour au moins toute la région.
Autre exemple, un buste monstrueux de Saïd Mekbel en ciment érigé sur une placette de très mauvaise facture est passé comme une lettre à la poste, sa destruction a soulevé la même indignation alors qu´il ne date que de 2014. Son remplacement par un autre en cire dorée de la même facture que le premier passe encore mieux. Celle du soldat aussi sera remplacée par une autre en résine dorée mais de taille plus raisonnable, c´est déjà cela de gagné.
Entre Tizi-Ouzou et Alger, une douzaine de statues dorées de facture douteuse qui longent l´autoroute font penser aux épouvantails des champs. Ils créent une atmosphère oppressante.
Le summum de ce gout du kitsch a été atteint à Alger au niveau de l'entrée du port, (gare de Tafourah) dans un monument érigé récemment toujours en lien avec la guerre d´indépendance. On y voit au centre d´un aménagement digne d´un décor de Star Trek, trois personnages, sans aucun lien les uns avec les autres, figés, crispés et pétrifiés, semblent en plein opération de téléportassions, leur couleur dorée aveuglante en accentue l´effet spécial.
L´art du " groupe " (le nom que l´on donne a une sculpture composée de plusieurs corps) nécessite de la virtuosité dans la composition, c´est le domaine le plus complexe de la sculpture.
Comme ce monument est situe à l´entrée d´Alger, il faudrait se préparer a la prolifération de cette " faute de goût " a travers tout le territoire Algérien, Alger étant la capitale, elle donne par conséquent le là. Il existe pourtant de bons exemples, je cite la statue du zéphyr a Bejaia, Ain Fouara a Sétif et même les statues du monument aux morts d´Alger, surnomme a dessein " Houbel " donc voué a la destruction. Mais ces exemples pour être suivis, nécessitent des efforts, des sacrifices, beaucoup de temps et des capacités, à contrario, les " fautes de goût " ne font appel qu`a la cupidité pour être suivies.
L´art dans l´espace public, interpelle d´une façon directe et surtout permanente le spectateur et vit parmi les citadins et les villageois. C´est donc une responsabilité énorme que l´on prend quand on décide de l´ imposer au public. Des générations grandiront autour, elles s´y identifieront. Ces œuvres deviendront leurs repères, des icones et des sources de vocations et de poésies quand elles sont réussies et des écoles du laid quand elles sont ratées.

Pourquoi, selon vous, la sculpture ne parvient-elle pas à avoir la place qui lui sied en Algérie ?
Cela est dû à l´absence d´écoles spécialisées. Dans les années 1990 l´opposition des enseignants et des responsables de l´Ecole supérieure des Beaux-arts d´Alger a la création d´un département d´excellence dédié à la sculpture statuaire alors que tous les ingrédients étaient réunis y est aussi pour quelque chose.
Cette école (et ses annexes ou écoles régionales) si elle reste relativement valable quant au développement personnel et permet à des artistes d´éclore, elles demeurent incapable de prendre en charge la sculpture statuaire qui nécessite des compétences et des enseignements spécifiques que cette école ne possède plus.
La sculpture statuaire ne s´improvise pas, sa maîtrise nécessite le suivi d´ un cursus laborieux et rigoureux sur au moins cinq années sous la houlette d´un professeur qui en maîtrise toutes les techniques. Un maître. C´est à dire qui a été reconnu et qualifie pour ce job par un professeur qui a une longue pratique de cet art et que lui même est sorti d´un atelier de maitre. Et on peut remonter ainsi jusqu´a Donatello.
Ce cursus est basé, sur, entre autres, l´étude répétitive et évolutive du corps humain (modelage et dessin) a l´aide de " l´instrument " du modèle vivant. Parallèlement il s´agit de créer des compositions de corps humains sans recours au modèle. D´année en année on perce le secret de ce qui fait la vie dans un corps et le défi, donc l´art, consiste a la traduire en langage sculptural. Cette traduction est la partie abstraite, poétique et subjective de cette forme de Sculpture.
