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Un peintre, un homme et un ami
Mohammed Khadda.
Publié dans El Watan le 17 - 08 - 2016

Alger, 19 avril 1988, j'étais de retour du Sahara, après des mois passés dans différentes régions du Hoggar. De retour de Tamanrasset, je me trouvais à l'hôtel Albert 1er, bénéficiant d'un après-midi de tranquillité avant de regagner la France.
Pour occuper mes heures de solitude, j'eus l'idée de rendre visite au peintre Mohammed Khadda, dont j'avais aimé les œuvres, découvertes au début des années 1970, dans les numéros 10 et 16 de la revue du ministère du Tourisme algérien, mais aussi plus récemment dans un calendrier de la compagnie Air Algérie. Par chance, la réception de l'hôtel possédait un annuaire téléphonique. Espérant que cet artiste habiterait la capitale, je me mis à chercher les personnes du nom de Khadda. Je m'attendais à une longue liste, mais j'eus la surprise de n'en trouver qu'une seule, de plus prénommée Mohammed ! Je n'osais espérer que je touchais au but !
A mon appel, une voix affable me répondit que j'étais bien chez le peintre Khadda.
Heureux, j'expliquai que j'étais un amateur de peinture et comment j'avais découvert les œuvres de l'artiste. La conversation se poursuivit quelques minutes, puis Khadda me demanda où je me trouvais.
- Je suis à l'hôtel Albert 1er jusqu'à demain matin, répondis-je.
- Mais vous êtes à côté de chez moi ! Venez donc me voir. Après avoir traversé le tunnel des facultés, vous serez tout de suite à l'ex-passage Calmel où j'habite. Je serais content de vous recevoir.
C'est donc grâce à ce coup de téléphone que je suis entré en contact avec Mohammed Khadda. Le peintre était seul. Il m'expliqua que sa femme, absente à cette heure, était professeur de français à l'université et qu'il allait donc préparer lui-même le café.
Il n'y eut aucune difficulté entre nous due à la réserve ou à la timidité qu'aurait pu engendrer ce premier contact. J'avais l'impression que nous nous connaissions depuis longtemps. La conversation allait bon train. J'expliquai que j'avais vécu ma jeunesse dans un milieu artistique, car mon père avait été trente-quatre ans directeur de l'Ecole d'art de Valence, de 1929 à 1962, et que ma mère avait été professeur de dessin dans la même institution. J'ajoutai que mon père avait toujours eu horreur de l'enseignement académique des beaux-arts de l'époque et, qu'enfant, ma sœur et moi n'entendions parler à la maison que de Van Gogh, Matisse, Rouault, Picasso, Braque, Dubuffet, Manessier… une liste commencée par ceux de la grotte espagnole d'Altamira ! Je racontai aussi que la revue Art sacré, revue de pointe sur l'art contemporain de cette époque, dirigée par des Dominicains, avait consacré un de ses numéros à un article de mon père sur l'enseignement du dessin.
Puis ce fut au tour de Khadda de me raconter sa jeunesse, particulièrement difficile, vécue dans un milieu d'une extrême pauvreté, et comment il en était arrivé à la peinture en distribuant du courrier chez un peintre. De l'avoir vu peindre dans son atelier, encouragé par cet artiste, il s'était lui aussi essayé à peindre. Et dès qu'il l'avait pu, il s'était inscrit à un cours de dessin par correspondance dont il avait trouvé l'adresse dans un journal.
Il me raconta aussi que, lors de son séjour parisien dans les années 1950, il s'était senti proche d'artistes, tels que Manessier et Singier. C'était l'époque de ce qu'on appelait la Nouvelle Ecole de Paris. «Il aurait pu…être compté dans cette école de Paris composée essentiellement de migrants», écrira François Pouillon.
Nous montâmes ensuite dans l'atelier du peintre où il me montra une partie de ses œuvres.
L'une d'elles me tentait particulièrement, une petite aquarelle de 1960, intitulée «Vieille composition».
Je m'enhardis à lui demander de me la céder.
- J'aimerais bien, mais ce n'est pas possible. J'y tiens beaucoup, car c'est la dernière œuvre de cette période que je possède.
Je n'insistai pas, mais le peintre, voyant ma déception, se reprit et ajouta :
- Tu vois, je ne l'aurais laissée à personne d'autre, mais tu vas l'emporter, car je me suis rendu compte que tu aimais vraiment la peinture et, en fait, je suis très fier d'entrer dans une collection où se trouvent des œuvres d'Atlan et d'Ahmed Cherkaoui.
Je profitai de cet accueil chaleureux pour choisir deux autres aquarelles datées des années 1980, Aurore d'automne et Pierres lavées.
