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Ces moudjahidine d'exception (I) : Bersi Bachir, un rescapé de deux guerres
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Publié dans El Watan le 25 - 08 - 2016

Il dira, avec modestie, n'avoir accompli que son devoir vis-à-vis de sa patrie. Bachir Bersi – il s'agit de lui – est né le 2 mai 1932 à Agraradj (Aghribs), un village «idéalement» sis au pied du mont Tamgout, une des zones de la Wilaya III historique.
Bachir est, dès l'adolescence, imprégné des sentiments nationalistes contre la domination coloniale française. Sur son sillon, il entraînera deux de ses 4 frères cadets, Mohand et Saïd (19 et 15 ans, en 1954).
Leurs parents, Amar Oubachir et Tassadit n-Mhenna (née Khelfa), vivront, à cause de leur trio de fils moussebiline, puis maquisards, un calvaire de tortures et d'interrogatoires, jusqu'à l'indépendance. Et, momentanément, car, avec le FFS (1963-1965), le pire était encore au rendez-vous pour eux, à cause de «leur» Bachir. Une autre histoire… La ferveur du jeune Bachir pour l'indépendance est «tétée» auprès de ses aînés cousins et autres cohabitants d'Agraradj, tels Arezki Bwamar (Bersi), Omar Oumeziane (Yermèche), Khijou (Abdoun), Ouyidir Ouheddad (Kaci)… Plus tard, à la veille de Novembre 1954, sa conscience était assez «aiguisée» avec les fréquentes visites du duo Belkacem Krim et Amar Ouamrane dans ce hameau natal appelé «Laâzib Bou-Yemkerkar» (marécage aux grenouilles).
Ce duo, qui sillonnait toute la Kabylie avant l'insurrection armée, venait souvent chez ses cousins paternels, tels M'hand Ourezki, El Bachir dit «Mohand-Amokrane» et ses deux frères (Saïd, Esseïd et Hand), ainsi que leur père (Mohand Bwakli, propriétaire d'un grand rucher dans la région). L'esprit nationaliste de Bachir n-Amar Oubachir se forgera encore en France où il exerça, avant 1954, comme tourneur à la maison Peugeot, aux côtés de nombreux militants, tels que Hand Oumeziane, Hand Ouali, Akli n-M'hand (Yermèche) et son frère Ali. «Nous y payions alors à l'organisation (nidam) 500 francs par mois (5 DA d'aujourd'hui).
Plus tard, nous payions le double. Il y avait Mohand n-Sidi Aïch, Arezki Ouyidir, un responsable d'Abizar (Si Boudjema), ‘‘Maâlit'' (Boudjema Selami), Akli n-Hand-Moh-Ouhand, etc. Nous partions dans des cafés fréquentés par des Nord-Africains, à Montbéliard et à Sochaux, pour inciter nos compatriotes à ne pas aller au cinéma, en leur disant qu'il est honteux de s'y rendre, pendant que nos frères sont dans des prisons françaises», se souvient Si El Bachir, qui marquera, pendant et après l'opération Jumelles dans la Wilaya III, l'esprit de beaucoup de moudjahidine, notamment cet autre grand maquisard, originaire de Yakouren, pour devenir, avec Si El Bachir, d'intimes amis, à ce jour. Il s'agit de Ali Ameur (hadj), du nom de guerre «Ali Magoura», s'identifiant ainsi à son village natal. Encore une autre histoire... En 1955, ajoute Si El Bachir, «j'ai regagné la Kabylie après avoir su que la quasi-totalité des gens à Agraradj, Tamassit, Hendou…, étaient au maquis dès Novembre 1954. Je suis venu en ‘‘permission'' avec Saïd El Bachir (Amaouche). Celui-ci retourna à son poste au terme du ‘‘congé'', tandis que, pour moi, mon esprit ‘‘mijotait'' d'autres idées».
De prison en prison avec son cadet
«Un jour, alors que j'étais à Laâzib avec mon frère Saïd, soudain un envahissement militaire nous submergea et nous fûmes embarqués manu militari vers la prison de Yakouren, où nous avons été détenus pendant 8 mois. Deux jours après notre libération, nous partîmes à Aghribs pour nous faire établir des permis de circuler. Nous fûmes encore pris et torturés sur place par des militaires en nous reprochant le ‘‘retard'' des deux jours pour venir. ‘‘Un temps suffisant pour recevoir des conseils auprès des hors-la-loi, comme vous !'' nous cria en face notre tortionnaire, pendant que je tentais de ‘‘protéger'' mon frère Saïd (15 ans) des coups qui pleuvaient sur nous», nous narre cet aîné d'une fratrie de 5 garçons, âgé de 23 ans en 1955.
