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Maghnia, la reine des épices
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Publié dans El Watan le 10 - 06 - 2016

En graines ou en poudre, la multitude d'épices qui agrémentent nos plats donnent à ces derniers des saveurs exquises. Un savoir-faire qu'El Watan Week-end vous fait découvrir.
L'une à côté de l'autre, les épiceries forment un tableau de dunes aux multiples couleurs, riches en parfums, ornées de différentes graines et plantes arômatiques. Au marché couvert de Maghnia, dans la wilaya de Tlemcen, au boulevard du 1er Novembre, il est 7h du matin, les marchands se préparent. 11heures, les étals des épiciers sont quasi remplis et ne se désemplissent pas de clients jusqu'aux alentours de 18h, une heure avant la fermeture du marché. C'est un marché de référence : on y vient d'Alger, d'Oran, de Aïn Témouchent ou même de Sétif et de Constantine… Chaque année, à l'approche du mois sacré, des centaines de personnes venues des quatre coins du pays s'y rendent.
La ville s'est forgé une réputation parmi les populations algériennes pour la qualité de ses produits. Entre fraude et fermeture des frontières, ce vieux marchand d'épices a peur pour l'avenir du métier d'épicier. «On a peur que l'épicerie disparaisse, car malheureusement peu de jeunes s'intéressent à cette activité ; certes, elle nous procure une vie digne, couvre nos besoins, mais sans plus. Mais elle ne peut pas nous permettre de faire de gros projets», s'inquiète Ramdani Boumedienne.
Et de continuer : «Autrefois, on ramenait notre marchandise du Maroc, mais malheureusement la fermeture des frontières a un peu paralysé le marché. On est obligé de trouver une marchandise aussi bonne que celle du Maroc, mais cela reste difficile.» De son côté, Abdelkader assure que «depuis la fermeture des frontières, on a enregistré la fermeture de plusieurs magasins et on a peur que l'épicerie commence à disparaître.
Leur réouverture est très importante pour nous.» Avec la fermeture des frontières algéro-marocaines, les commerçants vendent des épices du sud-est asiatique, Inde, Chine, Pakistan, mais aussi d'Iran et de Turquie, mais cela n'empêche pas que la marchandise marocaine est toujours disponible sur le marché. Sur place, Bendris Wacini, un retraité, nous raconte son expérience avec la fraude. «A Oran, mon frère a eu de sérieux problèmes de santé à cause de sa consommation de paprika frelaté. Les analyses ont montré que le produit consommé contenait un taux élevé de poussière de brique rouge. Qui dit épices de Maghnia, dit confiance et qualité, c'est pour cela que cette ville est devenue une destination pour les épices», raconte-il.
Expérience
Par ailleurs, Rabah Krim, un consommateur de la même ville, affirme : «Il est vrai que la matière première provenait depuis longtemps du Maroc, mais ces dernières années les commerçants de Maghnia ont commencé à mettre leur touche dans la confection des différentes épices. Ils ont appris de leur expérience avec les Marocains et ont adopté cette activité dont ils émergent de plus en plus», explique-t-il, soulignant que «l'Algérie possède toutes les conditions nécessaires pour faire de cette spécialité un commerce et un atout économique.
Ce qui manque, c'est la formation de nos agriculteurs traditionnels et la volonté des autorités.» Selon l'experte en qualité, agriculture et environnement, Amina Younsi, «les plantes aromatiques seraient cultivées surtout dans les régions sèches ou dans le Sud, car la concentration des huiles essentielles par exemple est plus forte et donc les produits seraient d'une qualité originelle et originale.
Même s'il y a des épices que nous ne pouvons pas produire, ils ne sont pas nombreux par rapport à ceux que nous pouvons produire». Pour le safran par exemple, l'experte affirme qu'il est produit en Algérie dans la région de Khenchela. «La demande sur cette épice est importante, mais il n'y a pas de prise en charge par les autorités concernées pour son développement commercial. Le safran produit se vend à bas prix alors qu'il a des qualités certifiées et peut être labellisé ! Mais tant qu'on continuera à bricoler, on ne pourra jamais parler un jour de filière ni de diversification de l'économie», explique-t-elle.
