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Le bien-fondé historique du Congrès de la Soummam
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Publié dans El Watan le 16 - 08 - 2016


Par Ali Mebroukine
Professeur d'université
Il y a 60 ans, se tenait dans l'actuelle commune d'Ouzellaguène (villages d'Ifri et d'Ighbane), un Congrès qui eût pu rester dans l'histoire de l'Algérie contemporaine comme la première pierre de l'édifice d'une protonation algérienne, n'était la récupération que firent de son socle idéologique les prétoriens qui réussirent à marginaliser, dès le mois d'août 1957, le maître d'œuvre de la Plateforme de la Soummam et l'architecte de la Révolution algérienne, Abane Ramdane.
A cause de l'échec de la stratégie des partis politiques et associations (UDMA, PCA, Association de oulémas, etc.), favorables à la poursuite du dialogue avec la France coloniale pour obtenir l'égalité des droits et aussi à cause de la violation par les gouverneurs successifs de l'Algérie du statut du 20 septembre 1947, lequel était pourtant très en deçà des demandes autochtones, la nécessité d'organiser un vaste rassemblement des forces politiques s'imposait irrépressiblement. C'est à Abane Ramdane que l'on doit l'idée de transcender les clivages partisans devenus anachroniques, au regard des enjeux majeurs que représente la conquête de l'indépendance. Il s'agit aussi de domestiquer, grâce à une organisation rigoureuse et hiérarchisée, les tendances centrifuges de la résistance algérienne qui demeurèrent, malgré tout, un invariant du FLN/ALN, comme le révélera cruellement la crise de l'été 1962. Abane restera une figure tutélaire du Mouvement national.
Activiste dans le PPA/MTLD clandestin, après les massacres du 8 Mai 1945, il est également membre de l'OS dont les principaux éléments allaient créer, en mars 1954, le CRUA sur lequel reposera la responsabilité de préparer et de déclencher la Révolution du 1er Novembre 1954. Il est arrêté par la police française en 1950, dans l'affaire dite du complot de l'OS, et sera condamné à cinq ans d'emprisonnement, 10 ans d'interdiction de séjour et 10 ans de privation de ses droits civiques. Il sort de détention le 18 janvier 1955, autrement dit moins de trois mois après le déclenchement de l'insurrection. Mais déjà, à la prison d'El Harrach, à l'été 1954, il est informé des préparatifs de la Révolution et fait même partie d'un groupe informel de 12 personnalités chargé d'encadrer l'insurrection. La légitimité historique de Abane était donc irrécusable. De ce point de vue, il était le seul, avec Larbi Ben M'hidi, à pouvoir exiger, ultérieurement, des chefs militaires, l'alignement sur une plateforme dont les garants devaient être, en dernier ressort, les seuls politiques.
LES OBJECTIFS DU CONGRÈS
Trois préoccupations guidaient Abane dans la préparation du Congrès de 20 Août 1956 : l'inventaire objectif des moyens matériels et de la logistique à la disposition du FLN/ALN, l'élaboration d'un document exhaustif explicitant les buts et les moyens de la Révolution algérienne, les droits et obligations de ses responsables, le rejet a priori de toute confiscation de la décision politique par une seule autorité, fut-elle auréolée d'un charisme unanimiste. Il s'agissait également de doter la Révolution de nouvelles institutions et de professionnaliser l'ALN (en la pourvoyant d'une hiérarchie et de grades allant de sous-officier à officier supérieur). La décision la plus importante est évidemment la création du CNRA, sorte de Parlement composé de 34 membres (17 titulaires et 17 suppléants). C'est ce Parlement qui sera dépositaire de la souveraineté nationale et dont les décisions seront prises sur la base du principe de la collégialité. Dans ce sillage, un vaste programme de réorganisation des structures de l'ALN est adopté avec la création de six Wilayas et la transformation de la capitale, Alger, en zone autonome. Le gouvernement du CNRA est un organe exécutif, baptisé CCE, composé de cinq membres : Abane, Krim, Ben M'hidi (ces deux derniers étaient membres du CRUA) et deux anciens centralistes, Benyoucef Ben Khedda, qui sera le second président du GPRA à partir de 1961, et Saâd Dahlab, futur négociateur des Accords d'Evian. Il était également essentiel d'encadrer la société civile et de l'impliquer totalement dans le combat contre le colonialisme. C'est ainsi que Abane dut faire appel aux représentants de l'UGTA, de l'UGEMA et de l'UGCA (cette dernière, sollicitée pour contribuer au financement des activités du FLN/ALN).