«Nous fûmes, moi et Saïd, conduits aussitôt à Azeffoun pour 8 autres mois de détention avec des tortures quotidiennes, puis direction du Camp du Maréchal (Tadmait) où nous passerons encore 8 mois de souffrances. Avec un collectif de prisonniers algériens, nous entamions une grève de la faim tout en refusant de saluer l'emblème tricolore. Nous écopions ainsi d'un mois (août) de réclusion en représailles à notre acte. Mon frère Saïd étant libéré, je fus transféré, avec d'autres, vers la prison de Boussoui, à la frontière algéro-marocaine, me disait-on. Il y avait avec moi Si L'Hocine Afraoucen, de Hendou, un jeune d'Alma Guechtoum, Akli n-Esseïd, Arezki El Hadj Omar (Kessi), Arezki Ou-Sahnoun, Mohand Ou-M'henna (Amenouche)…»
Tous les détenus algériens trouvés à Boussoui affichaient envers nous, Kabyles, une curieuse méfiance qui nous faisait un peu mal. Avant notre libération, on nous a placés, à quatre, avec nos guenilles, sur une table-estrade. Il y avait un policier kabyle originaire de Djemaâ que l'administrateur de la prison interrogeait en s'en servant d'interprète: «Que méritent des gens comme ceux-là qui aident les rebelles ?» Et le policier de répondre: «Normalement, chef, la loi les condamne à mort !» L'administrateur de la prison enchaîna : «Vous voyez l'indulgence de la France que vous combattiez en obéissant aux fellaghas ? Voyez-vous comment elle vous épargne la vie ?» C'est ainsi que tous les prisonniers, qui avaient des «doutes» sur nous pendant les mois de détention, commençaient à nous jeter, qui une veste, qui un pantalon, qui une chemise ou un tricot, tout en nous collectant de l'argent pour pouvoir rentrer chez nous.
Un émouvant moment de fraternité y naquit. Embarqué sur le train Oran-Alger, Si El Bachir se souvient avoir passé une nuit dans un Hammam à Alger, une ville qu'il n'a pas connue auparavant. «Au matin, ce fut la fille d'un certain Vaucelle qui nous transporta avec sa 2 CV Citroën, pour nous mettre à bord de l'autocar de son père en partance d'Alger pour Azazga. C'était vers le milieu de 1958.»
Villages évacués, «Jumelles» s'installe à Tamgout
«Arrivé au village, la consternation, je trouvais mes parents évacués vers Lahdoud (Tamassit), et mes deux puînés, qui étaient déjà moussebiline avec moi, avaient pris le maquis. Je les rejoins sans tarder en apprenant par mon frère Saïd où les moudjahidine se regroupaient. Au fil des mois, l'opération Jumelles atteint Tamgout. Un jour, vers 3h, nous étions une vingtaine de djounoud qui suivions une tranchée, couverte de buissons, du côté de l'infirmerie, sise au lieudit «Medj Errihane».
Ce lieu mémorable se trouvait entre un sentier menant vers Ibsekriene et la rivière de Cherfa Bwarzik. Sur place, mon frère Mohand et «Ouchene» (Hadj Djebra, toujours en vie) partis en premier de l'infirmerie. Je leur dis d'être prudents, car on ne sait jamais avec les renforts militaires qui ont envahi tout Tamgout. Je propose ensuite à ce que nous fassions halte sur place jusqu'à la levée du jour, pour voir si les soldats sont partis. Mohand n-Ali Mohand-Saïd nous dira d'accord et prêt à servir de sentinelle. Mais en me réveillant, je trouvais tout ce monde endormi, y compris celui qui s'était proposé de veiller sur nous. Il faisait presque jour. Je constatais aussi que toutes les crêtes alentours d'Iachouva et d'Ibsekriene, pullulaient de soldats. Soudain, une ‘‘tamouchart'' (Piper Cub) passe et lance des bombes autour de l'infirmerie. Nous tentons d'aller vers Iavache ou Iachouva, ça foisonnait de soldats et nous rebroussions chemin. Nous nous accrochâmes alors à un flanc abrupt de maquis de filaire, myrtille et lentisque où il est impossible de se tenir debout sans s'agripper aux végétations.
Il y avait Moh Lounes (Djebra) qui toussait. Il me demanda d'user de ‘‘la corde, car, mieux vaut que je meurs seul que de vous entraîner tous avec moi''. Je lui dis de faire de son mieux, le reste revient au destin. Il prend son burnous et l'enroule sur son cou en introduisant une partie du capuchon dans sa bouche. Il s'endormit avec et nous restâmes sur place toute la journée. Plus aucun soldat ! Soudain, ronronnement ; un autre avion qui lance des bidons de napalm sur l'infirmerie. Tout a été brûlé, entraînant la mort d'un moudjahid paralysé, qui ne voulait pas quitter les lieux. Il est d'Aït Sidi Yahia. Tous les djounoud et les blessés ‘‘valides'' y avaient fini par comprendre les visées ennemies, avant de quitter précipitamment les lieux. Si El Vachir Oumoussa (d'Ibsekriene) et Hand de Ibdassen, y échappèrent de justesse à une gerbe de flammes.