Pour sa part, le Dr Sihem Tellah, enseignante-chercheure au département «Productions végétales» à l'Ecole nationale supérieure agronomique (ENSA), affirme : «Malgré le fait que l'Algérie possède un patrimoine très riche en plantes vertueuses que nous devons recenser et valoriser, elle importe presque la totalité de ses besoins en épices, en huiles essentielles et en plantes aromatiques et médicinales ; pourtant, on peut produire ces épices ici chez nous à l'instar des pays du Maghreb.» Pour elle, la faute revient au manque de recherches et d'études. «Malgré les efforts des chercheurs, les plantes aromatiques restent très peu étudiées en Algérie. La conservation et la valorisation de ces plantes deviennent donc urgentes.
L'identification des sites de culture traditionnelle de ces plantes suivie par des missions de prospection et de collecte semblent indispensables pour l'établissement de collections des Plantes aromatiques et médicinales (PAM), ainsi que les savoir-faire populaires qui leur sont associés avant leur complète disparition», souligne le docteur. Pour valoriser cette richesse en plantes aromatiques, le Dr. Sihem Tellah propose d'acquérir une formation théorique et pratique dans le domaine des plantes médicinales et aromatiques, les valoriser et les protéger et enfin apprendre à les exploiter.
Le choix
Abdelkader a choisi la vente d'épices depuis les années 90'. Pour lui, cette connaissance en la matière revient à la grande cohésion qu'il y a entre les habitants des deux pays frontaliers, l'Algérie et le Maroc. «Ce savoir-faire se transmet de père en fils chez nous. La plupart des vendeurs d'épices de Maghnia ont appris ce métier de leurs parents. C'est une activité qui distingue notre wilaya des autres régions du pays, on a été élevés et on a grandi avec», témoigne-t-il. Et de poursuivre : «Les Maghnaouis ont adopté cette activité dans les années 70', mais c'est surtout dans les années 90' qu'elle a émergé.
A cause des conditions sécuritaires du pays à cette époque, Maghnia était une destination pour de nombreuses familles qui ont laissé leurs biens et se sont installées ici. Beaucoup d'entre elles ont choisi la vente d'épices comme profession.» Dans sa boutique située à l'intérieur du marché couvert, Abdelkader reçoit au quotidien plusieurs dizaines de clients et même des commerçants venus en quête d'épices. «Maghnia est devenue une destination pour les consommateurs et commerçants d'épices.
Nous recevons des clients des différentes régions du pays, en particulier avec l'arrivée du mois de Ramadhan, et ce, pour les épices traditionnelles ou les mélanges modernes». En effet, en plus des produits classiques qu'on utilise depuis plusieurs années, aujourd'hui plusieurs dizaines de nouvelles épices sont disponibles sur le marché. Des mélanges spéciaux destinés à des plats particuliers, tels l'épice spécial h'rira, tajine, poulet, poisson ou même salade ! Pour l'épicier, cela est dû à «l'évolution de ce domaine».
Djamila, 50 ans, a fait de l'achat et la vente d'épices son boulot. «D'une période à l'autre, je viens de Aïn Témouchent pour acheter des épices que je revend chez moi pour une clientèle particulière. J'ai fait de ça un métier, et Dieu merci il me permet de vivre dignement», témoigne-t-elle. Djamila a choisi Maghnia car, selon elle «on y trouve des goûts et des mélanges qu'on ne trouve pas ailleurs tels le mélange spécial hrira, poisson, poulet, tajine… Aussi, les prix d'ici sont plus bas qu'ailleurs. Par ailleurs, quand j'achète d'ici, je suis sûre que c'est un vrai produit non trafiqué ni mélangé à d'autres ingrédients intrus. Les épices d'ailleurs n'ont même pas la même odeur.»
Fraudeurs
Ramdani Boumedienne, 78 ans, est le plus vieux marchand d'épices de la ville. Sa boutique située en dehors du marché couvert est un symbole d'ancienneté et fidélité à ce métier. «J'ai commencé cette activité à l'âge de 14 ans, j'étais élève à la mosquée la matinée et vendeur d'épices l'après-midi et je n'ai jamais changé d'activité depuis», se souvient ce vieil homme aux yeux bleus. Selon lui, la particularité des produits vendus à Maghnia comparés à ceux des autres régions vient du fait que les artisans épiciers «n'essayent pas de tricher et à leur savoir-faire.
