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Cette parole, affranchie de l'esprit de corps, donne à entendre quelque chose de nouveau et de salvateur
Selma Hellal. Codirectrice des éditions barzakh
Publié dans El Watan le 28 - 10 - 2016

Un témoignage rare, intime, d'un ancien des Transmissions de l'ALN, écrit par une plume libre et attachante. Des Chaulet à Boumediène, de Boussouf à Rachid Amara, c'est en plus une galerie de personnages-clés de la guerre d'indépendance qu'on croise en parcourant ce livre.
- Comment avez-vous reçu ce manuscrit ? L'auteur était aux Etats-Unis et est décédé depuis…
Au cours d'une correspondance rare mais amicale entamée en 2009 avec Mokhtar Mokhtefi rencontré quelque temps auparavant à Alger, l'idée qu'il écrive ses mémoires avait été évoquée. Nous sentions chez lui la capacité – et le talent – d'écrire une autobiographie. Le 26 février 2015, nous avons reçu son texte intitulé J'étais Français-Musulman.
Malheureusement, alors que s'amorçait un dialogue autour du livre, il décédait le 4 avril 2015, à 80 ans. Dès lors, force était de publier ce texte en l'état, tel que l'avait voulu son auteur, puisqu'il n'était plus là pour que nous discutions d'éventuels aménagements de fond et de forme, que nous, éditeurs, aurions souhaités.
- Quelle a été la première appréhension de ce texte ? Qu'est-ce qui le différencie des autres ouvrages sur le MALG (même si ce n'est pas un récit que sur le MALG bien entendu) ?
A sa lecture, nous avons pris la mesure de sa puissante valeur documentaire : tant sur l'enfance-adolescence et la jeunesse passées entre Berrouaghia-Blida-Constantine, que sur les années de guerre dans les Transmissions en Wilaya V, au Maroc, puis en Tunisie. Il est un réservoir incroyable d'informations.
On suit, captivé, sa trajectoire : comment un fils de boucher devient interne au lycée de Blida, prend petit à petit conscience de la violence du régime colonial, comment quantité de micro-événements (une humiliation pour un pyjama au dortoir, la réflexion blessante d'un professeur en classe) cristallisent sa conscience politique, par ailleurs éveillée par un frère aîné militant nationaliste ; sans compter les rencontres décisives, avec Amara Rachid par exemple, ou Pierre Chaulet et sa sœur, Anne-Marie.
On le retrouve enfin soldat dans les Transmissions : il raconte avec une liberté de ton radicale, inédite – liberté qu'il assume jusque dans ses inimitiés – la formation dans le confinement et la promiscuité, les amitiés, les peurs, les méfiances. C'est la véritable bande-son d'une tranche de vie qui est donnée à lire/entendre dans ce livre, et c'est cela qui le rend passionnant. Le tout, en outre, est porté par une véritable écriture, nerveuse, précise, élégante, donnant à la narration une fluidité et une valeur littéraire inhabituelles.
- Rares sont les témoignages qui s'affranchissent de la bien-pensance éditoriale ou discursive ; M. Mokhtefi parle de femmes, de ses amours contrariés ; démystifie quelques «héros», car il en parle comme d'humains avec leurs forces et leurs faiblesses. Il n'a pas dû être aisé de franchir le pas pour décider de publier ?
J'y reviens et j'insiste : la publication de cet ouvrage s'est imposée à nous pour être fidèle au testament d'un mort. Bien sûr, il y a eu l'intérêt pour la charge subjective qu'il porte : il parle d'êtres de chair et de sang, faits de désirs et de craintes, et c'est cette matière-là qui est intéressante, incarnée, vivante, où chaque individu peut être tantôt attachant, tantôt antipathique, tantôt pleutre ou encore séduisant.
M. Mokhtefi écrit à la première personne et son récit est à la fois critique et intime comme d'un homme qui raconte son humanité au milieu des autres – famille, camarades, professeurs, amours, frères de combat. Nul héros, ici, mais un parcours qui affleure, croisant d'autres destins aux prises avec une histoire en train de se faire.
Ni jugement ni vérité absolue, mais une histoire telle que l'a vécue – quand bien même reconstruite (car tout récit de vie est une (re)construction) –, et a souhaité la raconter cet ancien combattant ; témoignage qu'il a eu la force d'écrire au risque d'écorner d'anciennes fraternités, soucieux qu'il était de reproduire sa vérité, le monde selon lui pour ainsi dire. C'est bien sûr là que s'est logée notre principale inquiétude, d'autant que je suis fille de «Malgache», et que, faisant le choix de tenir cette promesse à un mort, je prends le risque de blesser un père.