Saïd capturé vivant
Mon frère Saïd sera capturé vivant après avoir été grièvement blessé à la jambe lors d'un accrochage à Ahriq Bwarav (Tamassit)», relate encore ce miraculé de l'opération Jumelles. Ouardia Mohand-Lounes (Laoudia), âgée alors de 16-17 ans, aujourd'hui Mme Amenouche (75 ans), nous dira à propos ce jeune blessé, cousin du côté de la mère. «Avec sa jambe broyée, allongé sur un plancher brancard, Saïd n-Amar a été atrocement interrogé par des militaires, voulant avoir des aveux sur les femmes qui préparaient la nourriture aux fellaghas, rassemblées toutes et défilant devant lui une à une. Saïd répétait le seul mouvement de la tête, balancée d'un côté vers l'autre, signifiant «non concernée» au passage de chacune d'entre nous, alors que nous étions, quasiment toutes concernées, et qui ne rations jamais chaque soir de préparer galette et viatiques à nos moudjahidine», se souvient Mme Amenouche, émue aux larmes, malgré près de 60 ans passés sur cet événement ayant bouleversé toute la région.
Ce jour-là, beaucoup de filles moussebilate pleuraient à chaudes larmes, au cours de l'interrogatoire, en voyant le courage de Saïd n-Amar Ou-Bachir dans un tel état et maintenant stoïquement son «non» de la tête pour nous toutes, se rappelle encore celle qu'on appelait alors Ouardouche Mohand-Lounes n'At Tahar. Saïd n-Amar sera transféré, après avoir été soigné, à la prison de Berrouaghia où il resta, disait-on, jusqu'à mars 1962, mais pour ne plus donner signe de vie, malgré des recherches de ses vieux parents et de ses frères au lendemain de l'indépendance.
Mohand tomba à «Aglalaz»
«Mon frère Mohand (infirmier), ajoute Si El Bachir, est tombé au lieudit «Aglalaz», dans le massif de Tamgout, aux premiers jours de l'opération Jumelles, en compagnie de nos cousins Essaïd Mohand Bwakli et Arezki Bwamar (Bersi), ainsi que de Omar Oumeziane (Yermèche), le vieux nationaliste, âgé alors de 50 ans environ.» «Leurs corps, surveillés dans la même zone par les militaires pendant les premiers jours, avant leur décomposition, furent certainement mangés par des chacals et des sangliers. J'ai retrouvé plus tard l'os du bras de mon frère Mohand, entouré d'un lambeau de tricot que j'ai reconnu», raconte encore Si El Bachir, le miraculé du service Acheminement, avec une mémoire infaillible, si ce n'est une surdité embarrassante dont il souffre aujourd'hui.
Capture du chef de l'infirmerie
L'infirmerie de Medj Errihane a été découverte par l'ennemi, avant de la bombarder, après la capture de son responsable, Mohand Ouamar, le fils de Mohand Oulhadj. «En fin d'après midi, nous sortîmes et atteignîmes la crête d'Azrou (Ibsekriene) où il y avait une source d'eau au dessus de laquelle il y avait un grand olivier. Précédés par Mohand Ouali (de Tigherghar), nous arrivions sur place et commencions à étancher notre soif. Je demandais aux premiers arrivés s'il n'y a pas de djounoud qui nous ont précédés? On me répondit que non ! Je leur dis alors de regarder du côté de l'olivier pour voir que tout le site était «hérissé» de militaires.
Très mal armés, nous nous déviâmes sur le champ vers Agouni Maâfa (Ibsekriene). Je charge Mohand Ouali, originaire de la région, de choisir une voie de sortie. Il me répondit qu'il ne connaissait pas de sentiers appropriés. Donc, il nous reste qu'à camper sans bouger jusqu'à ce que la section de soldats rejoigne son camp. Pour ne pas tomber sur des mines antipersonnelles, j'invitai le groupe à me suivre en emboîtant le pas aux français, tout en gardant une distance de 200 à 250 mètres, et ce, jusqu'à leur campement sis au lieudit ‘‘Tizi Tudeft'', pour que nous déviions ensuite vers la maison de Ali Mohand-Said, du côté Acherchor (Aït Ouchene). Sur place, nous reçûmes quelques tranches de galettes avec des poignées de figues sèches. L'aube pointait à l'horizon et je demandai conseil à Moh-Lounes comment pouvoir gagner Tamgout ?
Sur ce, nous voyions des troupes se diriger vers le Bordj du garde champêtre (Ighil Lakhmis). Nous prîmes la distance nécessaire et nous rejoignîmes le lieudit ‘‘Dépôt'', un peu plus loin au cœur du massif forestier où nous avions caché quelques quantités de lentilles et de haricots. Nous avions préparé juste 5 assiettes pour 20 éléments. A peine avions-nous pris une à deux cuillerées du bouillon qu'un obus éclata sur la crête où nous étions. Chacun tenta de s'abriter sous des rochers, alors que moi et Moh-Lounes restâmes stoïques, jurant de ne pas bouger tant que ces assiettes n'auront pas sauté», raconte encore ce maquisard du service «Acheminement» qui a moult fois, grâce à son flair, sauvé ses compagnons de l'hécatombe.


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