L'OECUMENISME POLITIQUE D'ABANE
Il a été fait reproche à Abane de vouloir rassembler sous la large bannière du FLN le salmigondis de personnalités politiques provenant de formations politiques ayant eu en commun une profonde circonspection à l'endroit du FLN. En fait, Abane ne fit que prendre acte d'une situation politique objective caractérisée par le refus délibéré du lobby colonial d'accorder quelque concession que ce soit au mouvement national réformiste, cependant que celui-ci, las de promesses non tenues par les représentants de la France coloniale, avait décidé de se radicaliser. Il faut savoir que les élus algériens quittèrent massivement l'Assemblée algérienne qui fut dissoute en avril 1956. Abane ne pouvait pas refuser le ralliement au FLN de personnalités qui avaient adoubé la stratégie maximaliste du FLN/ALN, consistant à poursuivre la lutte armée jusqu'à l'indépendance. Refuser la main tendue aurait affaibli la position de Abane vis-à-vis de chefs militaires peu enclins à entériner le principe de la supériorité du politique sur le militaire et aussi prendre le risque de pousser certains milieux, relativement ouverts du lobby colonial, à récupérer ces transfuges potentiels et ainsi diviser le mouvement national.
LA CONTESTATION DE LA LEGITIMITE DE LA PLATEFORME DE LA SOUMMAM
Le Congrès de la Soummam accouche de deux Tables de la loi que Abane aurait voulues immarcescibles : la primauté du politique sur le militaire et celle de l'intérieur sur l'extérieur. Mais parce que le Congrès de la
Soummam se tient en l'absence de la Délégation extérieure, que les Aurès ne pourront déléguer aucun représentant, que les zones de l'Est (réputées peu actives contre le colonialisme) ont été mises sous le boisseau et qu'enfin la Fédération de France n'y avait pas non plus été conviée, l'événement d'Ifri va ouvrir la voie à un affrontement sévère pour le leadership. Ahmed Ben Bella, notamment, ne reconnaît aucune légitimité au Congrès de la Soummam, alors même qu'il fait partie, au même titre que Hocine Aït Ahmed, Mohamed Khider et Mohamed Boudiaf, des 17 membres titulaires. S'il veut bien concéder que le CNRA peut se prévaloir d'une certaine représentativité (au regard de la qualité de ses membres), le CCE, en revanche, en est totalement dépourvu à ses yeux, car sa composition porte l'empreinte indélébile du seul Abane Ramdane.
Ahmed Ben bella y ajoute d'autres griefs d'ordre idéologique qui lui paraissent fondamentaux : le tropisme séculier de la Plateforme qui élude la place centrale de l'islam qui demeure le principal facteur de mobilisation des populations, la francophilie de Abane qui l'amène à associer au Congrès des éléments de confession juive et des représentants de la minorité européenne (pourtant tous partisans de l'indépendance de l'Algérie). La tonalité gratuitement et puérilement antikabyle du réquisitoire instruit contre Abane est notoire et rappelle les circonstances dans lesquelles avait éclaté la crise berbériste de 1949. Pourtant, les objectifs du Congrès de la Soummam ne souffrent aucune réserve ni du point de vue de la volonté de ses initiateurs de libérer le plus vite possible notre pays du joug colonial ni de celui de refuser de jeter l'exclusive sur aucun clan ou faction du FLN/ALN (à l'exception des messalistes engagés militairement contre le FLN, devenu leur seul ennemi). Pour Abane, l'impératif catégorique consiste à construire les linéaments d'un Etat algérien dont la solidité et la cohérence des structures serait le prélude à l'éclosion d'une nation algérienne, encore mythique en cet été de 1956 ; la société algérienne étant encore profondément travaillée par les liens primordiaux et trop segmentée pour penser son avenir dans le cadre d'un projet national. Concrètement, le FLN/ALN se bat pour obtenir une indépendance totale, recouvrer l'intégralité du territoire (Sahara compris, qu'ultérieurement les négociateurs français d'Evian chercheront, sans succès, à soustraire à la souveraineté algérienne).
