Au moment où de nombreux titres de la presse nationale se plaignent de l'asphyxie financière due, notamment, à la baisse des rentrées publicitaires, une nouvelle mesure fiscale, introduite dans la loi de finances 2017, est venue augmenter la pression sur les entreprises de presse, déjà fragilisées. Instituée par l'article 65, cette mesure prévoit, en effet, «une taxe spécifique sur les contrats de production, ainsi que sur la diffusion de publicité dont la réalisation est effectuée à l'étranger, faite au profit de produits non fabriqués localement». Le taux de cette taxe, précise l'article, «est de 10%, incluse dans l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée». Les professionnels du secteur relèvent, d'abord, le flou qui entoure cette nouvelle disposition, en ce sens que les modalités de son application ne sont toujours pas connues. L'article en question précise d'ailleurs que «les modalités d'application du présent article sont fixées, en tant que de besoin, par un arrêté du ministre chargé des Finances». Tout en rappelant qu'une taxe supplémentaire de 1% est déjà appliquée sur la publicité, Riad Aït Aoudia, directeur de l'agence MediAlgeriA, spécialisée dans l'achat d'espace publicitaire affirme : «Aujourd'hui, c'est encore le flou. On attend les précisions du ministère des Finances pour voir plus clair.» Selon lui, les agences intermédiaires se sont toujours acquittées de 1% de taxe supplémentaire, même si la disposition l'ayant instaurée n'est pas claire sur cet aspect. C'est pourquoi, précise-t-il, «des circulaires d'application sont nécessaires pour lever ce genre d'ambiguïté et savoir qui doit supporter cette nouvelle taxe de 10%». Quant à son utilité, il relève le risque de voir cette disposition augmenter les contraintes qui pèsent sur l'entreprise, dans la mesure où toute charge supplémentaire pourrait freiner son développement. «La publicité est un investissement mais, dans notre pays, elle n'est pas considérée comme telle. Si l'investissement est alourdi par les taxes, cela ralentira inévitablement la croissance de l'entreprise et, partant, de l'économie en général», explique notre interlocuteur. Et de noter que si cette taxe doit être supportée par l'annonceur lui-même, il est plus que probable que les entreprises se verraient obligées, en ces temps de crise, de procéder à des coupes sur le budget consacré à la publicité. Les premiers à pâtir de cette situation seront les médias qui tirent de la publicité leur principale source de financement. «Alors que le volume des annonces est en chute depuis quelques mois, une telle taxe ne fera qu'aggraver la situation», nous dit un autre spécialiste du marché publicitaire en Algérie. Chiffres à l'appui, il affirme qu'un recul sensible est d'ailleurs constaté dans le secteur automobile, principal pourvoyeur de publicité : «Rien que pour ce secteur, les investissements en publicité dans la presse (les quotidiens) sont passés de 5 739 387 604 DA, en 2015, à 3 794 601 262 DA en 2016.» Il faut savoir, par ailleurs, que les entreprises de presse sont soumises à une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dont le taux a augmenté de 2 points, passant, depuis le 1er janvier 2017, de 7% à 9%. Pour les organes disposant de rotative, la charge est encore plus importante, puisqu'en raison de la dévaluation de la monnaie nationale, l'importation du papier, qui constitue la matière première pour la confection des journaux, coûte énormément plus cher et les coûts d'impression deviennent de plus en plus lourds à supporter. Ne jouissant ni d'abattement fiscal ni d'aucune mesure particulière de soutien financier de la part des pouvoirs publics, beaucoup de titres de la presse nationale se trouvant dans une situation financière précaire risquent ainsi leur survie. Se référant aux pratiques bien ancrées depuis des décennies déjà en Occident, mais aussi dans certains pays d'Afrique, des spécialistes rappellent que le secteur de la presse, de par le monde, est devenu l'un des plus soutenus par les gouvernements. En France, par exemple, la presse imprimée bénéficie d'un taux de TVA super réduit de 2,1%. En Belgique, ce taux est de 6%, alors que l'Espagne applique un taux préférentiel de 4%. En Algérie, un fonds d'aide dédié à la presse, promis depuis bien longtemps par les autorités, n'a jamais vu le jour. Le ministre de la Communication, Hamid Grine, a indiqué, en novembre dernier, qu'il évoquerait les étapes de la mise en place de ce fonds «au moment opportun». En attendant, certains éditeurs se voient contraints d'augmenter leur prix de vente pour compenser, en partie, les charges de plus en plus lourdes et la désaffection des annonceurs.