Ce ne fut pas la seule visite que je rendis à Mohammed Khadda. D'autres suivirent, car c'était pour moi une joie de me rendre chez les Khadda où j'étais si bien accueilli. J'avais fait bien entendu la connaissance de Naget Belkaïd-Khadda, l'épouse de Mohammed, très occupée par ses cours et par la préparation de sa thèse sur les écrivains algériens de langue française, thèse qu'elle devait soutenir à la Sorbonne. Elle fut bien entendu reçue avec les félicitations du jury. Je rencontrai chez eux le poète Bachir Hadj Ali, dont Mohammed m'offrit deux recueils : Soleils sonores, qu'il avait illustré, et aussi Chants pour le onze décembre.
Etre peintre n'était pas facile en Algérie. Khadda en convenait et s'insurgeait contre l'art officiel à la mode, une forme d'art «…qui prolifère souvent aux lendemains des indépendances» et qu'il appelait à juste titre un «… réalisme opportuniste, cette forme d'expression qui singe et contrefait le discours officiel dominant et qui aboutit en fait à desservir et l'art et la politique». Homme courageux, fier de ses idées, il ne se cacha jamais pour dire et écrire ce qu'il pensait, même s'il était parfaitement conscient des risques qu'il encourait. Vivre de son art demandait beaucoup de volonté à Khadda. Il avait souvent besoin de s'exprimer sur de grandes toiles, des 80 et 100F, et il lui était pratiquement impossible de trouver à Alger des pinceaux de qualité, de gros tubes de peinture à l'huile, des cadres, de la toile et autres fournitures pour artistes, telles que des encres de couleur et différents papiers à dessin. Il était obligé de se fournir à l'étranger en devises, ce qui lui posait d'énormes problèmes. Je me souviens des difficultés que Khadda avaient rencontrées, en 1989, pour encadrer, mettre sous verre et emballer lui-même les œuvres qu'il devait envoyer pour une exposition à Moscou.
Le peintre m'entretenait aussi des problèmes que lui posaient certaines ventes. Il aurait aimé ne les réaliser qu'avec de vrais amateurs. Ce n'était hélas pas toujours le cas !
- Je souffre quand je vois mes toiles et certaines œuvres sur papier que j'aime particulièrement, achetées par des personnes qui se moquent totalement de l'art, mais qui les acquièrent simplement parce que je suis maintenant un artiste dont on parle.
Notre amitié n'allait hélas pas durer très longtemps. Consterné, en janvier 1990, j'appris que Khadda était hospitalisé dans un hôpital parisien où il allait être opéré d'un cancer. Mon travail au Sahara m'empêcha de me déplacer à Paris pour le voir et je dus demander à l'un de mes très bons amis de lui rendre visite. Le revoir vivant me fut refusé. J'eus toutefois la consolation d'arriver à Alger le jour de son enterrement où Abdelkrim Kettani, autre admirateur du peintre, me conduisit. Nous pûmes ainsi l'accompagner jusqu'à sa tombe au milieu d'une foule immense, très affectée.
«C'est la première fois que je vois des femmes à l'enterrement d'un homme», me fit remarquer Kettani. En fait, les amies de Naget, connaissant son immense chagrin, étaient toutes venues à l'enterrement pour lui montrer leur attachement. Les années ont passé, mais cette rencontre avec le peintre m'a profondément marqué. Le sourire de Mohammed Khadda, que j'attendais lorsque sa porte s'ouvrait pour m'accueillir, reste un merveilleux souvenir. Ancré en moi, il est entretenu en permanence à la maison par cette vieille composition que je vois chaque jour, car cette œuvre n'a plus jamais quitté nos murs, sauf quand elle fut prêtée pour l'exposition Khadda de 1994, au Château de Saint-Ouen ; un souvenir également entretenu grâce au beau livre Khadda, écrit en hommage au peintre par Michel-Georges Bernard.
Elle fut aussi exposée en 2012 au musée Palué, de Tain-l'Hermitage, et tout récemment à Morestel, à la Maison Ravier, du 12 mars au 5 juin 2016, à côté d'œuvres de Jean-Michel Atlan, né à Constantine, et du Marocain Ahmed Cherkaoui, peintres dont Khaddal se sentait proche.
Jean-Louis Bernezat (Voiron, 14 juin 2016)
Bibliographie :
Bernard Michel-Georges, 2002, Khadda, ENAG Editions, Alger.
Senac Jean, 2002, Visages d'Algérie, Regard sur l'art, Editions Paris-Méditerranée, Paris et pour l'Algérie, EDIF 2000, Alger.
Bouchakour Walid, 6-06-2016, important article sur Mohamed Khadda, El Watan, Alger.


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