Il entend également instaurer une République démocratique et sociale, excluant le retour au féodalisme, à l'exploitation de l'homme par l'homme, et plus encore prévenir l'émergence d'une forme ou une autre de théocratie, même s'il est vrai que la référence à la République démocratique et sociale est, en apparence, assortie d'une restriction, tenant au respect des «principes de l'islam» (ce qui ne diminue en rien la sécularisation projetée des institutions futures, mais qui vient seulement rappeler les origines musulmanes de l'Algérie). Enfin, Abane considérait que la minorité européenne, désireuse de rester en Algérie dans le cadre d'un Etat algérien indépendant, pouvait se recommander d'une algérianité incontestable et que notre pays pouvait difficilement se passer de son concours au lendemain de son indépendance, sauf à subir une «indépendance clochardisation» qui se produisit, hélas, tant il est vrai que la France coloniale n'avait eu de cesse, 132 ans durant, que d'écarter les Algériens de toutes les responsabilités et des fonctions importantes, surtout dans l'administration. Aussi bien, les imprécations de Ben Bella étaient-elles toutes fantasmagoriques et ne visaient qu'à discréditer Abane et faire obstacle à la montée en puissance d'une élite politique issue des centralistes qu'il abhorrait viscéralement.
LA PRIMAUTE DU POLITIQUE ET CELLE DE L'INTERIEUR
C'est sur les deux principes de la supériorité du politique sur le militaire et celle de l'intérieur sur l'extérieur qu'il est possible de prolonger la réflexion engagée depuis longtemps par les historiens algériens et étrangers. Pour Abane, la supériorité du politique sur le militaire signifie que le combat mené pour l'indépendance est d'abord politique. Ceux qui détiennent des responsabilités opérationnelles dans le haut commandement militaire sont placés sous la hiérarchie des politiques. Quant à la supériorité de l'intérieur sur l'extérieur, Abane n'entendait pas que les membres de la Délégation extérieure fussent coupés du théâtre des événements politiques et militaires encalminés sur le seul territoire algérien, puisqu'aussi bien le Maroc que la Tunisie — qui viennent de se voir accorder l'indépendance, respectivement le 3 mars 1956 et le 20 mars de la même année — excluent de s'impliquer dans la lutte armée algérienne. Le processus d'internationalisation du conflit algérien ne saurait être confisqué, selon Abane, par quelques représentants du FLN/ALN, quels que soient leur mérite, leur savoir-faire et leur audience au-delà des frontières de l'Algérie. Il était avéré qu'Ahmed Ben Bella était totalement inféodé au Caire et notamment aux services secrets égyptiens et ne rendait jamais compte de ses contacts avec eux à la Direction du FLN.
L'intransigeance de Abane sur cette question ne révulsait pas seulement Ben Bella. Elle incommodait également Hocine Aït Ahmed qui avait creusé son propre sillon au sein des instances de l'ONU (il avait ouvert en avril 1956 le bureau du FLN à New York) et regimbait à l'idée de devoir soumettre la stratégie diplomatique du FLN, qui portait sa marque, à l'imprimatur de la direction politique installée à Alger.
Quant à la primauté du politique sur le militaire, il ne doit pas faire l'objet d'interprétations controuvées. Jamais, dans l'esprit de Abane, il n'a été question de subsidiariser les militaires, d'autant moins du reste qu'il avait apporté sa caution au déclenchement de l'insurrection du 1er Novembre 1954, même si, pour lui, la mèche avait été allumée prématurément dans la mesure où aucune force sociale ou politique n'était préparée à assumer un affrontement armé avec la quatrième puissance militaire du monde. C'est le lieu de rappeler que parmi les partisans du Congrès de la Soummam, il y avait nombre de chefs militaires dont un seul, il est vrai, restera fidèle à Abane, le colonel Slimane Dhilès. On peut citer Si M'hamed Bouguerra, Zighout Youcef, Lakhdar Bentobal, Hadj Lakhdar, Ali Khodja, le commandant Azzedine, Ali Mellah. Mais ce que redoutait Abane — et le 1er CNRA tenu au Caire (20-27 août 1957) confirma sa hantise — était que se produise, au sein du FLN/ALN, une dérive prétorienne.
C'est à ce stade qu'il convient de relativiser la portée du Congrès de la Soummam. Dans le cadre d'un système politique faiblement institutionnalisé dont font défaut des schémas de contrôle institutionnel, le militaire se mue, surtout en période de crise, en une sorte de «militaire investisseur», en quête de ressources politiques (autrement dit d'instruments d'influence dans les rapports de pouvoir). La faiblesse des institutions politiques, l'indigence du niveau de développement de la société algérienne, nourrissent la décomposition politique qui devient le terreau sur lequel va germer toute une société prétorienne dont la figure de proue seront les 3 B (Krim Belkacem, Bentobbal et Boussouf). Dans la société prétorienne, les chefs militaires deviennent des acteurs politiques majeurs, capables de faire usage de la menace de la force, voire de la force directement, si d'aventure leur hégémonie venait à être contestée (ce fut ainsi le destin tragique de Abane assassiné par les sbires de Boussouf, fin décembre 1957).