On s'y connaît dans ce domaine et notre expérience nous permet d'avoir une clientèle fidèle.» Afin de gagner en quantité, certains fraudeurs mélangent aux épices des ingrédients et des produits qui ne peuvent rentrer dans la vraie composition. Abdelkader affirme cette hypothèse. «Beaucoup de commerçants achètent leurs épices d'ici, mais trichent et les mélangent à d'autres ingrédients avant de les revendre. Par exemple, le couscous ou berkoukes noir est moulu et mélangé à du poivre noir. Malheureusement, ce phénomène connaît beaucoup d'ampleur, en particulier dans d'autres régions de l'Oranie. Concernant les commerçants d'Alger, je n'ai pas d'informations sûres», assure-t-il.
Agé de 31 ans, Redouane Houibi a passé sept ans chez un des plus grands spécialistes en épices de la ville. «Mon maître m'a tout appris du métier et j'arrive aujourd'hui à transmettre mon savoir à d'autres.» Il partage son magasin avec son petit frère Mohamed, 25 ans. Tous deux ont choisi la vente d'épices comme métier et gèrent un grand magasin au cœur du marché couvert. «J'ai choisi cette activité parce que je l'ai aimée dès mon plus jeune âge et j'ai toujours voulu avoir mon magasin à moi. Maintenant que j'ai ce que je voulais, il est clair que je ne vais jamais changer de métier», raconte Redouane.
Il explique que pour éviter la contrefaçon, «on ramène nos épices en graines et on les écrase nous-mêmes. C'est vrai que cette méthode signifie qu'il faut plus de temps, de dépenses et de travail, mais elle nous permet d'avoir des produits de qualité.» Les frères Belbachir, enfants de Cheikh Rabah, sont issus d'une famille connue depuis longtemps pour leur travail dans le domaine. El Bachir Belbachir, 48 ans, a fait de l'épicerie son métier depuis 1985.
Défis
Avec son frère Djamel, il a appris ce métier dès son plus jeune âge auprès de son père, attar (épicier) depuis les années 70'. «Notre famille s'est spécialisée depuis longtemps dans ce métier et notre particularité vient de notre façon de préparer les produits», assure El Bachir. «Il y a beaucoup d'épices qui nous viennent des régions du Sud, mais malheureusement leur culture n'est pas organisée et prise en charge pour les promouvoir et en faire une force économique.
Par ailleurs, il y a un vide terrible dans la formation de nos agriculteurs dans le domaine des épices. Les autorités ont beaucoup négligé ce point», se désole l'épicier. Rabah Krim, un consommateur et habitant de la ville est du même avis. Pour Ahmed Belkheir, un activiste de la région, l'épicerie est surtout un «défi» pour les maghnaouis. «Cette activité est un défi pour les habitants de Maghnia qui veulent faire de cette ville l'eldorado algérien des épices.
Cette spécialité est une bonne façon pour changer les fausses étiquettes et l'image négative qu'ont les gens de cette ville et montrer un bon exemple de fidélité et transparence dans le travail. Pour arriver à ce but, on veut que les autorités nous aident. Le marché principal où se vendent les épices est dans un état de délaissement et d'abandon total de la part des autorités locales», lance-t-il.
En effet, autour du marché couvert aux plusieurs entrées, des dizaines de commerçants installent leurs étals de vente ou vendent carrément par terre. La marchandise est déposée au milieu des poubelles, des égouts qui débordent et la mauvaise odeur qui règne. A l'intérieur, entre les magasins fermés, les murs mal peints, les toiles d'araignées couvrent le plafond… Côté entretien, on peut dire que le marché couvert de Maghnia ne renvoie pas à l'image attendue. Réalité qui provoque le mécontentement des commerçants.
Mustapha, un vendeur d'épices le fait savoir : «Les commerçants payent toutes les charges afin que le marché soit entretenu, mais sur le terrain rien n'est fait. Aujourd'hui, j'ai reçu une nouvelle marchandise pour le Ramadhan, le livreur n'a même pas trouvé une place où se garer.» Si Mohamed, un vendeur de légumes depuis 41 ans le rejoint : «Ce marché a été rénové et a nécessité une enveloppe très importante, mais, malheureusement, le suivi et l'entretien font défaut. On se débarrasse de nos poubelles nous-mêmes alors que toutes les charges sont payées par les marchands... On n'a même pas eu droit à un sanitaire!»


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