Cependant, cette parole, dans sa dissonance même, affranchie du groupe, de l'esprit de corps (cette «confrérie» si encline à cultiver le secret et l'autocensure) donne à entendre quelque chose de nouveau et de salvateur. Me vient à l'esprit la confidence d'une agente de renseignement russe dans le grand roman de John le Carré, La Taupe : «C'est une telle tension de ne jamais ouvrir son cœur, pas une fois.» Je veux croire qu'au-delà des quelques crispations qu'elle ne manquera pas de provoquer, la parole du moudjahid Mokhtefi, foncièrement libre, ouverte justement, déliera bien des nœuds.
- Nous avons ici aussi une nouvelle approche de Boussouf, le mythique Adam des services du renseignement et de la police politique algériens ; plus mitigée, moins manichéenne. Pourquoi une telle figure est-elle restée longtemps otage de récits hagiographiques ?
M. Mokhtefi raconte très bien le quotidien de ces jeunes moudjahidine du MALG, d'abord au Maroc, puis en Tunisie. En filigrane, l'on voit comment se déploient les rapports sociaux, les rapports personnels, comment vit cette petite société de l'administration, une société «de l'arrière», puisqu'elle n'est pas dans la guerre, mais qui mène bel et bien la guerre.
En lisant les passages sur le Centre d'instruction technique des transmissions, ancien caravansérail situé dans la banlieue de Tunis (Foundouk Choucha), en pénétrant dans cette atmosphère et cette géographie étranges (ils vivent comme coupés du monde, «hors sol», nulle part pourrait-on dire), on songe à des sortes de limbes. Abdelhafidh Boussouf était-il le grand orchestrateur – omniscient, omnipotent comme le veut l'image d'Epinal – de tout ce petit monde ? Ce n'est pas ce qui transparaît, même s'il est clair que l'auteur a peu de sympathie pour lui.
Pour les uns, Boussouf est un héros, pour les autres, un bourreau. Cela ressortit dans les deux cas de la «légende», terme consacré dans le monde du renseignement. Dans ce livre, son portrait nuancé se dresse en creux, il surgit de-ci de-là, tantôt inquiétant, tantôt presque débonnaire. Il semble un chef parmi d'autres, qui peut terroriser de jeunes recrues mais qui, de manière un peu pathétique, a besoin de coller à ses lunettes les documents qu'il lit à cause de sa vue exécrable, qui peut être tour à tour manipulateur et espiègle.
Le voilà rendu, lui aussi, à son humanité, à sa complexité, à sa part d'ombre et de lumière : dans sa stature de tacticien sans état d'âme en temps de guerre tout autant que dans sa fragilité de simple mortel. Toutes les figures de la Révolution gagneraient à être ainsi rendues à leur humanité nue.
- Quels sont les risques de travailler sur des ouvrages qui racontent en même temps l'histoire (celle qu'on écrit toujours, celle de la guerre d'indépendance) et l'individu, son intimité, sa subjectivité ?
A priori aucun, si par ailleurs il y a des garde-fous éthiques qui garantissent l'honnêteté et le sérieux de la démarche. Notre maison d'édition publie depuis plusieurs années des ouvrages écrits par des figures qui, en fin de parcours souvent, éprouvent le besoin de raconter leur itinéraire et de porter un regard rétrospectif sur leur vie.
Ce livre de M. Mokhtefi (tout comme, d'ailleurs, celui de la psychiatre et psychanalyste fanonienne Alice Cherki qui sort en même temps), s'inscrit donc dans une politique éditoriale assumée et cohérente – au fil des ans, ces témoignages autobiographiques ont dessiné les contours d'un «paysage humain» où se côtoient des figures anonymes ou moins connues (Eveline Safir Lavalette, Abderrahmane Berrouane, Mohand Sebkhi) tout comme des personnalités de premier plan (Pierre et Claudine Chaulet) proposant au lecteur un kaléidoscope de vérités (le pluriel est important), de mémoires individuelles, lesquelles se rencontrent, se corroborent parfois, se contredisent d'autres fois. L'essentiel est, pour nous, éditeurs, de donner à entendre une diversité de voix, matériau qui permette de recomposer une mémoire collective rendant compte de la complexité et de l'humanité des êtres.
Le seul risque est que, en aval, l'ouvrage soit pris en otage, piégé par des enjeux politiques qui le dépassent. Mais le paysage mémoriel algérien est en train de se modifier, les témoignages d'acteurs de la révolution foisonnent, ce n'est plus un acte rare et spectaculaire – il y a une extériorisation progressive de la mémoire individuelle, et tous ces témoignages contribuent déjà, même de façon brouillonne, et alors qu'ils ne sont encore qu'une matière brute (qui reste à être vérifiée/ disséquée/métabolisée par l'historien), à refaçonner le récit national.
L'ouvrage de M. Mokhtefi est une de ces voix parmi d'autres, particulièrement riche et inspirée ; il offre « la rencontre avec une voix humaine qui a traversé l'histoire et, de façon oblique, la vérité non des faits, mais celle, plus subtile, mais aussi indispensable, d'une époque et d'une expérience ». Gageons que d'autres témoignages, enhardis par cette démarche, s'écriront, y compris pour contester, démentir, compléter celui-ci.


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