LA VICTOIRE PREVISIBLE DU PRETORIANISME
La dérive prétorienne du FLN/ALN n'a strictement rien à voir avec la modernisation du commandement de l'ALN. La création de bataillons munis d'armes lourdes, au lieu et place de petites unités mobiles, aura finalement été une illusion. En septembre 1957, l'édification de la ligne Morice destinée à empêcher tout acheminement de munitions et d'armes de combat depuis les territoires terrestre et maritime tunisiens, à destination de l'Algérie, est achevée. En 1959, l'intensification de l'effort de guerre décidée par le général de Gaulle fera le reste. Les vices qui affectaient le principe de la supériorité du politique sur le militaire découlaient du fait objectif que le haut commandement de l'ALN est lui-même une structure de pouvoir et d'hégémonie. Il est également une structure assurant la mobilité sociale et la succession politique, comme le montrera la fusion des Com Est et Ouest pour donner l'EMG que le CNRA confiera au colonel Boumediène (Tripoli I, décembre 1959/janvier 1960) et, plus tard, la mise hors-jeu du CIG par le même colonel Boumediène.
On retrouve ici la dimension corporatiste de l'ALN dont l'insurrection déclenchée le 1er Novembre 1954 annonçait les prodromes. La diabolisation des centralistes par les fondateurs du CRUA, le refus de Abane de politiser, outre mesure, l'ALN, alors que paradoxalement, bien avant l'insurrection, le courant activiste n'avait jamais été apolitique ; l'ensemble de ces facteurs vont se conjuguer pour précipiter la relève de Abane et de ses plus proches compagnons et faire du Congrès de la Soummam une simple parenthèse de l'histoire de la Révolution algérienne. La «désoummamisation» de la stratégie politico-militaire du FLN/ALN s'est effectuée de façon d'autant plus rapide que l'échec prévisible de la Bataille d'Alger (décembre 1956/septembre 1957) va contraindre Abane à se réfugier au Maroc, alors que Ben M'hidi est assassiné en mars 1957. En quittant provisoirement l'Algérie pour échapper aux représailles de l'armée française, Abane ne commettait aucune altération au principe qu'il avait proclamé, sa sortie de l'Algérie étant due à des circonstances purement contingentes. De la même manière, la décision qu'il prit, en 1957, d'ouvrir un deuxième front en France pour alléger la pression de l'armée française sur les combattants de l'ALN, dont il déléguera la responsabilité au brave Nasreddine Aït Mokhtar, ne remettait nullement en cause le primat de l'intérieur sur l'extérieur, puisqu'aussi bien, c'est à Alger et à Alger seulement que devait être élaborée et décidée la stratégie politico-militaire de la résistance algérienne. En ce sens, Abane restait cohérent avec sa ligne politique originelle, mais ses adversaires ne l'entendirent pas de cette oreille lui reprochant un exercice solitaire du pouvoir.
L'ECHEC DE LA CONSTRUCTION D'UN ETAT PROTONATIONAL
Les principes de base posés par Abane au Congrès de la Soummam arrivaient trop tard. L'insurrection du 1er Novembre 1954, déclenchée par les activistes du CRUA, portait la militarisation du FLN comme la nuée dormante porte l'orage. Militarisation veut dire prétorianisme, en ce sens que le militaire va commander au politique, à l'économique, au social et au culturel et détient les appareils répressifs qui lui permettent de subvertir toute forme d'opposition.
Il ne fallait pas s'attendre à ce que les représentants les plus radicaux du courant activiste acceptassent d'obéir ou de rendre compte aux ex-centralistes, qu'ils tenaient, naguère, pour responsables du statu quo politique favorable à l'ordre colonial. Abane, en sa qualité de membre de l'OS, n'avait certes pas de leçon de patriotisme à recevoir des militaires issus directement ou indirectement du CRUA. Toutefois, en promouvant une élite politique éclairée, tolérante et ouverte, il voulait limiter, dans un premier temps, les ambitions des prétoriens, tout en préparant, dans une seconde phase, leur élimination politique pour en faire de simples supplétifs. Pour lui, le futur Etat algérien devait être dominé par une élite légitimée par les populations pour son dévouement à l'intérêt général et son exemplarité dans la gestion des ressources du pays et non par une élite prétorienne hostile, par principe, à toute démocratisation de la société.


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