Un enfant du petit et du grand écran vient encore d'allonger la liste de la série noire frappant les artistes . L'enfant de la télé Hadj Rahim, qui a fait les beaux jours de l'histoire cathodique algérienne avec sa fameuse «Caméra invisible», est décédé vendredi à Alger à l'âge de 83 ans. Le décès du réalisateur et visage familier des téléspectateurs algériens, Hadj Rahim, survient, soit 24 heures, après celui du comédien Abou Djamel de son vrai nom Arezki Rabah, mort dans la nuit du jeudi à vendredi. Aussi les babyboomers, les enfants de la télé, celle de Radio télévision algérienne (RTA) des années 1970, sont tristes. Celui qui décoinçait leur zygomatiques est décédé. Hadj Rahim est un pan entier de la mémoire collective cathodique qui s'en va. La nostalgique TV en noir et blanc. Hadj Rahim est le pionnier du genre. De ce divertissement, la fameuse «Caméra invisible». Et surtout, il a su créer cet effet gag hilarant et déjanté dans la caméra cachée. Ces situations burlesques et insensées piégeant des ingénues. Et par conséquent, usant et abusant de la naïveté des petites gens. Ce qui engendrera des situations surréelles où le piégé, malgré l'absurdité qui règnait dans l'air, se prendra au jeu pipé. Provocateur… de situations cocasses Et quelquefois, aboutira à des réactions inattendues. A l'image de la séquence culte du Ramadhan où Hadj Rahim laisse traîner subrepticement un sandwich sur un banc de jardin public, à côté d'un paisible vieux monsieur. L'intervention d'un agent de l'ordre complique la situation. Car cette personne âgée est accusée et à tort de ne pas observer le jeûne du mois sacré du Ramadhan. Le petit vieux, pour se faire respecter, sort… un cran d'arrêt. Il aura fallu déployer des trésors de persuasion pour le rasséréner et lui expliquer que c'était blague. D'autres épisodes de la «Caméra cachée» de Hadj Rahim demeurent dans la mémoire collective de la télévision algérienne. Comme «la tentative de suicide» depuis le pont du Telemly, à Alger, où Hadj Rahim s'adresse à des passants en leur demandant de remettre une enveloppe («suicide note») à quelqu'un en faisant mine d'enjamber la balustrade. Et les personnes piégées feront tout pour le dissuader. A travers sa caméra cachée, Hadj Rahim, en poussant les limites de la tolérance «zéro», fera découvrir, d'une manière attendrissante, un certain humanisme, une douce naïveté et disponibilité et surtout cette aptitude des Algériens d'être corvéables à souhait et aider, s'arrêter et écouter l'autre. Nous sommes dans les années 1970. Autres temps, autres mœurs. Serkadji, film-fiction sur les combattants du FLN incarcérés et exécutés Mais Hadj Rahim ne peut être seulement résumé simplement à la «Caméra cachée». Il était assistant réalisateur de Moussa Haddad dans les films cultes L'Inspecteur Tahar et Les Vacances de l'inspecteur Tahar, incarnés par le regretté Hadj Abderrahmane avec lequel il avait commencé à faire du théâtre au sein des Scouts musulmans. Il a signé plusieurs films, tels Rihlat Chouiter avec le grand acteur Hassan El Hassani, Khoud Maâtak Allah, Ya Diam Allah, Le Portrait (1994) ou encore Serkadji, un poignant long métrage. En 1982, Hadj Rahim réalise Serkadji, un film de fiction sur la prison Barberousse où furent incarcérés et exécutés des centaines de combattants du FLN durant la Guerre de Libération nationale contre l'occupation coloniale française (1954-1962). Hadj Rahim a quitté Alger très jeune pour aller vivre une dizaine d'années en France. C'est à Saint-Germain-des-Prés, dans le VIe arrondissement de Paris, qu'il découvre le monde des arts et des artistes. Il sera figurant, campera de petits rôles dans des films et exercera le métier de régisseur à titre de salarié à la Radio de Paris. Rejoignant les rangs de la Révolution de Novembre 1954, Hadj Rahim œuvrera comme les autres Algériens issus de l'immigration. De retour en Algérie, il entrera à la Télévision algérienne au début des années 1970. «C'est un réalisateur de talent. L'un des meilleurs assistants réalisateurs avec Bouguermouh dans l'histoire du cinéma algérien. J'ai produit deux films avec Hadj Rahim — Khoud Maâtalek Allah, Ya Diam Allah — et l'Aller simple en matière de scénario. Il a fait beaucoup pour Moussa Haddad. C'est une perte pour l'Algérie. Un gaspillage d'énormes talents. Jeressens beaucoup de regret pour ses qualités et de respect à son endroit. Il aurait dû faire 15 ou 20 longs métrages. Il avait renoncé, tout comme Mohamed Ifticène... Un grand respect», déclare Ahmed Bedjaoui, «Monsieur Cinéma», auteur, chercheur, producteur et critique de 7e Art. Il y a une dizaine d'années — tel est pris qui croyait prendre — Hadj Rahim avait été piégé à son tour par la caméra cachée «Wadjh El Akhar» réalisée par Djaâfar Gacem, où le génial comédien Mourad Khan et son complice, le crédible Djedou Hassan, avaient soufflé le chaud et le froid dans cette émission de radio où tout déménage. Et là, nous avions découvert un Hadj Rahim d'une grande sagesse, doté de sang-froid et surtout d'une patience désarmante. Et sa fille, Miryam Rahim, avait posté ceci : «Petit commentaire pour mon Papa, Hadj Rahim. Même pris à ton propre piège, Papa, tu gardes ton sang-froid, ton côté chaleureux et tellement humain... Je suis vraiment fière d'être ta fille, tu es un artiste, il n'y a pas de doute !» Tel père, telle fille ! Salut l'artiste et merci pour le rire et le sourire !