Car, il n´est pas seulement question de réaliser des personnages proportionnés et anatomiquement justes, ce qui est déjà énorme, mais il faudrait encore arriver à leur insuffler la vie, poétiquement parlant. Et la singularité qui fait que l´on distingue l´œuvre d´un artiste de celle d´un autre.
En 1990 le professeur El Hourdir Boulaine fraichement sorti de la prestigieuse académie Repine de Saint-Petersburg, ou il avait comme professeur le grand sculpteur Anikouchine, avait entrepris de développer la sculpture statuaire a Alger en lançant la graduation spécialité sculpture.
Son enseignement, posait deux gros problèmes ; l´un aux autres enseignants et l´autre a l´administration. Le premier concernait la nécessité de recruter des modèles vivants pour poser nus . Le second concernait la matière " dessin " .
Cette dernière devait se mettre au service de la spécialité. Si pour le " nu " l´obstacle était d´ordre administratif voirz politique, pour le second il s´agissait de la non maitrise du dessin classique par les enseignants charges de cette matière. Ce qui nous a oblige nous étudiants a lancer un grand mouvement de protestations. Hormis M. Krid prof d´histoire de l´art, tous les autres se sont ligués contre nous et nous ont combattus. Comme nous étions minoritaires c´est leur école qui a gagné. Ils avaient une vision fanatisée de ce que devrait être l´art, il fallait absolument et bêtement imiter l´école de Paris et autre.
Pour eux, M. Boulaine , faisait de l´art soviétique car il a étudié en URSS , un raisonnement simpliste et surtout un jugement erroné.
L´académie Repine fut fondée en 1757 sur le modèle de l´académie de Paris et de Rome ; elle est reconnue et respectée dans les plus grandes capitales du monde ou elle est une référence sauf a Alger qui l´a snobée.
Nous n´avions rien contre qu´il y est plusieurs visions, mais eux étaient contre que nous installions la notre. C´est aussi cela la pensée unique, elle n´est pas propre au " FLN ", elle est plurielle.
Notre vision découlait de la nécessité de former des peintres et des sculpteurs qui maitriseraient ces arts dans leurs entendements classiques. Ils deviendraient a leurs tours des transmetteurs pour qu´a terme se crée une vraie tradition et se sécularise la pratique des arts, c´est l´académies. Nous considérions que le pays en avait besoin, il en a d´ailleurs toujours besoin puisqu´il reste a construire.
Nous tirions notre vision des réalités d´un pays, pendant que nos detracteurs étaient obnubiles par l´idée de faire partie du " monde ", d´être a la mode ; je crois que c´est qu´on appelle la haine de soi. D´ailleurs , leurs arguments quant au bien fonde de leurs enseignements,c´est que des étudiants sorties de l´école d´Alger et autre, sont reconnus en France et sont même des stars mondiales. Comme si nous devions encore nous prouver a nous mêmes que nous ne sommes pas des tares et que pour en avoir le cœur net, il nous fallait nous faire accepter dans la cour de nos anciens maitres.
L´école des Beaux-arts d´Alger, est restée une annexe platonique de celle de Paris. Quand je lis que le Haut Commissariat a l´Amazighite, croyant bien faire , en confiant l´organisation du concours pour la réalisation d´une statue de Massinissa a cette école, je dis qu´il faudrait s´inquiéter. Cela reviendrait a confier la flamme fragile d´une bougie au vent. J´espère sincèrement me tromper.
Par ailleurs, il faudrait aussi souligner l´importance de l´urbanisme et de l´architecture, car ils précédent la sculpture. Il faudrait au moins commencer par crépir et peindre tous ces murs aux briques apparentes et construire de vrais trottoirs et de vraies places avec des matériaux adéquats et durables sur les bases de réflexions d´architectes qui maitrisent leurs sujets et exécutes par des artisans formes. La sculpture suivra.


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